C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

8 novembre 2015

Un poilu d'Anduze…

A l'approche de la commémoration du 11 novembre et dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale, je vais évoquer la destinée d'un poilu anduzien dont le nom échappa de justesse à la trop longue liste figurant sur notre Monument aux Morts. Un véritable miraculé. Né le 12 mars 1890 à Anduze d'un père libraire et d'une mère institutrice, le caporal Alfred Genolhac reçut la balle d'un Maüser allemand en pleine tête, sa trajectoire allant de la tempe droite pour ressortir à la tempe gauche…
Voici son témoignage sous la forme d'un poème tiré d'un fascicule d'une vingtaine de pages, édité chez A. Castagnier (imprimeur anduzien) et regroupant sous le titre "Poésies d'un blessé" une série de textes composée par le soldat lors de sa convalescence, entre 1914 et 1916 :

Souffrance

Vous avez dû souffrir d’une telle blessure,
Dites-vous, endurer un supplice d’enfer ?
Eh bien vous vous trompez, Lecteurs, je vous l’assure,
Je ne me souviens pas d’avoir jamais souffert.

Il me serait aussi malaisé de décrire
L’effet que vous produit une balle en plein front,
Car je n’ai rien senti ; je ne puis que vous dire
Que, stupéfait, le soir, loin du bruit du canon,

Je m’éveillai couché dans un lit d’ambulance,
Me demandant parfois si je n’étais pas fou,
Cherchant à m’expliquer dans ce lieu ma présence.
J’avais été blessé : mais quand, comment ou où ?

Pendant deux ou trois jours je fus comme hébété,
Abruti, c’est le mot, mais sans douleur locale.
Quand enfin, un matin, mon pansement ôté,
Je compris que j’avais au front deux trous de balle.

Ingrats, je vous vois rire, et ces mots héroïques
Ont provoqué chez vous la joie et la gaité,
Pourtant ne sont-ils pas exacts, précis, uniques,
Et l’expression, hélas ! de la réalité ?

Suis-je donc bien fautif si l’argot populaire
A réuni ces mots sublimes, glorieux,
Dans une appellation triviale et vulgaire,
En usage aux faubourgs, aux cabarets douteux ?

Mais vous tous qui riez, et vous dont l’âme exquise
Palpite de dégoût pour ces propos grossiers,
Je serais très heureux que vous m’indiquassiez
S’il est une expression plus brève et plus précise.


Alfred Genolhac est décédé le 16 janvier 1973 à Nice.

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