Deux ans avant sa disparition, Claude Nougaro, invité d'honneur des Fous chantants d'Alès en août 2002, vint dormir à Anduze. Peut-être savait-il qu'un illustre prédécesseur, à qui il rendait hommage depuis 1967 à travers l'une de ses meilleures chansons, "Armstrong", avait fait un séjour imprévu en son temps à la Porte des Cévennes.
Nous sommes dans les années 1953-1954 et à cette époque Louis Armstrong, dans le cadre de ses grandes tournées européennes, faisait escale de temps en temps au Colisée, lieu mythique de Nîmes où tous les grands noms du jazz se sont succédés (Sidney Bechet, Duke Ellington, Bill Coleman…). Au cours de l’un de ses concerts il se fendit la lèvre, assez sérieusement pour l'obliger à prendre quelques jours de repos : il les passa à Anduze, logeant à l'hôtel du Luxembourg et accompagné de son acupuncteur personnel.
Certains soirs, ses amis musiciens venaient lui rendre visite et cela se terminait inévitablement par un bœuf, sous le regard médusé et admiratif d'un auditoire improbable, dont l’Anduzien Louis Renaud, jeune homme à l’époque, qui me raconta au détour d’une conversation ce magnifique témoignage !
Il faut dire que tous ces artistes étaient un peu chez eux à l’hôtel, car chez Jean Heurtel. Tout en tenant l’établissement avec son épouse et sa belle-sœur, celui-ci était aussi un batteur amateur talentueux et passionné de jazz ; un habitué du Colisée et autre Hot Club de Nîmes entretenant des liens amicaux avec tout ce petit monde musical…
Lors d’une belle manifestation consacrée au jazz en août 2010 au parc des Cordeliers, j'ai eu l'occasion de raconter cette anecdote authentique à Patrick Artero. Je crois que ce grand trompettiste, l'un des plus doué de sa génération et qui allie, en dehors du talent, gentillesse et simplicité, avait pris plaisir à l'entendre…