AVANT PROPOS
Ces pages doivent peu à la recherche récente ; leur agencement doit beaucoup à l’ouvrage que le nîmois ROUVIERE consacra à l’histoire gardoise, lors du premier centenaire de la Révolution française. Le présent recueil a un caractère fragmentaire : il retrace quelques épisodes significatifs, sans ambition de totale continuité.
« Anduze et la Révolution » se veut, cependant, lié à l’histoire départementale, à travers la « geste » des quelques enfants d’Anduze dont l’activité civique a dépassé le cadre local. Partout, dans les grands moments de la Révolution, les mêmes causes produisent des effets comparables : quelques brefs rappels de l’histoire nationale permettent de comprendre le sens des événements locaux.
On cite, au complet, deux pièces d’archives fondamentales, datées de mars 1789. Le procès-verbal de l’Assemblée locale de Tiers-Etat permet d’esquisser le tableau d’une bourdonnante activité économique. Le Cahier des doléances d’Anduze est une remarquable anticipation de la Construction politique et sociale souhaitée par la partie la plus éclairée du Tiers-Etat.
Le développement donné à quelques épisodes spectaculaires (comme les incendies de châteaux) veut éviter un récit trop aride. Cela n’interdit pas de montrer les mutations qui ont donné naissance à la France contemporaine (mise en place des nouvelles institutions administratives).
Les noms d’humbles artisans de la transformation révolutionnaire permettent une plongée dans l’ancienne onomastique locale ; beaucoup des patronymes locaux ont disparu, au moment du déclin de l’économie anduzienne (fin du XIXè siècle et début du XXè).
En évoquant l’héritage de quatre-vingt-neuf, on veut montrer le lien qui unit encore (malgré les ruptures économiques et démographiques) la cité d’aujourd’hui au bourg d’autrefois. Souhaitons voir cette esquisse confortée par la publication de documents d’archives, dont l’étude permettrait la remémoration d’un passé local qui a valeur d’exemple, bien au-delà du cadre régional !
LE DECLIN DE L’ANCIEN REGIME
On sait que la grande Révolution française est la conséquence de l’incapacité de l’ancienne monarchie à se réformer, alors que de nombreuses survivances médiévales empêchaient son adaptation aux exigences de la fin du XVIIIè siècle.
De graves problèmes financiers (qui n’ont pu être réglés par les « Assemblées de Notables ») ont contraint le gouvernement royal à convoquer, pour le printemps 1789, les Etats généraux des Trois Ordres (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat) : fait sans précédent, en 175 années d’absolutisme !
Jusqu’au XVIè siècle, la royauté française avait su, dans les temps de crises graves, obtenir l’appui des ordres privilégiés et de la bourgeoisie – au prix de certaines concessions que les trois ordres ne manquaient pas de demander – en contrepartie de l’aide financière accordée au Roi par les Etats Généraux. Rien de tel aux XVIIè et XVIIIè siècles : l’absolutisme, oublieux des anciens usages du royaume – qui marquaient les limites du pouvoir monarchique – est peu enclin à écouter la voix du pays : il détient les moyens de gouverner sans partage !
Mais, après Colbert, la royauté n’a plus de politique financière. Au XVIIIè siècle, les dépenses de l’état deviennent de plus en plus systématiquement supérieures aux recettes (surtout en temps de guerre) ; on en vient à emprunter pour rembourser les emprunts précédents !
La bourgeoisie, créancière de l’Etat, réclame de plus en plus fortement un droit de regard sur les affaires publiques. Classe instruite et entreprenante, elle supporte de plus en plus mal d’être tenue à l’écart (les hautes charges de l’Etat étant réservées à La Noblesse).
L’aristocratie et l’Eglise ne veulent rien céder de leurs privilèges fiscaux archaïques, alors que les « roturiers » sont accablés par des impôts qui ne suffisent plus aux besoins de l’Etat. La crise s’avérant insoluble par les voies ordinaires, la convocation des Etats Généraux devient inévitable.
En élisant leurs députés aux « Etats », les trois ordres rédigent leurs « Cahiers de doléances ». Les Cahiers du Tiers-Etat, œuvres de l’ensemble des communautés rurales et urbaines, précisent des vœux de réformes profondes partagés par la bourgeoisie, le petit peuple des villes et la masse paysanne (largement majoritaire).
Aux Etats Généraux de 1789, l’obstination des privilégiés contraint les députés du Tiers-Etat à adopter une attitude révolutionnaire. La crise économique et sociale généralise cette attitude à l’ensemble du pays : ainsi commence le grand bouleversement qui aboutit, trois ans plus tard, à la chute de la Royauté.
Les particularités méridionales
Pour comprendre la France du XVIIIè siècle, il faut se souvenir des diversités institutionnelles et culturelles qui distinguent les diverses parties du pays. Le mouvement des idées réformatrices est vigoureux dans le Midi occitanophone, pays de Droit écrit (c'est-à-dire de Droit romain, par opposition aux « coutumes », non codifiées, de la moitié Nord de la France).
Quelques régions périphériques (dont le Languedoc) ont conservé leurs «Etats » provinciaux, formés de membres de trois ordres, qui répartissent l’impôt royal et lèvent leurs propres impôts. Alors que, dans les pays « d’Election », les « Elus » (et autres agents royaux) administrent sans partage, en l’absence de toute représentation locale.
Se souvenir de ces importantes nuances régionales, c’est mieux comprendre les spécificités du mouvement révolutionnaire dans les diverses provinces. Il faut penser aussi que l’ouest et le centre de la Sénéchaussée de Nîmes sont restés majoritairement protestants, malgré un siècle d’interdiction totale et de persécutions parfois violentes.
La Sénéchaussée de Nîmes, (à laquelle devait succéder notre département du Gard), appartenait à la Province de Languedoc. L’opposition de nos devanciers aux abus du système « monarcho-seigneurial » se doublait d’une vive hostilité à l’encontre des « Etats de Languedoc ». Cette Assemblée provinciale, formée, non pas de représentants élus, mais de membres de droit, n’était que faiblement représentative des trois ordres de la province. La bourgeoisie n’y avait qu’une place réduite. Les campagnes, (occupées alors par l’essentiel de la population) n’étaient pas représentées aux « Etats » bien qu’elles supportent le poids principal des impôts royaux et provinciaux.
Cette situation particulière explique certains aspects importants de la phase préparatoire à l’élection des députés languedociens aux Etats Généraux.
A suivre.
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