C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

13 décembre 2020

Germain Restouble à l’affiche…

Dans un billet relativement récent j’avais évoqué Germain Rodrigo dans l’exercice de ses multiples talents de peintre (billet 1 - mai 2020) ; aujourd’hui je vais vous parler de celui qui fut son ami mais aussi une figure locale célèbre en son temps.
 
Il s’agit de Germain Restouble, surtout connu pour avoir été pendant de nombreuses années le « Monsieur cinéma » d’Anduze. Avec le même prénom et les mêmes initiales les deux hommes étaient aussi de la même génération, Restouble ayant quatre ans de plus. Ils virent tous les deux, au fil des années d’une longue vie, disparaître progressivement les copains, ce qui renforça leurs liens réciproques : je fus quelques fois témoin de l’inquiétude de l’un quand celui-ci n’avait pas vu l’autre depuis deux jours !…
 
Né en 1903, Germain Restouble arriva de sa Lozère natale en même temps que l’électricité à Anduze, en 1923. Des circonstances prémonitoires puisqu’il devint artisan électricien à la Porte des Cévennes…
 
Passionné par le septième art, il réussit à ouvrir une salle de cinéma dans les années précédant la deuxième guerre mondiale et commença par la même occasion une formidable collection d’objets cinématographiques et notamment d’affiches qui ne furent pas, malheureusement, toujours conservées dans les meilleures conditions. Au cours de l’un de nos entretiens Germain m’apprit que pendant l’Occupation sa petite salle, située avenue Rollin à l’emplacement de la Perception actuelle, fut réquisitionnée par les nazis qui installèrent comme rideau d’écran une grande toile en tissus rouge avec la croix gammée.
Les nombreuses années passant, notre Lozérien ne prit jamais vraiment sa retraite malgré un âge très avancé. Il garda jusqu’au bout ses locaux, cinéma compris, celui-ci pourtant fermé depuis longtemps. Il faut dire qu’avec son état d’esprit de collectionneur et sa longévité, Germain avait accumulé énormément de choses, à l’excès, donnant l’impression qu’il ne jetait plus rien !
 
Il se partageait entre deux boutiques rue Neuve, situées presque l’une en face de l’autre. La plus grande avait un certain succès puisque c’était le lieu d’exposition de ses collections de vieux postes de radio et d’anciens matériels de cinéma ; l’autre lui servait de « bureau » mais était tout aussi envahie d’un véritable bric à brac dont des centaines de journaux et autres revues que l’on voyait déborder sur les marches de l’escalier menant aux étages de l’immeuble, que par ailleurs il habitait !…
 
Les fins d’après-midi d’hiver, quand vous passiez rue Neuve envahie par la nuit et déserte, il n’était pas rare d’apercevoir, à travers la vitrine éclairée chichement par le cône de lumière d’une petite lampe de bureau, la silhouette assise du « père Restouble » penchée sur sa table avec une grosse loupe à la main pour l’aider à lire…
Mais c’est aussi souvent à ces heures là qu’il recevait des visites dont un autre de ses amis, l’écrivain Joseph Zobel ; d’ailleurs celui-ci évoqua ces rencontres dans l’un de ses plus beaux livres sorti en 1994, « d’Amour et de Silence ». Germain en avait été particulièrement touché.
 
Je passais moi-même de temps en temps lui faire une petite visite durant les dernières années de sa vie et c’est lors de l’une d’elles, en octobre 1997, que j’avais avec moi mon appareil photo « argentique », chargé en noir et blanc ; aussi je lui ai proposé de faire son portrait, tout en continuant notre conversation qui avait dérivé pour je ne sais quelle raison sur sa réputation de mauvais caractère… Pour toute réponse il me gratifia d’une grimace que j’eus le réflexe de saisir avant qu’elle ne se transforme en un large sourire complice !
Décédé à 97 ans, Germain Restouble n’a jamais pu atteindre sa centième année, comme la dépassa Germain Rodrigo : peu importe puisque les deux amis sont entrés ensemble dans l’histoire d’Anduze pour d’autres raisons…

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