IV - SOUS L’ASSEMBLEE CONSTITUANTE
ETE 1789 - ETE 1791
A/ L’ETE 1789
Après la prise de la Bastille
On sait comment, en juin 1789, à Versailles, la ferme attitude des députés du Tiers-Etat aboutit à la formation de l’Assemblée Nationale. Mais le gouvernement royal rassemble des régiments de mercenaires autour de Versailles et de Paris. L’Assemblée n’aurait pas pu résister au coup de force qui la menaçait ; elle est sauvée par l’insurrection du peuple de Paris qui, le 14 juillet, s’empare de la Bastille.
Quelques jours plus tard, la nouvelle est connue à Anduze. On y rédige une « Adresse des trois Ordres de la Ville d’Anduze aux braves citoyens de la ville de Paris » (23 juillet) :
« Le despotisme est donc enseveli sous les tours effrayantes de la Bastille. La liberté des Français est assurée. Une constitution, des lois sages, la réforme des abus : voilà les biens qui nous attendent et que vous avez assurés par votre patriotisme ».
Un épisode de la « Grande Peur »
A la fin du mois de juillet, la panique appelée « Grande Peur » secoue de nombreuses provinces. Des rumeurs incontrôlables font croire que des bandes de brigands menacent villes et villages. Dans les derniers jours du mois, cette panique atteint les Cévennes ; elle cause de sérieux incidents à Saint Jean de Gardonnenque (St Jean du Gard) : on s’y croit menacé par des groupes armés qui, en réalité, viennent au secours du bourg (supposé déjà agressé). Tumultes, malentendus font croire aux troupes venues à l’aide que l’ennemi est déjà dans la ville. De nombreux habitants s’arment et crient : quelques coups de feu éclatent !
La nouvelle de ces spectaculaires incidents parvient rapidement dans les localités voisines. Vingt-cinq communautés cévenoles (qui ont déjà formé des milices défensives) envoient des détachements à l’aide des Saint-Jeannais. Une troupe d’Anduziens parvient au bourg voisin, où affluent 3 000 hommes ! Lorsqu’on s’aperçoit que l’alarme était infondée, les « renforts » refluent vers leurs localités d’origine !
Craintes pour la liberté religieuse
A partir du 20 août, l’Assemblée Nationale établit le texte de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Les protestants cévenols, soucieux de la liberté de conscience et de culte, voient des restrictions et des ambigüités dans l’article 10 de la Déclaration :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public, établi par la loi ».
Le 29 septembre, une Adresse à l’Assemblée nationale témoigne de ces inquiétudes :
« Les habitants des hautes et basses Cévennes, protestants pour le plus grand nombre, se flattent qu’il doit leur être permis de représenter à l’Assemblée nationale la consternation qu’a répandue dans tous les esprits l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme ; de la supplier d’expliquer cet article d’une manière qui ne laisse aucune porte ouverte au renouvellement de malheurs dont le souvenir les fait frémir encore ; et de leur accorder un culte qui ne peut, en aucune manière, troubler l’ordre public ; puisque ce culte, toujours circonscrit dans l’enceinte des murs dans lesquels il est célébré, ne saurait influer en rien sur ce qui se passe au dehors ».
Dans une lettre adressée aux évêques, le Roi se plaint de brigandages commis dans certaines provinces ; il réclame l’appui de l’Eglise. Cette lettre royale, publiée par les évêques, inquiète les Cévenols. De nombreuses communautés envoient leurs représentants à Anduze, où l’on constitue une Confédération, pour maintenir la tranquillité publique (29 septembre). Le registre du Conseil de la Ville d’Anduze contient le texte des décisions prises par les « Confédérés » :
« Quiconque refuserait de payer les deniers (royaux ou autres) légitimement dus, serait regardé, dès l’instant même, comme un ennemi public, et livré à la justice ordinaire,
« Tout particulier qui chercherait à soulever le peuple par des propos séditieux et tendant à anéantir les lois actuellement existantes (et que l’Assemblée veut conserver dans toute leur rigueur, jusqu’à ce qu’il en soit établi de nouvelles), sera également regardé comme un ennemi public et, comme tel, livré à ces mêmes lois qu’il oserait braver.
« En cas de besoin, et sur la première réquisition, les villes et communautés voisines se prêteront réciproquement main-forte, et emploieront tous les moyens en leur pouvoir pour soutenir, dans toute l’étendue des hautes et basses Cévennes, un ordre et une tranquillité qui soient la preuve du patriotisme qui anime les habitants de ces contrées.»
B/ L’ANNE 1790
L’administration départementale
En février 1790, on procède à la délimitation du département du Gard, et à sa division en huit districts. Anduze, l’une des sept principales villes de l’ancienne sénéchaussée, était aussi le siège d’une viguerie royale, qui groupait cinq cantons actuels. Notre ville souhaite donc devenir le chef-lieu d’un district, qui couvrirait sa zone d’influence commerciale, c’est-à-dire le bassin des Gardons du Sud-Ouest (de Barre à Ledignan). Cela impliquerait que la Haute-Cevennes soit distraite du nouveau département de Lozère. Malgré ses réclamations, Anduze ne devient qu’un des chefs-lieux de canton du district d’Alais.
Il faut procéder à l’élection de l’Administration départementale et des administrations des districts. Les 52 000 contribuables gardois suffisamment aisés pour disposer du droit de vote désignent 529 d’entre eux pour élire les administrateurs. Le 12 juin, Marc DUPLAN, Maire d’Anduze, devient l’un des 35 membres du Conseil de département (il est élu par 361 voix sur 458 votants).
Les Anduziens à la « Bagarre de Nîmes »
L’assemblée des électeurs gardois s’est réunie à Nîmes, alors qu’une vive tension régnait dans cette ville. Dans la « Légion nîmoise » (garde civique), l’avocat FROMENT avait formé des compagnies entièrement catholiques, qui ont participé à une agitation hostile à la liberté religieuse, aux protestants et au Club des « Amis de la Constitution ». Le 13 juin, une vive fusillade oppose les « Cébets » (petit peuple catholique) aux dragons (protestants) de la Garde nationale. Dans la nuit du 13 au 14, la « bagarre » se poursuit. Pour la contenir, des gardes nationaux sont venus de nombreuses localités protestantes. Un détachement d’Anduze est présent, qui compte dans ses rangs le curé BREMOND. Malgré cet appoint, il faut deux jours entiers pour mettre fin à la sanglante « bagarre » déclenchée par les fanatiques.
Formation définitive des Administrations
Le 8 juillet, le Conseil de département peut enfin élire son Directoire. Il désigne aussi quatre commissaires, chargés de recevoir le compte-rendu administratif du Commissariat pour l’ancienne province de Languedoc ; DUPLAN, d’Anduze, est l’un de ces quatre Commissaires.
On forme ensuite les administrations des districts. Parmi les administrateurs du district d’ALAIS (l’actuel arrondissement), on trouve deux hommes de loi anduziens : Jean-Pierre RIEU-ALLARET et Jean-Louis ROQUIER.
Le 11 décembre, le Conseil de département désigne quatre adjoints à son Directoire, parmi lesquels l’Anduzien Marc DUPLAN.
Election des juges de paix
En novembre, Anduze a élu son juge de paix : l’homme de loi Louis FONTANES, assisté de trois prud’hommes assesseurs : Jacques DUFOIS, Jean-Jacques NICOLAS et Louis RIBOT. Henri CABANIS devient greffier.
Un autre juge de paix a compétence sur la « banlieue » (les villages du canton) : c’est le géomètre Jean-Jacques SOULIER ; chaque village lui donne deux ou trois assesseurs.
Les tribunaux de Commerce d’Alais et d’Anduze sont organisés en mars 1791.
A suivre.
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