La "place du Plan de Brie", autour de 1900, avec son animation au départ de la diligence |
Deuxième extrait et suite du récit de l'anduzien Ernest Massot. Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.
" Le dernier dimanche d'automne de la même année, les trois sociétés en question se réunirent en groupe pour se rendre sur la montagne de Peyremale. Les citoyens marchaient deux à deux, et l'on remarquait en tête de la colonne Castanet, vêtu d'un costume de berger, portant du côté gauche une gourde contenant 3 litres de vin et tenant de sa main droite un bâton muni d'une courroie.(…)
Arrivée à Chantereine, la colonne prit la droite où se trouve le sentier (dit de la Rigole) qui conduit sur Peyremale. Parvenus au faîte de la montagne on fit un déjeuner frugal. Des chansons patriotiques furent chantées, des discours prononcés.
Quiminal joua du cor de chasse, et les citoyens formèrent le cercle. Les principaux républicains d'Anduze prirent la parole et formèrent le dessein de réunir les démagogues sous une seule bannière républicaine. A cet effet, des délégués furent nommés sur le champ. Voici les noms des citoyens qui firent partie du comité chargé d'examiner et même de formuler les statuts sur les règlements de la société des Montagnards, déjà fondée à Paris(1) : Lozes, menuisier ; Castanet, chapelier ; Chabran, boulanger ; Puech, chapelier ; Chaffiol, cafetier ; Léonore, menuisier ; Gascuel, instituteur ; Creissent, propriétaire à Tornac ; Pierredon, propriétaire à Tornac ; Gras, de Boisset-et-Gaujac ; Gibert, de Boisset-et-Gaujac ; Ribot, de Bagard ; Ducros, de Bagard.
Le congrès fut tenu chez Ribot, à Bagard. Il fut décidé que le camp républicain serait à Anduze, dans la rue du Luxembourg, à la maison Renard. Huit cent trente-trois sociétaires avaient donné leurs signatures, et tout sociétaire devait jouir de ses droits civils et cotiser deux francs par an pour couvrir les frais de logement ou autres frais imprévus.
La dite société eut pour président Arnassan, menuisier ; pour vice-président Loges, et pour secrétaire Gascuel, instituteur. L'établissement où était installé la société était géré par Chaffiol.
Passons maintenant aux années 1849 et 1850. Un grand banquet fut organisé sur la rive droite du Gardon, au plan des Molles. Deux milles personnes du Gard, faisant partie de l'élite des sociétés des Montagnards, se rendirent sur le lieu indiqué, portant des cocardes rouges sur leurs poitrines. Parmi les convives, on remarquait : Encontre, de Nîmes ; Mourgues, d'Alais, accompagné de Delord ; Edouard Serres, de Villérargues ; Mazel fils, de Boucoiran ; Henri Joubaud, de Saint-Ambroise ; Antoine Cavalier, de Valestaillères ; Victor Champetier, de Saint-Julien.
A la fin du repas, César Crés se leva et chanta le "Chant du Départ". Ensuite Jalabert, de Mialet, prit le drapeau et chanta "Toute l'europe est sous les armes, c'est le dernier râle des rois". Puis Gascuel prononça l'allocution d'usage, et donna la parole à Mazade. (…) Le jeune étudiant en droit, Cazot, prononça aussi un discourt émaillé d'anecdotes historiques concernant la vie des rois. Ensuite, il passa en revue le socialisme de Louis Blanc, et après avoir remercié les Anduziens de leur bon accueil, leva son verre en l'honneur des sociétaires du département.
Les journaux firent grand bruit de ce banquet.
D'autre part, la bourgeoisie Anduzienne, fière de ses écus, mit en permanence une liste de souscription, la dite liste produisit 15.000 francs. Rodier, de la Bruguière, donna sa signature pour 5.000 francs de plus, total 20.000 francs qui furent employés à construire la Rotonde.
Ce camp antirépublicain eut pour président Ariste Colomb, de la Blaquière. Celui-ci eut la manie d'attirer à la Rotonde les voyous de la localité et les mouchards rôdaient dans les rues, cherchant noise aux républicains. Parmi ces êtres se trouvaient : Mougnet, surnommé Cocu ; Raymond, Pagès, Bancillon, Brunel dit Madu ; Gâche surnommé Donde ; Laurent Laporte dit Paon ; Feuillade, etc… Toutes les fois qu'il y avait bal à la Rotonde, ces derniers avaient le plaisir de danser avec les dames de la fine fleur aristocratique anduzienne.
Le commissaire de police, le juge de paix, se montraient bienveillants à l'égard des Bonapartistes et maltraitaient les républicains qu'on avait surnommé les rouges. Les municipaux payaient largement les mouchards qu'on avait surnommé les bleus. Ces imposteurs, en chantant des chansons antirépublicaines, faisaient le tour de l'île en passant par la rue du Luxembourg et la traverse de Pélico. Une fois sur toutes, les perturbateurs jetèrent des pierres dans l'enceinte de la maison Renard où les républicains tenaient une conférence, Gascuel et Malibran furent atteints et allèrent porter plainte au commissaire de police. Celui-ci les fit enfermer, au moyen de faux témoignages, ils eurent pour leur peine 3 mois de prison. Ce qui prouve qu'à cette époque, nos administrateurs donnaient droit aux bleus et inculpaient les rouges.
L'injustice ne fit qu'indigner les républicains avancés, et vers la fin de 1850, la société des Montagnards s'allia avec les sociétés secrètes. Pour le suivre, Cazot demanda des citoyens volontaires, et ceux-ci allèrent dans toutes les villes du département faisant de la propagande.
Vers la fin de l'année 1851, les républicains eurent beaucoup d'obstacles à surmonter. Louis Bonaparte étouffa la République(2) et au lendemain du crime, le 3 décembre, les chefs de la Société secrète d'Anduze prirent l'initiative de nommer les chefs capables de diriger la colonne.
Le 4 était jour de foire à Anduze, les gens de la campagne s'étaient rendus en grand nombre dans cette ville, une émeute se produisit devant la Mairie. Mazade, conseiller municipal, rentra dans la Mairie et sollicita la permission de monter au balcon pour haranguer la foule. Au milieu du couloir, il rencontra le Juge de paix et Fesquet, adjoint. Ces derniers repoussèrent sa demande et ajoutèrent : Puisque nous avons Louis Bonaparte pour président, nous n'avons plus besoin de Ledru-Rollin. Après ce refus, Mazade revint dans la foule et dit d'une voix forte : Respectons la Justice quand même elle ne le mérite pas, à demain les affaires ! "
A suivre…
(1) A Paris, Ledru-Rollin avait formé un groupe appelé "la Montagne", d'où les surnoms des républicains d'extrême gauche : "montagnards", mais aussi "démocrates socialistes", ou bien "rouges".
(2) Coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte, qui arrivait à la fin de son mandat de Président de la Deuxième République, depuis février 1848, et non renouvelable…
" Le dernier dimanche d'automne de la même année, les trois sociétés en question se réunirent en groupe pour se rendre sur la montagne de Peyremale. Les citoyens marchaient deux à deux, et l'on remarquait en tête de la colonne Castanet, vêtu d'un costume de berger, portant du côté gauche une gourde contenant 3 litres de vin et tenant de sa main droite un bâton muni d'une courroie.(…)
Arrivée à Chantereine, la colonne prit la droite où se trouve le sentier (dit de la Rigole) qui conduit sur Peyremale. Parvenus au faîte de la montagne on fit un déjeuner frugal. Des chansons patriotiques furent chantées, des discours prononcés.
Quiminal joua du cor de chasse, et les citoyens formèrent le cercle. Les principaux républicains d'Anduze prirent la parole et formèrent le dessein de réunir les démagogues sous une seule bannière républicaine. A cet effet, des délégués furent nommés sur le champ. Voici les noms des citoyens qui firent partie du comité chargé d'examiner et même de formuler les statuts sur les règlements de la société des Montagnards, déjà fondée à Paris(1) : Lozes, menuisier ; Castanet, chapelier ; Chabran, boulanger ; Puech, chapelier ; Chaffiol, cafetier ; Léonore, menuisier ; Gascuel, instituteur ; Creissent, propriétaire à Tornac ; Pierredon, propriétaire à Tornac ; Gras, de Boisset-et-Gaujac ; Gibert, de Boisset-et-Gaujac ; Ribot, de Bagard ; Ducros, de Bagard.
Le congrès fut tenu chez Ribot, à Bagard. Il fut décidé que le camp républicain serait à Anduze, dans la rue du Luxembourg, à la maison Renard. Huit cent trente-trois sociétaires avaient donné leurs signatures, et tout sociétaire devait jouir de ses droits civils et cotiser deux francs par an pour couvrir les frais de logement ou autres frais imprévus.
La dite société eut pour président Arnassan, menuisier ; pour vice-président Loges, et pour secrétaire Gascuel, instituteur. L'établissement où était installé la société était géré par Chaffiol.
Passons maintenant aux années 1849 et 1850. Un grand banquet fut organisé sur la rive droite du Gardon, au plan des Molles. Deux milles personnes du Gard, faisant partie de l'élite des sociétés des Montagnards, se rendirent sur le lieu indiqué, portant des cocardes rouges sur leurs poitrines. Parmi les convives, on remarquait : Encontre, de Nîmes ; Mourgues, d'Alais, accompagné de Delord ; Edouard Serres, de Villérargues ; Mazel fils, de Boucoiran ; Henri Joubaud, de Saint-Ambroise ; Antoine Cavalier, de Valestaillères ; Victor Champetier, de Saint-Julien.
A la fin du repas, César Crés se leva et chanta le "Chant du Départ". Ensuite Jalabert, de Mialet, prit le drapeau et chanta "Toute l'europe est sous les armes, c'est le dernier râle des rois". Puis Gascuel prononça l'allocution d'usage, et donna la parole à Mazade. (…) Le jeune étudiant en droit, Cazot, prononça aussi un discourt émaillé d'anecdotes historiques concernant la vie des rois. Ensuite, il passa en revue le socialisme de Louis Blanc, et après avoir remercié les Anduziens de leur bon accueil, leva son verre en l'honneur des sociétaires du département.
Les journaux firent grand bruit de ce banquet.
D'autre part, la bourgeoisie Anduzienne, fière de ses écus, mit en permanence une liste de souscription, la dite liste produisit 15.000 francs. Rodier, de la Bruguière, donna sa signature pour 5.000 francs de plus, total 20.000 francs qui furent employés à construire la Rotonde.
Ce camp antirépublicain eut pour président Ariste Colomb, de la Blaquière. Celui-ci eut la manie d'attirer à la Rotonde les voyous de la localité et les mouchards rôdaient dans les rues, cherchant noise aux républicains. Parmi ces êtres se trouvaient : Mougnet, surnommé Cocu ; Raymond, Pagès, Bancillon, Brunel dit Madu ; Gâche surnommé Donde ; Laurent Laporte dit Paon ; Feuillade, etc… Toutes les fois qu'il y avait bal à la Rotonde, ces derniers avaient le plaisir de danser avec les dames de la fine fleur aristocratique anduzienne.
Le commissaire de police, le juge de paix, se montraient bienveillants à l'égard des Bonapartistes et maltraitaient les républicains qu'on avait surnommé les rouges. Les municipaux payaient largement les mouchards qu'on avait surnommé les bleus. Ces imposteurs, en chantant des chansons antirépublicaines, faisaient le tour de l'île en passant par la rue du Luxembourg et la traverse de Pélico. Une fois sur toutes, les perturbateurs jetèrent des pierres dans l'enceinte de la maison Renard où les républicains tenaient une conférence, Gascuel et Malibran furent atteints et allèrent porter plainte au commissaire de police. Celui-ci les fit enfermer, au moyen de faux témoignages, ils eurent pour leur peine 3 mois de prison. Ce qui prouve qu'à cette époque, nos administrateurs donnaient droit aux bleus et inculpaient les rouges.
L'injustice ne fit qu'indigner les républicains avancés, et vers la fin de 1850, la société des Montagnards s'allia avec les sociétés secrètes. Pour le suivre, Cazot demanda des citoyens volontaires, et ceux-ci allèrent dans toutes les villes du département faisant de la propagande.
Vers la fin de l'année 1851, les républicains eurent beaucoup d'obstacles à surmonter. Louis Bonaparte étouffa la République(2) et au lendemain du crime, le 3 décembre, les chefs de la Société secrète d'Anduze prirent l'initiative de nommer les chefs capables de diriger la colonne.
Le 4 était jour de foire à Anduze, les gens de la campagne s'étaient rendus en grand nombre dans cette ville, une émeute se produisit devant la Mairie. Mazade, conseiller municipal, rentra dans la Mairie et sollicita la permission de monter au balcon pour haranguer la foule. Au milieu du couloir, il rencontra le Juge de paix et Fesquet, adjoint. Ces derniers repoussèrent sa demande et ajoutèrent : Puisque nous avons Louis Bonaparte pour président, nous n'avons plus besoin de Ledru-Rollin. Après ce refus, Mazade revint dans la foule et dit d'une voix forte : Respectons la Justice quand même elle ne le mérite pas, à demain les affaires ! "
A suivre…
(1) A Paris, Ledru-Rollin avait formé un groupe appelé "la Montagne", d'où les surnoms des républicains d'extrême gauche : "montagnards", mais aussi "démocrates socialistes", ou bien "rouges".
(2) Coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte, qui arrivait à la fin de son mandat de Président de la Deuxième République, depuis février 1848, et non renouvelable…
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