C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

26 décembre 2016

Monsieur le curé d’Anduze et l’affaire du bâton volant…

Bataille de Trafalgar par Auguste Mayer (1805-1890)
Ce jour là, premier brumaire de l’an quatorze (23 octobre 1805), Jean Coulomb aîné, le juge de paix, se rend à son cabinet anduzien accompagné de son greffier Jacques Gache. Ayant assisté avec un certain nombre de représentants des cantons de France au sacre de Napoléon 1er quelques mois plus tôt à Paris, il ne sait pas encore qu’il y a deux jours l’Empereur a subi son premier grand revers militaire avec la défaite franco-espagnole à la célèbre bataille navale de Trafalgar. Le héros anglais, l’amiral Nelson, ne profitera pourtant jamais de cette victoire car touché par une balle mortelle ajustée par un tireur d’élite français. Si la destruction de la majorité de ses navires engagés lui interdira définitivement son projet d’envahir l’Angleterre, nous savons que l’Empereur se rattrapera quelques temps plus tard avec différents succès terrestres à travers toute l’Europe…
Mais revenons à l'actualité locale avec notre juge et officier de police judiciaire de la ville et du canton d’Anduze qui enregistra à dix heures du matin une plainte bien particulière… En voici le texte transcrit tel quel d’après l’original, avec sa ponctuation très procès-verbal !…

Est comparu Mr Roqueplane, curé de cette ville d’Anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après la déclaration du dit Mr Roqueplane, qui nous a dit que le jour d’hier sur les huit heures et demie du soir, en sortant de chez lui pour aller veiller chez Mr Dominique Benoist et après avoir tourné le coin de sa maison, on lui lança de dessus la place Saint-Etienne un gros bâton de chêne vert, qui avait servi de manche à une hache, et qu’heureusement n’en ayant pas été atteint il se porta sur le lieu d’où le coup était parti, qui y étant arrivé il rencontra un enfant de l’âge de quatorze ou quinze ans, a qui il demanda comment il s’appelait, et d’où il était. Cet enfant satisfit à sa demande, mais l’émotion ou il était lui a fait oublier sa réponse. Il lui demanda ensuite ce qu’il faisait là, et s’il n’avait pas vu quels étaient ces polissons qui lui avait lancé le bâton. Il lui avait répondu qu’il faisait son chemin, qu’il avait bien vu des hommes qui après avoir lancé le bâton dont il se plaignait, s’étaient enfuis avec précipitation mais qu’il ne les avait pas reconnus, que voyant qu’il ne pouvait découvrir quels étaient ces individus, il continua sa route et qu’il rencontra à quelques distances de là les nommés Nissaret marié avec la fille de Bourrely, et Parlery dit Xaron, tous deux garçons chapelier habitants de cette ville, lesquels voyant le plaignant alarmé l’invitèrent à se retirer et offrirent de lui faire compagnie. Ils descendirent en conséquence pour aller chercher le bâton, et ils rencontrèrent la femme Privat qui portait une lanterne allumée de laquelle ils se servirent pour le trouver, lequel dit bâton nous a été remis par le plaignant comme pièce à conviction. Il nous a encore dit que ce qui le déterminait à porter cette plainte c’est que dans le courant de l’hiver dernier, il lui fut à deux différentes reprises lancé des pierres en sortant de chez lui, par lesquelles il ne fut jamais atteint, et comme il craint que cela ne soit quelque ennemi qui lui en veuille il est venu nous en porter la plainte, et nous a déclaré vouloir en poursuivre les auteurs si jamais il parvient à les découvrir, affirmant tous les faits ci dessus rappellés vrais et sincères, et a signé Roqueplane curé d’Anduze. 

Nous juge de paix officier de police judiciaire sus dit avons donné acte au dit Mr Roqueplane de sa comparution, et désirant découvrir les auteurs du délit dont il se plaint, pour les faire poursuivre avec toute la rigueur des lois, avons mandé venir les nommés Nissaret et Parlery, pour savoir par eux-mêmes s’ils n’avaient pas connu les individus qui avaient lancé le bâton dont se plaint le dit Mr Roqueplane, et pour nous dire le nom de l’enfant qui avait été trouvé sur la place St Etienne. Les dits Nissaret et Parlery arrivés nous ont dit qu’ils ne se trouvaient pas là au moment où le bâton avait été lancé, qu’ils avaient rencontré Mr le curé se plaignant, qu’ils avaient offert de l’accompagner et qu’ils avaient ensemble cherché le bâton, qu’ils avaient trouvé à l’aide de la lanterne de la femme Privat, qu’ils avaient rencontré chemin faisant. Nous leur avons encore demandé s’ils ne reconnaissaient pas le dit bâton, ils nous ont dit que non. Nous leur avons aussi demandé comment s’appelait l’enfant qui avait été trouvé sur la place St Etienne lors de cet événement, ils nous ont répondu qu’il s’appelait Pierre Dupuy, de Graviès dépendant de cette commune travaillant en qualité d’apprentis chez Massot aîné serrurier de cette ville. Nous l’avons de suite mandé venir, étant arrivé il a répondu aux diverses demandes que nous lui avons faîtes, qu’il se trouvait sur la place St Etienne a attendre un de ses camarades lorsque Mr le curé se plaignit qu’on lui avait lancé le bâton, qu’il avait vu trois personnes venant du côté de Beauregard, que l’une d’elles s’était arrêté à la fontaine, et que les deux autres s’étaient avancées jusqu’au platane et que de là l’une d’elles avait jeté le bâton et s’étaient tous enfuis à toutes jambes quand ils avaient entendu qu’on se plaignait. Nous lui avons encore demandé s’il n’avait reconnu aucun des dits individus et nous a répondu que non. Voyant que nos démarches sont inutiles pour découvrir les auteurs du délit dont se plaint le dit Mr Roqueplane, nous avons dressé le présent procès verbal pour, au cas on vienne à bout d’en découvrir les auteurs, ils soient poursuivis par devant les tribunaux compétents, et plus avant n’ayant été procédés, nous nous sommes signé avec notre greffier.

13 décembre 2016

Nuit agitée pour la Garde Nationale d’Anduze !…


Avec la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830 (les « Trois glorieuses ») où Charles X fut contraint de laisser le trône à son cousin le duc d’Orléans Louis Philippe, le nouveau pouvoir rétablira la Garde Nationale à travers tout le pays. Anduze, chef lieu de canton, abrita la cinquième compagnie commandée par le capitaine Bony.
Ce petit préambule pour vous situer le contexte général du document inédit que je vous propose de découvrir. Il fait parti des nombreux « vieux papiers » poussiéreux que j’ai trouvés au milieu du désordre des cartons de livres réformés de la bibliothèque. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer quelques-uns d’entre eux lors de précédents billets et je vous en soumettrai encore d’autres assez étonnants…
Tous ces différents témoignages anciens de la vie quotidienne d’Anduze qui méritent de gagner nos archives municipales, souvent amusants et émouvants avec le recul des années, peuvent être aussi particulièrement violents. Mais ces derniers, comme celui d’aujourd’hui, participent également à leur façon d’une meilleure connaissance de notre histoire locale accompagnée bien sûr depuis toujours de son cortège de délinquances et de brutalités inhérent à nos sociétés, quels qu’en furent et quels qu’en soient leurs modèles…


Garde Nationale d’Anduze
Rapport du sergent de garde du poste établi au quartier des Casernes
du 1er octobre mille huit cent trente

Hier soir à onze heure de la nuit le nommé Claude Firmin Chaudesaigues, chaudronnier et propriétaire foncier demeurant à Anduze, s’est introduit sans motif dans le corps de garde. Le sergent soussigné l’a invité à se retirer, ce qu’il a refusé de faire, disant qu’il souhaitait coucher au corps de garde. Cette autorisation lui a été accordé, sous condition qu’il serait tranquille. Mais au lieu de cela et lors d’une courte absence du sergent, il a voulu plaisanter avec le sieur Jean-Jacques Cornier, caporal de service, en faisant des gestes avec la main comme voulant tirer des armes. Cela étant ainsi Chaudesaigues a frappé méchantement le caporal Cornier et le renversa sur le lit de camps. En même temps d’une main il le saisi au bras et lui a donné deux coups de poing. Ce qui a obligé le caporal à crier au secours. Alors la garde entière voyant la fureur avec laquelle allait Chaudesaigues, le saisi et l’a enfermé dans la prison. La résistante colère qu’opposait Chaudesaigues a causé plusieurs blessures au sergent du poste à la main gauche et sans le prompt secours apporté au caporal, la force et la brutalité de l’assaillant aurait pu compromettre sa vie. Pendant toute la nuit Chaudesaigues n’a pas cessé de murmurer d’égorger les gens de garde lorsqu’il aurait sa liberté.
En foi de quoi le rapport a été fait pour être transmis à qui de droit.
A Anduze le premier octobre 1830


Suivent les signatures du sergent et du caporal, et celle du capitaine précédée de « Le capitaine de la 5ème Compagnie de la Garde Nationale d’Anduze, soussigné, certifie que les signatures ci-dessus sont sincères et véritables. Anduze le 1er octobre 1830 »