C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

22 février 2020

Anduze 1805 : un « tellatier » dans de beaux draps !…

Décidément tous les métiers sont concernés par ces plaintes au juge de paix où la violence, quand elle n’est pas physique, est dans les paroles. Il s’agit ici d’une querelle entre un tellatier, ouvrier chargé de la fabrication de toiles et de draps, et de tisserands de cadis, ces étoffes grossières en laine ou coton qui servaient surtout à la confection de vêtements usuels. Deux activités professionnelles complémentaires à l’époque.

Au delà d’une anecdote de la vie quotidienne d’alors où l’on ne mâchait pas ses mots, ce document, que je vous livre encore une fois tel quel, m’a particulièrement intéressé ! Un passage de celui-ci piqua ma curiosité à sa façon et me donna l'envie d’approfondir une information qu’il me transmettait. Je vous en communiquerai les résultats dans un prochain billet… 

« Cejourd’hui vingt huit floréal an treize (18 mai 1805) à quatre heures du soir devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire du canton d’anduze, et dans notre demeure au dit anduze assisté de Jacques Gache notre greffier.
« Est comparu Jacques Alexandre Pepin tellatier habitant de cette ville, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Pepin qui a dit, que le lundi neuf floréal courant la femme de Jean Couderc tisserand de cadis et son fils le plus jeune, environ les huit heures du soir lui crièrent qu’il était pourri, qu’il avait la vérole, que mr. Miergue le guerrissait, qu’il était un coquin, un voleur, qu’il sortit de sa maison qu’ils l’éventrerait, enfin qu’ils le tuerait, et une infinité de menasses et mauvais propos.
« Il vint aussi à la porte de la maison du plaignant la femme de Brun Clocheron, avec un pic, lui dit de sortir de son métier et qu’il n’irait pas plus loin, qu’elle était venue pour le tuer, lui dit mille injures, et lui fit toutes sortes de menasses, et qu’elle servirait de faux témoins pour le faire pendre. Tous lesquels faits il a affirmé vrais et sincères et désigne pour témoins diceux, David Loubatière journailler et sa mère, et de tout requiert acte. Requis de signer a déclaré ne savoir le faire. »

9 février 2020

Le voyage funeste du voltigeur César Gache d’Anduze…


Aujourd’hui, grâce à la découverte de quelques lettres mélangées aux procès-verbaux du dix-neuvième siècle dont je vous livre les meilleurs extraits depuis quelques temps déjà, nous allons entrer dans l’intimité familiale de Jacques Gache. Un Anduzien que nous connaissons bien maintenant puisqu’il s’agit du greffier attitré du juge de paix Coulomb aîné que nous croisons régulièrement à travers les vieux documents que je vous propose.
Nous sommes en pleine période du Premier Empire et cette correspondance privée entre un père et son fils aîné, César, enrôlé dans l’armée de Napoléon, est particulièrement émouvante.
Après avoir séjourné dans divers casernements où il écrit souvent à son père et sa mère, certainement par affection sincère mais aussi comme tout conscrit pour réclamer un peu d’argent, le jeune homme de vingt et un ans se retrouve à Bordeaux pour embarquer sur une frégate, direction la Martinique. Une lettre datée du 30 décembre 1807 nous apprend qu’il est parti le 15 septembre pour arriver « en bonne santé » le 19 décembre  aux « îles d’Amérique ». Voltigeur au deuxième bataillon de la première compagnie du vingt-sixième régiment de ligne, il a la fonction de perruquier et écrit sa fierté d’avoir les louanges de son capitaine.

Cette missive rassurante, son père la recevra à Anduze le lundi 4 avril 1808… Evidemment à l’époque, le temps d’acheminement du courrier était beaucoup plus long qu’aujourd’hui, surtout quand la distance était grande et le parcours par mer incertain en période de guerre. Aussi Jacques Gache ne sut pas tout de suite que c’étaient les dernières nouvelles que son garçon lui envoyait. Quelques temps après, de nouveau inquiet, il écrira la lettre ci-dessous :
 
« à Anduze le 6 septembre 1808
« Je ne sais point mon cher fils si tu auras reçu une des cinq lettres que je t’ai adressées dans le temps par Brest, Lorient, La Rochelle, Nantes et Bordeaux. Il nous tarde de recevoir de tes chères nouvelles, et surtout d’apprendre que le changement de climat n’a point altéré ta santé ; tes frères, tes sœurs, tous les parents et amis nous demandent souvent de tes nouvelles mais comment leur en donner ? Je reçus ta lettre en date du 30 décembre 1807 qui m’annonçait que tu avais fait la traversée en bonne santé et que la mer ne t’avait point incommodé ; ta lettre était timbrée de Brest, elle causa à tous une bien vive sensation. J’ai à te recommander d’être toujours exact à ton service, de te faire par une conduite sans reproche continuer à mériter l’estime de tes chefs, et l’amitié de tes camarades ; sois sage et réservé, les excès, de quelque sorte qu’ils soient, ruinent le corps et épuisent la bourse ; et si Dieu te fais la grâce de te trouver dans une position à pouvoir gagner honnêtement quelque chose, sans être avare ménage le. Une grande partie de tes amis à qui le sort est tombé sont aux armées, les uns en Italie, les autres à la Grande Armée.
« Les deux Marc Genolhac, Edouard Martin, Pistou et autres, leurs parents reçoivent souvent de leurs nouvelles.
« J’espère cependant que celle-ci te parviendra, attendu que M. notre Empereur et Roi a établi à Paris un bureau dit de correspondance des Colonies, spécialement chargé de réunir toutes les dépêches et de les diriger vers les ports qui offriront des occasions.
« A ton tour ne laisse échapper aucune occasion pour nous donner de tes chères nouvelles. Soient par des vaisseaux français ou autres, nous sommes en paix avec toutes les puissances, sauf l’Angleterre. Quand même ces vaisseaux iraient en tout autre endroit que la France, je suis persuadé qu’en les mettant à la poste à l’endroit où ils iraient débarquer, que tes lettres me parviendraient.
« Informe toi d’Henri Gaussorgues, étant du même corps, ainsi qu’Astruc, leurs parents sont privés de leurs nouvelles depuis cinq ans ; les frères Maurin aussi dont leur père est à Tornac n’a reçu aucune nouvelle de ses fils depuis 6 ou 7 ans. S’il t’est possible de les découvrir, dis leurs bien des choses de la part de leurs parents.
« Adieu mon cher fils, je t’embrasse du plus profond de mon cœur et suis ton bon père, Gache »


Restant sans nouvelles pendant des mois, il essaya de faire jouer ses quelques relations mais sans résultat. Finalement un jour il reçut une lettre d'un ami de Saint-Jean-du-Gard appelé Rouquette, datée du 12 juillet 1810 et lui annonçant le retour en ville de Pelicot, voltigeur ayant appartenu à la même compagnie que son fils qu’il avait d'ailleurs très bien connu : le militaire confirma que Jacques César Gache était mort en mars 1808 à l’hôpital de La Trinité, de la fièvre jaune…