Bien sûr, il s'agit bien de Lézan, autour de 1900, et non de Cardet comme indiqué. |
Troisième extrait et suite du récit de l'anduzien Ernest Massot. Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.
" Le 5, l'insurrection éclata à Bagard. A cet effet, nous mettons sous les yeux du lecteur, le rapport de César Loriol, maire de cette commune :
" (…) Il y avait là devant la Mairie, une troupe nombreuse de gens armés, Ribot avait un sabre et un fusil. Mr le sous-préfet leur dit qu'ils ne savaient ce qu'ils faisaient, qu'ils allaient se mettre dans un mauvais cas, qu'on les trompait, que ceux qui les auraient mis dans la peine ne viendraient pas ensuite les en tirer, et qu'il les engageait, non seulement à ne pas prendre les armes de la Mairie, mais encore de restituer celles qu'ils avaient en mains. Peut-être les auraient-ils rendues, lorsque Alexandre Ribot se mit à dire : Apprêtez vos armes ! et lui-même prépara son fusil ainsi que cinq ou six autres ; ils se montrèrent disposés à faire usage de leurs armes qu'ils abattirent sur le bras gauche. Dans ce moment, Ducros, dit patriote, se mit à crier : Aux armes ! On pénétra dans la Mairie ; j'ignore qui a enfoncé la porte, mais j'ai vu Casimir Massot(1) à la fenêtre de l'appartement où étaient les armes. On prit seize fusils qui s'y trouvaient. Ducros, dit patriote, s'approcha du sous-préfet et lui dit : On nous a traduit aux Assises pour rien, à nous maintenant . Dès que les armes furent pillées, tous partirent. J'ai remarqué parmi les plus exaltés Ribot, Ducros et Massot. "
Ces trois derniers prirent le commandement et les insurgés se dirigèrent vers Anduze. Au pont de Granaud, ils rencontrèrent les insurgés de Boisset-et-Gaujac, commandés par Gibert. Après avoir monté la côte de la Vincente, ils prirent à droite pour se rendre sur les rochers de Peyremale, dans le but de voir arriver les citoyens de Saint Jean du Gard, qui avaient promis de se rendre à Anduze, à 2 heures de l'après-midi. Ces derniers, commandés par Cavalier de Valestaillères, prirent la direction de Saint-Hippolyte. Ce malentendu nous causa quatre heures de retard.
Il fut alors décidé d'envoyer un délégué à Alais pour savoir si la colonne commandée par Delord s'était mise en marche. Gascuel prit le cheval noir de Michel et se rendit immédiatement à la Société des Montagnards à Alais. Aussé, de l'Hermitage, délégué par la Société dans le but de faire partir les retardataires, l'informa que la colonne alaisienne était partie. Gascuel tourna bride et avant de rentrer dans Anduze fut arrêté en face de l'octroi(2) du pont par Gibert, commissaire de police, escorté par un piquet d'infanterie.
Nous faisons observer aux lecteurs que les insurgés de Bagard et Boisset descendirent la montagne par la Régole et campèrent sur le chemin de Générargues.
Bez, Villaret, Malibran et moi attendions impatiemment Gascuel. Le commis de l'octroi, Arnaud, eut la complaisance de nous faire rentrer pour nous chauffer. Nous entendîmes alors la voix de Gascuel qui répliquait au fameux commissaire les mots suivants : Il n'y a plus de lois, plus d'autorité, le peuple rentre dans tous les exercices de ses droits ; lui seul est souverain. Le policier le cognait contre le mur et lui fermait la bouche. Armés de fusils de chasse, nous sortîmes et, impétueusement, nous saisîmes le commissaire et le caporal et nous délivrâmes Gascuel.
Un coup de sifflet fut donné et les insurgés campés sur la route se rendirent en toute hâte sur le pont. Malibran rentra dans la ville, fit le tour des cabarets pour organiser ses batteries qui devaient se rendre au moulin de la Figuière. Gascuel, ayant repris son sang-froid, se mit à la tête des insurgés et nous traversâmes le plan de Brie en chantant la Marseillaise. Pendant le temps que nous attendions Malibran, il nous arriva une provision d'armes et de munitions venant du plan des Molles. Tous réunis, nous nous mîmes en marche pour nous rendre au plan de la Fougasse.
A Tornac, nous apprîmes que les insurgés de cette commune, sous le commandement de Creissent, s'étaient dirigés du côté de Quissac.
Lorsque nous eûmes dépassé l'auberge de la Madeleine, nous entendîmes le trot de plusieurs chevaux. Des nuages dispersés au firmament rendaient la lueur de la lune intermittente et, ne pouvant reconnaître l'ami ou l'ennemi, nous criâmes : Halte-là ! Les chevaux s'avancèrent jusqu'à nous et nous reconnûmes alors que nous avions affaire à des gendarmes. Me trouvant au côté de Gascuel, je lui dit à voix basse : Saisissons les brides des chevaux et nous serons les maîtres. C'est ce que nous fîmes. Un des pandores(3) descendit de cheval et nous dit que son chef les envoyait à Anduze pour savoir ce qui s'y passait. Nous leur intimâmes l'ordre de nous suivre, ce qu'ils firent sans résistance. A Atuech, plusieurs citoyens armés rentrèrent dans nos rangs.
A Lézan, les gendarmes furent désarmés et enfermés dans l'auberge Chaptal et leurs chevaux dans l'écurie. Dans cette localité, les sieurs Claris(4) furent désarmés, ainsi que Privat et Falgon ; le juge de paix, lui aussi, fut sommé de céder ses armes et menacé de mort.
L'horloge sonnait minuit ; Malibran, avec une partie de la troupe, prit la route de Lédignan dans le but de désarmer totalement la gendarmerie de cette localité. L'autre partie de citoyens, commandé par Gascuel, prit la route de Cardet et, arrivée sur ce point, il fut décidé de nous débarrasser des deux pandores qui se faisaient prier pour marcher. Nous les laissâmes aller.
A la pointe du jour, nous arrivâmes à Boucoiran, dont la gendarmerie avait été désarmée par la colonne alaisienne. "
A suivre
" (…) Il y avait là devant la Mairie, une troupe nombreuse de gens armés, Ribot avait un sabre et un fusil. Mr le sous-préfet leur dit qu'ils ne savaient ce qu'ils faisaient, qu'ils allaient se mettre dans un mauvais cas, qu'on les trompait, que ceux qui les auraient mis dans la peine ne viendraient pas ensuite les en tirer, et qu'il les engageait, non seulement à ne pas prendre les armes de la Mairie, mais encore de restituer celles qu'ils avaient en mains. Peut-être les auraient-ils rendues, lorsque Alexandre Ribot se mit à dire : Apprêtez vos armes ! et lui-même prépara son fusil ainsi que cinq ou six autres ; ils se montrèrent disposés à faire usage de leurs armes qu'ils abattirent sur le bras gauche. Dans ce moment, Ducros, dit patriote, se mit à crier : Aux armes ! On pénétra dans la Mairie ; j'ignore qui a enfoncé la porte, mais j'ai vu Casimir Massot(1) à la fenêtre de l'appartement où étaient les armes. On prit seize fusils qui s'y trouvaient. Ducros, dit patriote, s'approcha du sous-préfet et lui dit : On nous a traduit aux Assises pour rien, à nous maintenant . Dès que les armes furent pillées, tous partirent. J'ai remarqué parmi les plus exaltés Ribot, Ducros et Massot. "
Ces trois derniers prirent le commandement et les insurgés se dirigèrent vers Anduze. Au pont de Granaud, ils rencontrèrent les insurgés de Boisset-et-Gaujac, commandés par Gibert. Après avoir monté la côte de la Vincente, ils prirent à droite pour se rendre sur les rochers de Peyremale, dans le but de voir arriver les citoyens de Saint Jean du Gard, qui avaient promis de se rendre à Anduze, à 2 heures de l'après-midi. Ces derniers, commandés par Cavalier de Valestaillères, prirent la direction de Saint-Hippolyte. Ce malentendu nous causa quatre heures de retard.
Il fut alors décidé d'envoyer un délégué à Alais pour savoir si la colonne commandée par Delord s'était mise en marche. Gascuel prit le cheval noir de Michel et se rendit immédiatement à la Société des Montagnards à Alais. Aussé, de l'Hermitage, délégué par la Société dans le but de faire partir les retardataires, l'informa que la colonne alaisienne était partie. Gascuel tourna bride et avant de rentrer dans Anduze fut arrêté en face de l'octroi(2) du pont par Gibert, commissaire de police, escorté par un piquet d'infanterie.
Nous faisons observer aux lecteurs que les insurgés de Bagard et Boisset descendirent la montagne par la Régole et campèrent sur le chemin de Générargues.
Bez, Villaret, Malibran et moi attendions impatiemment Gascuel. Le commis de l'octroi, Arnaud, eut la complaisance de nous faire rentrer pour nous chauffer. Nous entendîmes alors la voix de Gascuel qui répliquait au fameux commissaire les mots suivants : Il n'y a plus de lois, plus d'autorité, le peuple rentre dans tous les exercices de ses droits ; lui seul est souverain. Le policier le cognait contre le mur et lui fermait la bouche. Armés de fusils de chasse, nous sortîmes et, impétueusement, nous saisîmes le commissaire et le caporal et nous délivrâmes Gascuel.
Un coup de sifflet fut donné et les insurgés campés sur la route se rendirent en toute hâte sur le pont. Malibran rentra dans la ville, fit le tour des cabarets pour organiser ses batteries qui devaient se rendre au moulin de la Figuière. Gascuel, ayant repris son sang-froid, se mit à la tête des insurgés et nous traversâmes le plan de Brie en chantant la Marseillaise. Pendant le temps que nous attendions Malibran, il nous arriva une provision d'armes et de munitions venant du plan des Molles. Tous réunis, nous nous mîmes en marche pour nous rendre au plan de la Fougasse.
A Tornac, nous apprîmes que les insurgés de cette commune, sous le commandement de Creissent, s'étaient dirigés du côté de Quissac.
Lorsque nous eûmes dépassé l'auberge de la Madeleine, nous entendîmes le trot de plusieurs chevaux. Des nuages dispersés au firmament rendaient la lueur de la lune intermittente et, ne pouvant reconnaître l'ami ou l'ennemi, nous criâmes : Halte-là ! Les chevaux s'avancèrent jusqu'à nous et nous reconnûmes alors que nous avions affaire à des gendarmes. Me trouvant au côté de Gascuel, je lui dit à voix basse : Saisissons les brides des chevaux et nous serons les maîtres. C'est ce que nous fîmes. Un des pandores(3) descendit de cheval et nous dit que son chef les envoyait à Anduze pour savoir ce qui s'y passait. Nous leur intimâmes l'ordre de nous suivre, ce qu'ils firent sans résistance. A Atuech, plusieurs citoyens armés rentrèrent dans nos rangs.
A Lézan, les gendarmes furent désarmés et enfermés dans l'auberge Chaptal et leurs chevaux dans l'écurie. Dans cette localité, les sieurs Claris(4) furent désarmés, ainsi que Privat et Falgon ; le juge de paix, lui aussi, fut sommé de céder ses armes et menacé de mort.
L'horloge sonnait minuit ; Malibran, avec une partie de la troupe, prit la route de Lédignan dans le but de désarmer totalement la gendarmerie de cette localité. L'autre partie de citoyens, commandé par Gascuel, prit la route de Cardet et, arrivée sur ce point, il fut décidé de nous débarrasser des deux pandores qui se faisaient prier pour marcher. Nous les laissâmes aller.
A la pointe du jour, nous arrivâmes à Boucoiran, dont la gendarmerie avait été désarmée par la colonne alaisienne. "
A suivre
(1) Frère ainé de l'auteur.
(2) Il est intéressant de noter l'existence encore à cette époque de cette taxe à l'entrée de la ville.
(3) Surnom populaire d'un gendarme.
(4) Très ancienne famille Lézanaise, propriétaire du château.
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