C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

29 décembre 2020

Ouvrez ouvrez les cages d’Anduze !…

L’avantage d’une petite ville au grand passé comme Anduze est qu’on la découvre tous les jours ou presque un peu plus ! Si les visites organisées par l’office de tourisme et autres historiens amateurs peuvent régaler, à juste titre, un public avide d’histoire et d’anecdotes locales, il n’est pas de plaisir plus grand que de découvrir par soi-même des lieux inédits au hasard d’une balade  – non minutée ! – ou d’une porte cochère restée ouverte…
Malgré une perte énorme de son patrimoine au cours des siècles – et cela toujours pour de bonnes raisons !… – la vieille cité a su garder en son cœur quelques jolies traces des périodes économiques fastueuses de son histoire. Des traces souvent cachées et inaccessibles parce que du domaine privé, comme les deux cages d’escalier parmi les plus magnifiques d’Anduze dont je vais vous parler aujourd’hui.
 
La première se trouve au numéro six de la place Couverte ; il s’agit d’un large escalier en pierre, à balustres, du dix-septième siècle et superbement entretenu par la propriétaire des lieux. A l’origine il était à l’air libre, longeant une petite cour intérieure ou « puits de fraîcheur ». Comme beaucoup de ces « puits » et à tort ou à raison, celui-ci a été rendu étanche par la pose d’une verrière sur le toit. Même au temps de Louis XIII un escalier de cette facture devait coûter cher et la présence aussi d’une très grande cave en pierres taillées pourrait confirmer qu’à l’époque cet immeuble devait appartenir à un riche commerçant de la place.
 
La deuxième est encore plus particulière puisqu’elle appartient à une « maison noble » qui se situe au croisement des rues Saulneries et des Albergaries, un des plus vieux quartiers de la ville. Si dans les années 1990 j’ai pu entrer facilement pour visiter cette maison de maître, c’est qu’elle était encore tenue par un vieil antiquaire qui y exposait ses trouvailles. On entrait dans les lieux par une porte de service, côté rue Saulneries ; la belle entrée principale, côté rue des Albergaries, était fermée par une épaisse porte en bois moulurée assez abîmée vers le bas (comme beaucoup de portes anciennes) et dotée d’une énorme serrure avec sa grosse clé, le tout d’époque Louis XIV. A l’intérieur, face à cette entrée, une large cage d’escalier avec cette fois une rampe en fer forgé du plus bel effet s’élevait vers les étages supérieurs.
Le long des murs blancs étaient accrochées des armes blanches de toutes natures mais pas la plus importante aux yeux de notre antiquaire qui affirmait avoir découvert et possédé l’épée de Jean Cavalier… avant qu’on ne la lui vole ! Une affaire qui n’a jamais vraiment été élucidée à ma connaissance.
Après le décès du maître des lieux, il y a pas mal d’années maintenant, de gros travaux dont certains urgents, comme la toiture, suivirent pour la préservation de l’immeuble. Depuis, celui-ci est complètement fermé et c’est bien dommage…
 
Bien sûr il existe d’autres belles entrées et cages d’escalier à Anduze, certaines d’ailleurs avec encore leurs élégants décors peints. A part quelques exceptions elles ont été relativement épargnées des remaniements effectués par leurs différents propriétaires au cours des siècles, ceux-ci privilégiant plutôt les fenêtres et façades des bâtiments.
Alors il ne faut pas hésiter à pousser les portes, quand on a la chance qu’elles ne soient pas verrouillées !…
 
Photo du haut : cage d’escalier de la place Couverte.
Photo du bas : ancien flyer de l'antiquaire - pour l’adresse il s’agit bien de la rue Saulneries et non Sonnerie ! Il est étonnant qu'il ait laissé passer une telle erreur…

13 décembre 2020

Germain Restouble à l’affiche…

Dans un billet relativement récent j’avais évoqué Germain Rodrigo dans l’exercice de ses multiples talents de peintre (billet 1 - mai 2020) ; aujourd’hui je vais vous parler de celui qui fut son ami mais aussi une figure locale célèbre en son temps.
 
Il s’agit de Germain Restouble, surtout connu pour avoir été pendant de nombreuses années le « Monsieur cinéma » d’Anduze. Avec le même prénom et les mêmes initiales les deux hommes étaient aussi de la même génération, Restouble ayant quatre ans de plus. Ils virent tous les deux, au fil des années d’une longue vie, disparaître progressivement les copains, ce qui renforça leurs liens réciproques : je fus quelques fois témoin de l’inquiétude de l’un quand celui-ci n’avait pas vu l’autre depuis deux jours !…
 
Né en 1903, Germain Restouble arriva de sa Lozère natale en même temps que l’électricité à Anduze, en 1923. Des circonstances prémonitoires puisqu’il devint artisan électricien à la Porte des Cévennes…
 
Passionné par le septième art, il réussit à ouvrir une salle de cinéma dans les années précédant la deuxième guerre mondiale et commença par la même occasion une formidable collection d’objets cinématographiques et notamment d’affiches qui ne furent pas, malheureusement, toujours conservées dans les meilleures conditions. Au cours de l’un de nos entretiens Germain m’apprit que pendant l’Occupation sa petite salle, située avenue Rollin à l’emplacement de la Perception actuelle, fut réquisitionnée par les nazis qui installèrent comme rideau d’écran une grande toile en tissus rouge avec la croix gammée.
Les nombreuses années passant, notre Lozérien ne prit jamais vraiment sa retraite malgré un âge très avancé. Il garda jusqu’au bout ses locaux, cinéma compris, celui-ci pourtant fermé depuis longtemps. Il faut dire qu’avec son état d’esprit de collectionneur et sa longévité, Germain avait accumulé énormément de choses, à l’excès, donnant l’impression qu’il ne jetait plus rien !
 
Il se partageait entre deux boutiques rue Neuve, situées presque l’une en face de l’autre. La plus grande avait un certain succès puisque c’était le lieu d’exposition de ses collections de vieux postes de radio et d’anciens matériels de cinéma ; l’autre lui servait de « bureau » mais était tout aussi envahie d’un véritable bric à brac dont des centaines de journaux et autres revues que l’on voyait déborder sur les marches de l’escalier menant aux étages de l’immeuble, que par ailleurs il habitait !…
 
Les fins d’après-midi d’hiver, quand vous passiez rue Neuve envahie par la nuit et déserte, il n’était pas rare d’apercevoir, à travers la vitrine éclairée chichement par le cône de lumière d’une petite lampe de bureau, la silhouette assise du « père Restouble » penchée sur sa table avec une grosse loupe à la main pour l’aider à lire…
Mais c’est aussi souvent à ces heures là qu’il recevait des visites dont un autre de ses amis, l’écrivain Joseph Zobel ; d’ailleurs celui-ci évoqua ces rencontres dans l’un de ses plus beaux livres sorti en 1994, « d’Amour et de Silence ». Germain en avait été particulièrement touché.
 
Je passais moi-même de temps en temps lui faire une petite visite durant les dernières années de sa vie et c’est lors de l’une d’elles, en octobre 1997, que j’avais avec moi mon appareil photo « argentique », chargé en noir et blanc ; aussi je lui ai proposé de faire son portrait, tout en continuant notre conversation qui avait dérivé pour je ne sais quelle raison sur sa réputation de mauvais caractère… Pour toute réponse il me gratifia d’une grimace que j’eus le réflexe de saisir avant qu’elle ne se transforme en un large sourire complice !
Décédé à 97 ans, Germain Restouble n’a jamais pu atteindre sa centième année, comme la dépassa Germain Rodrigo : peu importe puisque les deux amis sont entrés ensemble dans l’histoire d’Anduze pour d’autres raisons…