B/ L’ANNEE 1794
Réorganisation de l’Administration et de la Justice
Le conventionnel Borie, représentant en mission, réorganise l’administration gardoise, épurée par les destitutions prononcées pendant l’automne 1793 (les « fédéralistes ont été éliminés). Le 11 Ventôse (1er mars 1794) au district d’Alais Privat-Larouvière remplace Roux, d’Anduze (qui n’a pas accepté sa nomination).
Le 29 Floréal (18 mai 1794) les justices de paix sont réorganisées. Dufes, ci-devant procureur à Anduze, devient juge à Alais. Les deux juges de paix désignés par Anduze et son canton sont le cultivateur Pierre Gibert (déjà en place) et Chabaud, ancien lieutenant de juge.
Le culte de la Raison
Pendant l’hiver et au printemps de 1794, dans de nombreuses localités, le Culte de la Raison remplace les religions chrétiennes. 228 gardois, ministres des anciens cultes traditionnels, abdiquent leurs fonctions. Anduze renonce aux cultes traditionnels le 7 Ventôse (fin février) ; le Culte de la Raison débute le 24 Ventôse (mars).
Le 21 Ventôse, abdication du « ministre » Jean Mirial (âgé de 44 ans) et du pasteur proposant François Astruc (21 ans). Abdiquent pendant le mois de Germinal (avril) : le curé Desfeux (âgé de 40 ans) et le pasteur Daniel Encontre (35 ans).
Deux Anduziens devant le Tribunal révolutionnaire
Le procès du « Comité de Salut public »
13-15 Prairial an II (1er-3 juin 1794)
Jean-Louis Roquier, 31 ans, ci-devant avocat, ancien administrateur du département, est arrêté le 8 octobre, à l’initiative du Comité de Surveillance ; le 13 Frimaire (début décembre), l’Accusateur public le fait écrouer.
Marc, Antoine Raffin, 53 ans, cultivateur, né à Anduze, habitant à Quissac, est arrêté le même jour et dans les mêmes conditions que Roquier : l’Accusateur public le fait écrouer le 9 Ventôse (mars 1794). Les anciens administrateurs sont jugés dans les premiers jours de juin.
MARSIAL, SOULIER, RAFFIN, RIBES, ABAUZIT, BOISSIERES, ROQUIER, GUIZOT, administrateurs du département à l’époque du fédéralisme, sont accusés des faits suivants :
Le 14 juin 1794, l’administration révoltée forma le projet d’une « assemblée représentative des Communes » ; la majeure partie des communes du Gard se réunirent par députés. Cette même assemblée forma un Comité dit « de Salut public ». Les administrateurs formèrent les principaux membres de ce pouvoir, usurpateur de la souveraineté nationale. Les susnommés sont prévenus d’avoir altéré la forme du gouvernement républicain et usurpé l’autorité nationale.
Raffin était absent le 14 juin et n’a pas signé l’arrêté ; il dit n’avoir pas assisté aux séances du Comité du « Salut public ».
Roquier, envoyé comme Commissaire en Lozère, n’est rentré que le 21 juin ; il n’a pas participé à l’arrêté du 14. De retour, il ne s’est occupé que de l’Administration ; il dit n’avoir point paru au Comité.
L’accusateur dit que les Séances de l’Administration prirent fin le 28 juin, et n’ont été reprises que le 15 juillet ; il s’y trouve une lacune, pendant laquelle les administrateurs se sont transformés en membres du Comité de « Salut public ». Roquier et Raffin n’ont pas cessé d’être présents aux opérations du Comité ; ils n’étaient pas à la séance du 14 juin.
Raffin dit n’avoir eu aucune connaissance du « Comité de Salut public ». Il reconnaît être allé à Marseille, « pour fraterniser » avec les administrateurs des Bouches du Rhône ; il partit le 14 et rentra le 20. Chargé d’une mission à Montpellier avec Guizot, il partit le 2 juillet (sans connaître, dit-il, l’objet de sa mission) ; il revint le 4. Raffin était membre du Directoire départemental.
Le 1er juillet 1793, Roquier fut nommé pour une mission à Arles ; il n’y alla pas. Pour avoir dit à l’Administration de se rétracter, il fut traité de lâche. Deux secrétaires de l’Administration, cités par Roquier, sont entendus.
Raffin prenait autrefois le nom « Du Crouzier » : cette seigneurie de 30 habitants, sise en Lozère, est entrée dans sa famille en 1733.
Après trois jours de débats, le tribunal déclare :
« Que…, Jean Raffin, …, Louis Roquier, … ci-devant administrateurs du Gard, sont convaincus d’avoir été les chefs des susdites conspirations, pour avoir pris des arrêtés liberticides et pour s’être associés à un soi-disant « Comité de Salut public », formé, le 25 juin 1793, lors du fédéralisme, par l’assemblée dite représentative des Communes. Ils sont convaincus d’avoir tenté de rompre l’unité et l’indivisibilité de la République : les prévenus sont condamnés à la peine de mort. »
En entendant cette sentence, Roquier s’emporte et s’avance vers les juges ; les gendarmes sont appelés pour le retenir. Les prévenus sont protestants ; Ribes était « ministre ». Avant l’exécution, au soir de leur procès (15 Prairial – 3 juin), Ribes les exhorte et ils chantent des psaumes.
Le procès de Bertezène
5 Thermidor an II (23 juillet 1794)
Jean-Louis Bertezène, tanneur, est le frère d’un député du Gard à la Convention ; il est arrêté le 12 Brumaire (début novembre 1793).
Bertezène, ex-maire de St Jean du Gard, a été député à l’Assemblée des Communes. Il a provoqué le départ d’une force armée qui alla à Pont-Saint-Esprit, pour s’opposer au passage de l’armée de la République.
Bertezène déclare n’avoir assisté qu’à la première session de l’assemblée. En qualité de maire, il a fait accepter la Constitution Républicaine par le Conseil de sa commune, qui a envoyé une Adresse à la Convention ; celle-ci a délibéré une mention honorable, le 13 juillet. Lorsque le texte constitutionnel fut connu officiellement, Bertezène l’a fait à nouveau accepter, le 22 juillet.
On reproche à Bertezène d’avoir quitté la Société populaire, pour aller à la « Société des Républicains » ; d’avoir constamment voté pour Roquier et les autres. Le tribunal le condamne à mort ; il est exécuté au soir de son procès.
La situation au moment de ces procès
Au moment du procès des administrateurs « fédéralistes », Robespierre et les « Montagnards », maîtres du pouvoir central depuis un an, ont réussi à redresser une situation qui semblait désespérée. Dès la fin du mois d’août 1793, la levée en masse a permis de réunir des troupes nombreuses, pour faire front aux ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Pour équiper et ravitailler ces armées, de nombreuses réquisitions frappent les riches. Les défaillances et les menées contre-révolutionnaires sont sévèrement réprimées par la « Terreur ».
Les résultats obtenus sont à la hauteur de l’énergie déployée par la Convention « montagnarde » : les insurrections sont brisées, les frontières sont dégagées ; les armées de la République reprennent la Belgique. Mais l’ampleur même de ces succès remet en cause la rigueur de la dictature révolutionnaire : à la fin de Juillet 1794, les « Robespierristes » sont éliminés par les « thermidoriens ».
A suivre.
Réorganisation de l’Administration et de la Justice
Le conventionnel Borie, représentant en mission, réorganise l’administration gardoise, épurée par les destitutions prononcées pendant l’automne 1793 (les « fédéralistes ont été éliminés). Le 11 Ventôse (1er mars 1794) au district d’Alais Privat-Larouvière remplace Roux, d’Anduze (qui n’a pas accepté sa nomination).
Le 29 Floréal (18 mai 1794) les justices de paix sont réorganisées. Dufes, ci-devant procureur à Anduze, devient juge à Alais. Les deux juges de paix désignés par Anduze et son canton sont le cultivateur Pierre Gibert (déjà en place) et Chabaud, ancien lieutenant de juge.
Le culte de la Raison
Pendant l’hiver et au printemps de 1794, dans de nombreuses localités, le Culte de la Raison remplace les religions chrétiennes. 228 gardois, ministres des anciens cultes traditionnels, abdiquent leurs fonctions. Anduze renonce aux cultes traditionnels le 7 Ventôse (fin février) ; le Culte de la Raison débute le 24 Ventôse (mars).
Le 21 Ventôse, abdication du « ministre » Jean Mirial (âgé de 44 ans) et du pasteur proposant François Astruc (21 ans). Abdiquent pendant le mois de Germinal (avril) : le curé Desfeux (âgé de 40 ans) et le pasteur Daniel Encontre (35 ans).
Deux Anduziens devant le Tribunal révolutionnaire
Le procès du « Comité de Salut public »
13-15 Prairial an II (1er-3 juin 1794)
Jean-Louis Roquier, 31 ans, ci-devant avocat, ancien administrateur du département, est arrêté le 8 octobre, à l’initiative du Comité de Surveillance ; le 13 Frimaire (début décembre), l’Accusateur public le fait écrouer.
Marc, Antoine Raffin, 53 ans, cultivateur, né à Anduze, habitant à Quissac, est arrêté le même jour et dans les mêmes conditions que Roquier : l’Accusateur public le fait écrouer le 9 Ventôse (mars 1794). Les anciens administrateurs sont jugés dans les premiers jours de juin.
MARSIAL, SOULIER, RAFFIN, RIBES, ABAUZIT, BOISSIERES, ROQUIER, GUIZOT, administrateurs du département à l’époque du fédéralisme, sont accusés des faits suivants :
Le 14 juin 1794, l’administration révoltée forma le projet d’une « assemblée représentative des Communes » ; la majeure partie des communes du Gard se réunirent par députés. Cette même assemblée forma un Comité dit « de Salut public ». Les administrateurs formèrent les principaux membres de ce pouvoir, usurpateur de la souveraineté nationale. Les susnommés sont prévenus d’avoir altéré la forme du gouvernement républicain et usurpé l’autorité nationale.
Raffin était absent le 14 juin et n’a pas signé l’arrêté ; il dit n’avoir pas assisté aux séances du Comité du « Salut public ».
Roquier, envoyé comme Commissaire en Lozère, n’est rentré que le 21 juin ; il n’a pas participé à l’arrêté du 14. De retour, il ne s’est occupé que de l’Administration ; il dit n’avoir point paru au Comité.
L’accusateur dit que les Séances de l’Administration prirent fin le 28 juin, et n’ont été reprises que le 15 juillet ; il s’y trouve une lacune, pendant laquelle les administrateurs se sont transformés en membres du Comité de « Salut public ». Roquier et Raffin n’ont pas cessé d’être présents aux opérations du Comité ; ils n’étaient pas à la séance du 14 juin.
Raffin dit n’avoir eu aucune connaissance du « Comité de Salut public ». Il reconnaît être allé à Marseille, « pour fraterniser » avec les administrateurs des Bouches du Rhône ; il partit le 14 et rentra le 20. Chargé d’une mission à Montpellier avec Guizot, il partit le 2 juillet (sans connaître, dit-il, l’objet de sa mission) ; il revint le 4. Raffin était membre du Directoire départemental.
Le 1er juillet 1793, Roquier fut nommé pour une mission à Arles ; il n’y alla pas. Pour avoir dit à l’Administration de se rétracter, il fut traité de lâche. Deux secrétaires de l’Administration, cités par Roquier, sont entendus.
Raffin prenait autrefois le nom « Du Crouzier » : cette seigneurie de 30 habitants, sise en Lozère, est entrée dans sa famille en 1733.
Après trois jours de débats, le tribunal déclare :
« Que…, Jean Raffin, …, Louis Roquier, … ci-devant administrateurs du Gard, sont convaincus d’avoir été les chefs des susdites conspirations, pour avoir pris des arrêtés liberticides et pour s’être associés à un soi-disant « Comité de Salut public », formé, le 25 juin 1793, lors du fédéralisme, par l’assemblée dite représentative des Communes. Ils sont convaincus d’avoir tenté de rompre l’unité et l’indivisibilité de la République : les prévenus sont condamnés à la peine de mort. »
En entendant cette sentence, Roquier s’emporte et s’avance vers les juges ; les gendarmes sont appelés pour le retenir. Les prévenus sont protestants ; Ribes était « ministre ». Avant l’exécution, au soir de leur procès (15 Prairial – 3 juin), Ribes les exhorte et ils chantent des psaumes.
Le procès de Bertezène
5 Thermidor an II (23 juillet 1794)
Jean-Louis Bertezène, tanneur, est le frère d’un député du Gard à la Convention ; il est arrêté le 12 Brumaire (début novembre 1793).
Bertezène, ex-maire de St Jean du Gard, a été député à l’Assemblée des Communes. Il a provoqué le départ d’une force armée qui alla à Pont-Saint-Esprit, pour s’opposer au passage de l’armée de la République.
Bertezène déclare n’avoir assisté qu’à la première session de l’assemblée. En qualité de maire, il a fait accepter la Constitution Républicaine par le Conseil de sa commune, qui a envoyé une Adresse à la Convention ; celle-ci a délibéré une mention honorable, le 13 juillet. Lorsque le texte constitutionnel fut connu officiellement, Bertezène l’a fait à nouveau accepter, le 22 juillet.
On reproche à Bertezène d’avoir quitté la Société populaire, pour aller à la « Société des Républicains » ; d’avoir constamment voté pour Roquier et les autres. Le tribunal le condamne à mort ; il est exécuté au soir de son procès.
La situation au moment de ces procès
Au moment du procès des administrateurs « fédéralistes », Robespierre et les « Montagnards », maîtres du pouvoir central depuis un an, ont réussi à redresser une situation qui semblait désespérée. Dès la fin du mois d’août 1793, la levée en masse a permis de réunir des troupes nombreuses, pour faire front aux ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Pour équiper et ravitailler ces armées, de nombreuses réquisitions frappent les riches. Les défaillances et les menées contre-révolutionnaires sont sévèrement réprimées par la « Terreur ».
Les résultats obtenus sont à la hauteur de l’énergie déployée par la Convention « montagnarde » : les insurrections sont brisées, les frontières sont dégagées ; les armées de la République reprennent la Belgique. Mais l’ampleur même de ces succès remet en cause la rigueur de la dictature révolutionnaire : à la fin de Juillet 1794, les « Robespierristes » sont éliminés par les « thermidoriens ».
A suivre.
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