C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

30 octobre 2011

1852, l'épilogue…

Quatrième et dernier extrait du récit de l'anduzien Ernest Massot.
 
Napoléon III, Empereur des Français
Bien entendu l'auteur de ce récit n'était pas un écrivain et il faut découvrir ce texte pour ce qu'il est avant tout : le témoignage partisan et subjectif d'un homme qui prit une part active avec sa famille et ses amis politiques dans le déroulement des faits cités, de 1848 à 1852. Il n'en demeure pas moins que ce document traduit bien à l'échelon local l'atmosphère particulière de ce milieu du XIX ème siècle avec ses luttes de pouvoir entre différents régimes. On ne peut que regretter de ne pas avoir la version des autres protagonistes locaux (royalistes, bonapartistes et autres) pour un tableau plus complet de ces quatre années mouvementées…

Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.


" A huit heures du matin, nous étions au plan de la Fougasse. Des citoyens en grand nombre formaient le cercle. Encontre, de Nîmes, faisait des observations aux chefs du parti républicain qui l'entouraient. Ce Nîmois avait traversé les sentiers les plus étroits et les plus pénibles pour faire éviter des effusions de sang. Il fit observer que Rostolan, général en chef à Montpellier, s'était rendu à Nîmes avec 2000 hommes et avait fait afficher sur les murs que tout insurgé qui serait pris les armes à la main serait fusillé.
Ces mots ne furent pas achevés que sur le flanc gauche arriva une fusillade ; nous ripostâmes par une fusillade bien nourrie, et l'avant-garde battit en retraite. Encontre fit remarquer que cette retraite avait pour but de nous attirer dans un traquenard. La plupart des chefs furent de l'avis d'Encontre ; quelques-uns cependant voulaient résister, faisant observer que Baudin(1) venait d'être tué sur les barricades de Paris et que nous devions suivre son exemple. Nous fîmes un kilomètre en avant et à l'embranchement de la route d'Alais et d'Anduze, nous fûmes plus nombreux. Des canons qu'on avait mis en batterie derrière des fagots de bois lancèrent sur nous leurs projectiles qui nous firent trois blessés. Nous ripostâmes en déchargeant nos fusils sur l'ennemi. Il fut décidé de soutenir la lutte jusqu'à de nouveaux ordres. Mais ces ordres furent attendus en vain.
Forcés de céder, chacun prit sa direction. Je marchais en compagnie de Crès, de Barafort, de Vigne d'Alais et de Valla de Vézénobres. Ce dernier nous conseilla de quitter la route et de marcher sur la droite, dans les champs, pour atteindre la rive du Gardon. Avant d'arriver à Cassagnole, nous aperçûmes des soldats qui se dirigeaient vers ce village. Entendant des mères de famille affolées, se plaignant de ce qu'on leur enlevait leurs maris, nous décidâmes de nous arrêter et de nous blottir dans un ravin. Nous ne reprîmes notre route qu'à la nuit. Arrivés au confluent des Gardons d'Alais et d'Anduze, nous traversâmes cette rivière à un gué que nous connaissions. Des pas lourds que nous entendîmes derrière nous poussèrent à avancer plus vite.
En ce moment, des soldats descendaient de la montagne ; ils prirent le chemin de la prairie et nous nous trouvâmes pris entre deux pelotons de soldats. Inutile de décrire les souffrances que nous firent subir ces farouches soldats, commandés par un capitaine. On nous attacha, les bras derrière le dos, à des peupliers ; on nous fouilla, et avec la poudre que nous avions sur nous on nous barbouilla la figure. Le capitaine se contenta de nous dire : Demain, Rostolan vous lavera la figure avec du plomb, et ce soir vous irez coucher à la prison de Lédignan, où, pendant la nuit dernière, vous avez désarmé les gendarmes.
Le lecteur peut juger si nous la passâmes bonne ou mauvaise. Les soldats qui nous conduisaient à Lédignan s'emparèrent d'autres insurgés sur la route ; voici les noms des principaux : Barbusse de Cardet, Gérome et Bonnet de Cassagnole, Simon et Thérond d'Alais, etc.
Nous voilà à la prison de Lédignan. C'était le 6, un samedi, et nous passâmes tout le dimanche dans cette sale prison. A dix heures du soir, le capitaine vint nous dire : J'avais l'ordre de vous faire fusiller, mais si vous me promettez d'être tranquilles, nous allons vous conduire au fort d'Alais. Les gendarmes, plus inquiets que le capitaine, nous serrèrent les menottes jusqu'à nous faire enfler les poignets. Nous nous mîmes en marche entourés d'une colonne de soldats.
(…) Le 9, à deux heures de l'après-midi, des gardiens subalternes vinrent ouvrir les portes des cellules et nous dirent : Descendez dans la cour. En arrivant dans la cour, nous fûmes enchaînés deux à deux par des gendarmes. Mazade d'Anduze et Crès furent les premiers attachés. Lozes d'Anduze fut attaché avec Massot, mon frère ; Travier dit le Blondin, de Bagard, fut attaché avec Berthrand. Dépourvus de chaînes, on se servit de cordes. Nous étions en tout soixante-six, et nous nous disions entre nous : Où allons-nous ? Nous n'en savions rien.
(…) On nous conduisit à la gare où un convoi spécial nous attendait. Dans les premières voitures, le sous-préfet, le juge d'instruction, ainsi que des officiers de tout grade avaient pris place. Ensuite les prisonniers, avec toujours les soldats à leurs côtés et les gendarmes s'installèrent sur des wagons découverts. Le train se mit en marche et fit le trajet d'Alais à Nîmes en cinquante minutes.
(…Maison d'arrêt de Nîmes…) Les portes de la prison s'ouvrent et les gardiens nous donnent l'ordre de nous habiller à l'instant. Dans la cour, où un bec de gaz donnant sa plus belle lueur, nous fûment de nouveau attachés deux à deux, et en ce moment un aimable gendarme me souffla ces quelques mots dans l'oreille : Ne vous effrayez pas, l'on vous retourne à Alais.
(…Fort d'Alais…) Du 10 décembre au 31 de ce mois, il arriva constamment des prisonniers, nous nous vîmes jusqu'au nombre de 10 ou 12 dans chaque cellule. Les interrogatoires commencèrent le 10 janvier 1852. Tous les jours nous allions chez le juge d'instruction, la chaîne au cou et accompagnés de gendarmes.
La commission mixte commença d'opérer les jugements le 4 mars. Ceux qui furent condamnés sous la surveillance de la police furent mis en liberté le 25 avril. Une deuxième partie, condamnée à être internée dans telle ou telle ville, quitta le fort d'Alais le 10 mai. Les condamnés à la déportation furent embarqués à Cette (Sète) le 28 mai 1852. "

Pendant ce temps là Louis-Napoléon Bonaparte se préparait à devenir "Napoléon III, Empereur des Français". Cela se fit le 2 décembre 1852, date symbolique et anniversaire de son coup d'état de 1851, mais aussi du sacre de son oncle Napoléon 1er en 1804…
Comme pour "Louis-Philippe, Roi des Français", son règne dura 18 ans. Il se termina à l'issue de la fameuse bataille de Sedan le 2 septembre 1870. Et comme Louis-Philippe, Louis-Napoléon termina sa vie en exil, en Angleterre…

(1) Célèbre député républicain mort sur les barricades à Paris lors du mouvement insurrectionnel provoqué par le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851.

1 commentaire:

Baier a dit…

Mon nom est Eric Baier, j'habite Genève et j'ai une résidence à Générargues.Je lis avec beaucoup de plaisir vos chroniques culturelles et je vais tout soudain vous proposer qwuelque chose qui se rapporte à votre chronique "les petits tampons de l'histoire" sur 1815.
A vrai dire, je n'ai jamais réussi a introduire un commentaire faute de savoir ce qu'est un UHL.
A bientôt