C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

17 février 2021

Les échoppes médiévales d’Anduze…

A Anduze nous avons encore quelques vestiges extérieurs d’échoppes médiévales. Des traces visibles laissées, malgré les remaniements, par des propriétaires intelligents soucieux de préserver et de montrer l’histoire très ancienne de leur immeuble. Des témoignages de pierres émouvants qui viennent confirmer le dynamisme économique de la vieille cité au Moyen-âge.
 
Ces échoppes étaient nombreuses à l’intérieur des remparts de la ville ; petites boutiques qui n’étaient pas destinées comme celles d’aujourd’hui à recevoir du public. Les commerçants exposaient leurs marchandises dehors, l’espace intérieur servant de réserve. Par contre pour les artisans la pièce était souvent transformée en atelier, ce qui permettait aux passants de voir la fabrication des produits en direct. Les jours de marché ou de foire il devait être très difficile de se frayer un chemin dans les ruelles étroites…
 
Le plus souvent les vantaux de bois qui protégeaient le local avaient une autre fonction : une partie se relevait vers le haut pour servir de auvent contre le mauvais temps mais aussi le soleil, et l’autre se rabattait vers le bas sur les bancs de pierre pour y étaler la marchandise dessus. L’expression qu’on utilise encore aujourd’hui : « trier sur le volet » viendrait de cette époque !
 
La façade d’échoppe la mieux conservée et sans doute la plus connue se trouve dans le passage couvert de la rue Grefeuille.
Mais pour moi la plus typique, et peut-être la plus ancienne, élève son arcade en dehors des circuits touristiques, rue des Albergaries (des auberges). Malgré la création d’un mur et d’une fenêtre, les belles pierres taillées laissées apparentes dessinent encore les contours de l’ancien local avec la petite entrée située au milieu, séparant les deux grands blocs des bancs.

Ici l’origine médiévale de l’immeuble est confortée par la trace indiscutable, au premier étage, d’une fenêtre gothique murée. Au vu de ce que l’on peut encore apercevoir des moulures en haut de cette ancienne ouverture, celle-ci parait d’une facture antérieure à la petite fenêtre également gothique découverte récemment place Couverte…

Photos : vestiges d'une échoppe et d'une fenêtre gothique au-dessus, rue des Albergaries.

4 février 2021

Le célèbre mascaron de la place Couverte…

 

A Anduze les rares mascarons existant encore ornent quelques unes de nos vieilles fontaines mais aussi, pour le plus célèbre d’entre eux, le sommet d’un porche en granit rouge situé place Couverte.

Célèbre pour plusieurs raisons dont la première est son caractère unique dans notre cité : aucune autre porte ne bénéficie de ce genre de décors particulier ! Pourtant, à partir du seizième siècle jusqu’au dix neuvième, pour marquer sa différence dans les grandes familles bourgeoises et aristocratiques, il était de bon ton de personnaliser l’entrée de sa demeure. Quand on avait pas la chance de posséder un blason ou que l’on voulait simplement se singulariser, on pouvait, entre autres éléments de décoration, faire le choix d’un masque de pierre classique représentant par exemple une divinité antique ; ou alors, comme notre fameux mascaron, choisir une tête au visage grimaçant, souvent hideux, censé chasser le « mauvais œil » pour qu’il n’entre pas dans la maison…
Mais peut-être n’ai-je pas pris le bon exemple avec celui-ci puisque la deuxième raison de sa notoriété est qu’il est associé à une savoureuse anecdote expliquant l’origine de sa création.

Nous sommes à la fin du dix huitième siècle et le propriétaire de l’hôtel particulier qui abrite le magnifique porche qui nous occupe place Couverte s’appelle Rieu de Montvaillant ; une famille royaliste réputée à Anduze, dont certains membres d’ailleurs participèrent activement et de différentes façons à notre histoire locale pendant longtemps. Monsieur de Montvaillant, ayant appris l’installation d’un fervent républicain en face de chez lui, de l’autre côté de la place, fit installer, par provocation, le mascaron tirant la langue ; son « voisin d’en face », en colère et ne pouvant rien intenter contre cette humiliation, fit murer ses fenêtres donnant sur la place.
Le plus troublant c’est qu’aujourd’hui encore la façade est aveugle !…

21 janvier 2021

Quand les cirques paradaient à Anduze…

 

C’est le tirage inédit d’un négatif de verre que je vous propose aujourd’hui ; celui d’un jour faste pour les Anduziens dans les années 1900, puisque la cité accueillait un cirque ambulant.

A cette époque, même si les chapelleries commençaient doucement à enregistrer une baisse d'activité, les filatures tournaient encore à plein régime et ne présageaient en rien de la future crise économique qui surviendra quelques années plus tard… Donc ce jour là l’esprit était à la fête et les ombres portées sur l’image nous apprennent qu’un soleil radieux et matinal a contribué à faire sortir de nombreux enfants et adultes pour accompagner le convoi pittoresque. Elles nous indiquent aussi indirectement que ce sont plutôt des chameaux que des dromadaires qui accompagnaient les éléphants du défilé !…

En plus d’un siècle ce quartier sud n’a pas vraiment changé et les Anduziens et autres habitués des lieux ont reconnu l’entrée étroite et sombre de la rue Bouquerie. A droite, au premier plan, on devine le portail d’accès à la chapelle Méthodiste ; les « postes et télégraphes » restèrent de nombreuses années dans les murs du bâtiment à droite de l’entrée de la rue citée, avant d’être transférés pour un temps avenue Rollin.

Eugène Gervais, notre « opérateur », devait être installé avec sa chambre et son trépied sur une voiture ou sur le toit d’une roulotte. A la naissance du vingtième siècle et en province un photographe et son matériel encombrant étaient encore une source de curiosité : les regards des personnes du premier plan dans sa direction le confirment ; d’autant plus quand il a dû demander l’immobilité générale pendant quelques secondes, le temps de fixer sur la gélatine cet événement mémorable ! 

On peut supposer que ce notaire passionné de photographie fit différentes prises de vue sur le thème du cirque durant son activité, mais aucune d’entre elles ne fut publiée en carte postale ; un fait étonnant quand on sait que sous sa signature E.G. furent produites sans aucun doute les plus belles cartes « précurseurs » d’Anduze…

9 janvier 2021

Le séjour imprévu de Louis Armstrong à Anduze !…

Deux ans avant sa disparition, Claude Nougaro, invité d'honneur des Fous chantants d'Alès en août 2002, vint dormir à Anduze. Peut-être savait-il qu'un illustre prédécesseur, à qui il rendait hommage depuis 1967 à travers l'une de ses meilleures chansons, "Armstrong", avait fait un séjour imprévu en son temps à la Porte des Cévennes.

Nous sommes dans les années 1953-1954 et à cette époque Louis Armstrong, dans le cadre de ses grandes tournées européennes, faisait escale de temps en temps au Colisée, lieu mythique de Nîmes où tous les grands noms du jazz se sont succédés (Sidney Bechet, Duke Ellington, Bill Coleman…). Au cours de l’un de ses concerts il se fendit la lèvre, assez sérieusement pour l'obliger à prendre quelques jours de repos : il les passa à Anduze, logeant à l'hôtel du Luxembourg et accompagné de son acupuncteur personnel.

Certains soirs, ses amis musiciens venaient lui rendre visite et cela se terminait inévitablement par un bœuf, sous le regard médusé et admiratif d'un auditoire improbable, dont l’Anduzien Louis Renaud, jeune homme à l’époque, qui me raconta au détour d’une conversation ce magnifique témoignage !
Il faut dire que tous ces artistes étaient un peu chez eux à l’hôtel, car chez Jean Heurtel. Tout en tenant l’établissement avec son épouse et sa belle-sœur, celui-ci était aussi un batteur amateur talentueux et passionné de jazz ; un habitué du Colisée et autre Hot Club de Nîmes entretenant des liens amicaux avec tout ce petit monde musical…

Lors d’une belle manifestation consacrée au jazz en août 2010 au parc des Cordeliers, j'ai eu l'occasion de raconter cette anecdote authentique à Patrick Artero. Je crois que ce grand trompettiste, l'un des plus doué de sa génération et qui allie, en dehors du talent, gentillesse et simplicité, avait pris plaisir à l'entendre…