C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

23 mars 2019

Les monnaies d’Anduze et de Roquefeuil : une histoire de famille…

Dans quelques semaines, au mois de mai, nous retrouverons avec plaisir Laurent Schmitt pour une conférence particulièrement attendue puisqu’elle viendra compléter avec de nouveaux éléments celle qu’il avait faîte il y a une dizaine d’années déjà sur le monnayage d’Anduze ! Organisée par le Club Numismatique Cévenol pendant le week-end de leur bourse nationale annuelle, nous serons heureux de tous les retrouver pour ce moment culturel et particulièrement convivial !
 
En attendant ce rendez-vous je voudrais dire quelques mots sur une famille dont la monnaie a toute sa place à côté des différents Bernardins dans la vitrine du collectionneur : celle des Roquefeuil. C’est une maison noble ancienne et puissante qui trouve son origine à Saint-Jean-du-Bruel, situé côté Est de l’Aveyron et à la frontière du Gard, aux environs du Vigan. A l’instar de la maison d’Anduze, au douzième siècle elle est auréolée d’un certain prestige depuis au moins trois cents ans.
 
Mais le spectre d’une fin de lignée et le jeu des alliances décideront Geoffroy de Roquefeuil, dernier descendant mâle de la famille, à faire entrer dans le giron familial de la maison d’Anduze sa fille unique et seule héritière. En 1129 il donna Adélaïde en mariage à Bertrand d’Anduze, troisième fils du seigneur Bernard IV. Cette union était accompagnée d’une condition : que les futurs enfants du couple portent le nom et le blason des Roquefeuil. Au bout de quelques années, Bertrand, devenu donc de Roquefeuil par son mariage, va bénéficier d’un concours de circonstances totalement imprévu qui va l’obliger à s’occuper des immenses possessions anduziennes : son frère ainé, qui était devenu le seigneur attitré d’Anduze sous le nom de Bernard V se retire en 1164 pour se faire moine, suivant les traces de son frère cadet Pierre Bermond, seigneur de Sauve, qui avait abandonné son pouvoir en 1161 pour la robe de bure ! Et, fait incroyable à l’époque, le jeune fils et héritier de Bernard V, Pierre-Bernard, rejoint son père en 1165 à l’abbaye de Bonneval !
Pour ne pas laisser le fief d’Anduze sans gouvernance, Bertrand de Roquefeuil le prend sous son aile. Il avait eu deux fils avec Adélaïde : l’ainé, Raimond, récupèrera la seigneurie de Roquefeuil tandis que Bertrand, le deuxième, s’occupera d’Anduze sous le nom de Bernard VI.
 
Côte à côte les deux maisons vont poursuivre leur chemin ensemble un certains temps, mais des grands événements de l’Histoire vont finir par les rejoindre et leur attribuer un destin différent. En attendant elles battirent chacune monnaie, symbole de leur puissance locale.
Le denier de Roquefeuil, rarissime aujourd’hui et donc nettement plus cher à l’achat que le Bernardin, plus facile à trouver, n’a certainement pas bénéficié de la même production que les pièces d'Anduze-Sauve. Il suffit de le regarder pour savoir qu’il n’en demeure pas moins de la même famille, et cela dans tous les sens du terme !…

9 mars 2019

Le général anduzien méconnu de l'armée révolutionnaire… 2

Suite et fin de cette note très intéressante que nous a laissé G.R. dans son ouvrage « Le Vallon d’Anduze ».

« A part l’honneur qu’il eut d’être porté et cité à l’ordre du jour, cette affaire lui valut le brevet de chef d’escadron qu’il refusa, et renvoya à Paris, en manifestant le désir de demeurer à la tête de sa compagnie. Mais, soit que nos gouvernants d’alors s’imaginassent qu’il ne se croyait pas assez récompensé, soit autre vue de leur part, ils lui envoyèrent sa nomination de général de brigade qu’il aurait refusé aussi si ses amis ne lui eussent fait comprendre qu’il allait s’exposer à être mandé à la barre de la Convention, et si un représentant du Peuple qui se trouvait au camps, ne lui eut dit en langage du temps : Capitaine tu dois accepter, la Nation décerne les palmes au mérite, et, en te récompensant, elle croit récompenser un bon b…..! (1)
« Mr. Blanc accepta. Il eut, sous son commandement, dix mille hommes de notre meilleure cavalerie, entre autres les deux régiments de carabiniers. L’occasion lui en étant souvent fournie, souvent il se distingua à la tête de cette troupe d’élite, et il aurait infailliblement poussé son chemin plus loin, ou se serait fait tirer, si le sort n’en eut décidé autrement. Un jour, au milieu d’une affaire des plus chaudes, un boulet de canon lui passe si près de la tête qu’il le rend complètement sourd et le laisse comme atterré sous le coup.
« Cette infirmité, que rien ne put lui guérir, le rendant impropre à suivre les armées le fit nommer commandant de place à Cambrai…
« Mais, soit qu’il s’imaginât que c’était descendre que d’accepter ce poste ainsi qu’il l’a dit plusieurs fois, soit, qu’en perdant l’ouïe, il eut perdu alors une partie de sa raison, il partit pour Paris sans regarder qu’il n’avait pas deux ans de service dans son grade de général de brigade, et alla solliciter sa retraite qui, d’après la loi, ne lui fut accordée que comme Capitaine.
« Il était dans le dix-huitième mois de son grade supérieur, et comptait, en tout, trente cinq ans, deux mois, vingt cinq jours de service, y compris quatre campagnes. Sa pension de retraite, annuelle et viagère, fut fixée à onze cents francs, quatre vingt neuf centimes seulement, tandis que, après son décès, celle de sa femme, ma belle-mère, fut portée à mille francs, la loi lui donnant droit, comme marié durant l’activité de service de son mari, au quart de la retraite du grade supérieur de ce dernier.
« Le général s’était retiré, d’abord à Laon, chef lieu du département de son épouse ; mais le 11 floréal an 10 de la République, il quitta ce lieu avec sa femme et ses trois enfants en bas âge, et, voyageant à petites journées en voiture, il arriva, le sixième prairial an 10 à Anduze où il est mort le 20 septembre 1820. Jamais convoi funèbre, chez nous, n’a été plus pompeux, ni plus nombreux en assistants que le sien ! »
 
 
Si la période révolutionnaire fut violente et incertaine pour une majorité des cadres de l’armée, elle offrit aussi à certains soldats d’origine modeste comme Chalbos et Blanc l’opportunité d’optimiser une fin de carrière, avec plus ou moins de réussite selon leur compétence… et leur état de santé !

Une époque favorable à l’émergence de personnalités les plus diverses qui surent profiter de circonstances exceptionnelles pour faire évoluer leur situation personnelle. Encore un exemple avec ce capitaine qui, en décembre 1793, contribua grâce à son sens tactique et son obstination à la reprise du port et de la ville de Toulon aux Anglais. Trois jours après ce succès il passa du grade de capitaine à celui de général de brigade ! Il faut dire aussi qu’à la différence de nos deux généraux précédents, celui-ci n’avait que 24 ans lors de cette nomination et son extraordinaire ascension ne faisait que commencer : il s’appelait Napoléon Bonaparte…


(1) Recopié tel que : je n'ai pas trouvé le mot correspondant aux points de suspension.