C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

17 décembre 2014

Anduze au Moyen-âge - VI

Un siècle et demi de domination bicéphale (suite)

Bernard III d’Anduze eut de sa première épouse, Marie, selon le Dr Paulet, deux fils : Bernard, son héritier vers 1135, et Raimond qui eut probablement Sybille pour épouse. Et de Sybille se réclameront deux fils, Bernard-Bermond et Pierre dont on reparlera plus tard. Bernard III d’Anduze, qui était donc co-seigneur d’Alais avec Raimond Pelet, était aussi demi-frère de Guilhem V seigneur de Montpellier, et leur politique était étroitement concertée. L’avis de Bernard III devait être très écouté car on le voit souvent témoin ou président de plaids dans la région. Les comtes de Toulouse s’en prenant régulièrement à l’abbaye de St Gilles, le pape Calixte II écrivit en 1120 à Bernard III pour l’exhorter à en prendre la défense. Il devait donc bien le savoir peu en accord avec son suzerain dans ce genre d’entreprises. En 1123 c’est la guerre ouverte pour le partage de la Provence entre le comte de Toulouse Alphonse Jourdain, fils de Raymond IV de St Gilles et Raimond Berenger III comte de Barcelone ; elle se termine par un traité en 1125 auquel participe Bernard d’Anduze. L’un des enjeux était la place forte de Beaucaire et la « Terre d’Argence ». Celle-ci est un riche territoire compris entre le Rhône au Sud et à l’Est, jusqu’au Gardon au Nord et Jonquières à l’Ouest. Le comte de Toulouse en garda la propriété et les confia en fief à Bernard III d’Anduze à la place du vicomte Aymeric II de Narbonne, un peu trop ami du Catalan.

La mort de Raimond Beranger III en 1131 ne va pas ralentir la lutte d’influence entre Barcelone et Toulouse sur les domaines méditerranéens et Alphonse-Jourdain, là, va se heurter à des intérêts locaux où la Maison d’Anduze devra mener un jeu subtil entre ses alliances et sa fidélité au comte de Toulouse.
D’abord à Melgueil, le comte, décédé en 1132, laisse pour seule héritière sa fille Béatrix de neuf ans ; mais il a prévu qu’en cas de disparition de celle-ci avant son mariage, le comté... et sa monnaie, reviendrait au comte de Toulouse. On voit aussitôt Guilhem VI, nouveau seigneur de Montpellier, annoncer les fiançailles de Béatrix dont il est un des tuteurs et l’oncle, avec un fils de Barcelone, Bérenger-Raimond Ier comte de Provence !... Patronné par le pape Innocent II, le mariage eut lieu trois ans plus tard sans qu’Alphonse Jourdain puisse faire autre chose que ruminer sa rancune. Histoire à suivre...
Ensuite à Narbonne autre décès, celui du vicomte Aymerie II en 1134 qui, déjà veuf depuis cinq ans, ne laisse que deux filles. Voilà une bonne occasion de ré-affirmer sa suzeraineté pour Alphonse-Jourdain dont le père s’était intitulé « duc de Narbonne ».

Or si l’une des filles, Ermessinde, mariée en Espagne, a cédé ses droits à sa sœur Ermengarde, celle-ci va s’opposer farouchement avec une étonnante énergie à la mainmise du comte de Toulouse, au besoin elle-même à la tête de ses chevaliers et soutenue bien sûr en sous-main par Barcelone. A dix-huit ou vingt ans seulement, cette jeune veuve a besoin d’un homme solide à ses côtés et c’est là que nous retrouvons Bernard-Bermond d’Anduze, le fils de Sybille et Raimond, qu’elle prend pour époux en 1145. Dans son ouvrage " Les comtes de Toulouse " Jean-Luc Déjean est sévère avec lui : « Ce sera un falot vicomte-consort, mais sa parenté, ses alliances sont à Montpellier...». Il est vrai qu’il devait être difficile de briller dans le sillage d’une telle femme, adulée à Narbonne et estimée par le roi Louis VII lui-même. Pourtant la famille d’Anduze avait du poids, et c’est Pierre, un de ses cadets qui devint en 1150 l’archevêque de Narbonne. Pour le Dr. Paulet, il est fils de Raimond et frère de Bernard-Bermond, mais cela est très improbable : Pierre (de Situlvero), précédemment abbé de Saint-Gilles, avait succédé en 1124 à l’abbé Hugues ; de plus, on l’entendit en 1151 affirmer sous serment avoir été témoin en 1095 d’engagement du comte de Toulouse.
Ne serait-il pas, alors, l’ancien Hospitalier de Jérusalem de 1112 à Saint-Gilles et fils de … Raimond 1er d’Anduze et Ermangarde de Montpellier ?…

Veuve, la vicomtesse Ermengarde terminera sa vie à 70 ans retirée au couvent après avoir laissé les rênes au fils de sa sœur Ermessinde, l’espagnol Aymery de Lara, ce qui ne plaira pas du tout à Toulouse.
Mais nous avons laissé quelques lignes plus haut une « histoire à suivre » : En 1144, Béatrix de Melgueil perd son mari Bérenger-Raimond dont elle a un jeune fils. La régence va être assurée par le comte de Barcelone, entre-temps devenu aussi roi d’Aragon...
Libre, Béatrix a vingt ans à peine et est, elle aussi, une femme qui entend ne pas laisser à n’importe qui les destinées de Melgueil. Alors elle épouse Bernard Pelet, co-seigneur d’Alais qui devient donc comte de Melgueil, du moins le nomme-t-on ainsi ; c’est un homme de caractère. La Maison d’Anduze n’y est sûrement pas étrangère. L’autre co-seigneur d’Alais est à ce moment Bernard IV d’Anduze.

Bernard IV d’Anduze, né vers 1100, aurait eu pour première épouse une sœur de Guillaume de Calmont, évêque de Cahors. Celui-ci, issu du château de Calmont d’Olt, dominant Espalion, a fondé à 7 km au nord, en 1160, l’abbaye Cistercienne de Bonneval, largement dotée par la famille d’Anduze-Sauve.
Les fils de ce premier mariage sont : Bernard, l’aîné, futur Bernard V, suivi probablement de Frédol et de Bermond, qui deviendront respectivement évêques de Fréjus et de Sisteron en 1164 et 1176, et puis Bertrand.
Bertrand a épousé, vers 1150, Adélaïde de Roquefeuil, seule héritière de cette baronnie dont les terres s’étendaient du nord à l’ouest du Vigan. Leur fils aîné Raimond assurera la continuité de cette maison tandis qu’une destinée imprévue attend Bernard son cadet.
Or il se trouve que certains actes de diverses sources témoignent de l’existence d’un autre frère de Bernard V et de Bertrand, qui pourrait bien être Pierre-Bermond V de Sauve, si surprenant que cela puisse paraître !
Il s’agit en fait d’un demi-frère dont le père ne peut être que Bernard IV ayant épousé en seconde noce une sœur de Pierre-Bermond IV de Sauve qui ne pouvait alors espérer d’héritier direct. C’est une hypothèse.
D’ailleurs, on voit ce dernier se faire moine …à Bonneval, en 1161, probablement dès que son neveu fut en âge d’assumer sa succession sur Sauve, qui ainsi n’échappait pas à l’orbite anduzienne.
Ce mariage n’était peut-être pas du goût de tout le monde à Sauve, par exemple d’Elzéar, frère du seigneur, qui en 1154 passa dans l’orbite des vicomtes de Nîmes en recevant en fief le château de Bernis. Bernard V d’Anduze ne dut succéder à son père que tardivement, vers 1160, mais se voit confronté en 1164 à de sérieuses plaintes auprès du roi pour d’abusifs péages aux portes d’Alès, imposés de concert avec le co-seigneur, Bernard Pelet comte de Melgueil. Contrairement à celui-ci Bernard V y renonça et aussitôt, peut-être pour raisons de santé, se retira …à Bonneval, laissant son tout jeune fils Pierre-Bernard sous la tutelle de Guilhem VII de Montpellier. Or Pierre-Bernard rejoint son père à Bonneval l’année suivante et tous deux semblent décédés avant 1168.

C’est ainsi que, contre toute attente, Bertrand, dès 1165, doit prendre en mains la seigneurie d’Anduze et ses terres vassales sous le nom dynastique de Bernard VI, tout en restant « Bertrandus de Andusia » dans certains actes privés.
En effet, c’est à « Bernard d’Anduze et son épouse Adélaïde de Roquefeuil » qu’en 1169 Guilhem VII de Montpellier, l’ami de la famille, confie sa fille Guillemette pour qu’elle devienne en temps voulu l’épouse de leur fils Raimond de Roquefeuil.
En fait le seigneur de Montpellier, toujours méfiant quand un comte de Toulouse s’approche trop de Melgueil, cherchait à resserrer ses alliances. Il venait aussi de marier son autre fille, Sybille, avec Raimond-Gaucelm III de Lunel, dont il fera même le tuteur de son fils, avant de décéder en 1172.
De son côté, Bernard Pelet, intraitable dans l’affaire des péages d’Alès, est mort subitement en 1170, laissant la comtesse Béatrix en grand besoin d’appui face à l’appétit toulousain pour la fameuse monnaie de Melgueil.
Alors aussitôt Béatrix donne leur fille Ermessinde en mariage à Pierre-Bermond V de Sauve.
Un garçon est né de cette union prometteuse et pourtant vite écourtée : en effet, selon les historiens, Pierre-Bermond V n’était plus de ce monde courant 1172.
Et l’on voit, en décembre de la même année, Ermessinde jeune veuve, remariée avec le futur Raimond VI de Toulouse, 16 ans, dont le père mettait ainsi la main sur le comté de Melgueil au bout de 40 ans d’espérance toujours différée. Car Bertrand-Pelet, le fils qui aurait dû succéder, avait été entre-temps déshérité par sa mère Béatrix à qui il avait gravement déplu, et n’aura plus que la co-seigneurie d’Alès.
Plus tard, l’enfant d’Ermessinde aurait pu devenir comte de Melgueil et même Baron de Sauve, mais il s’est éteint en bas âge. Enfin, Ermessinde, la première des cinq épouses de Raimond VI de Toulouse, meurt en septembre 1176 au château de Malaucène, loin dans le marquisat de Provence.

N’est-elle pas bien étrange cette série de disparitions en si peu de temps dans cette même famille ? Or le mystère s’épaissit encore quand on apprend que Pierre-Bermond V aurait été vu dans les années 1180 moine au monastère de Mazan, dans les monts du Vivarais… S’il n’y a pas eu confusion du témoin ou vice d’interprétation, alors on sent rétrospectivement planer les silences d’une « Raison d’Etat »…

Pierre Gaussent - A suivre

6 décembre 2014

Anduze au Moyen-âge - V

Un siècle et demi de domination bicéphale

Bernard II est mort en 1029, laissant à Almérade la seigneurie d’Anduze et tout ce qu’il gérait déjà ; tandis que Pierre Bermond, fils de Garsinde, reçoit Sauve, sans doute Hierle et la co-seigneurie de Sommières partagée avec Bermond de Sommières qui pourrait être un jeune frère ou beau-frère de Bernard II. On le voit apparaître pour la première fois à la fin de 1029 comme témoin à la fondation du monastère St Pierre de Sauve voulue par Garsinde conjointement avec Pierre Bermond et Almérade. Ce monastère est mis sous l’autorité de l’abbaye de Gelone (Saint Guilhem le Désert) dont les seigneurs d’Anduze avaient paraît-il depuis très longtemps le « patronat » ou l’« avouerie », comme de celle d’Aniane. A cette cérémonie, outre Garsinde et les fils de feu Bernard II, furent présents de nombreux seigneurs en tête desquels Guillaume, le comte de Toulouse, l’évêque de Nîmes, Frotaire II, et son père, Aton II, vicomte de Nîmes. Cette affluence distinguée montre la considération dont jouissait alors la Maison d’Anduze et Sauve.
Almérade eut de son épouse Enaurs deux fils, Pierre et Bernard. Ce dernier dût décéder assez jeune et Almérade fit de Pierre II son héritier par son testament de 1052.

De son côté Pierre-Bermond I de Sauve eut de son épouse Astorge deux fils, Pierre-Bermond et Bernard-Bermond, et une fille Bellesinde. Etant décédé en 1054 à Rome au cours d’un voyage qu’il y faisait avec son épouse, l’héritier de Sauve fut Pierre-Bermond II qui en continua la lignée avec son épouse Elisabeth. Sa soeur Bellesinde, mariée à un seigneur probablement cévenol, reçut des parts de domaines et on la retrouve en 1081 avec ses deux fils dans une donation de leur part dans l’église de Meyrueis. Le frère cadet, qui ne devait pas trop avoir la vocation pour devenir moine ou évêque, avait épousé Adélaïde de Mandagout, d’une vieille place wisigothique au Nord du Vigan. Ou alors pressentait-on pour lui un rôle plus utile à la famille... En effet Pierre II d’Anduze, qui n’avait pas de postérité, s’éteignit en 1077 et son cousin cadet de Sauve devint Bernard-Bermond, seigneur d’Anduze, Barre, Portes, Peyremale et en partie de Meyrueis (au diocèse de Mende). Il devait alors avoir la quarantaine.
Et après son grand-père, Bernard-Bermond reprend le titre de Marquis du Château d’Anduze : « Ego Bernardus Castri Andusianici Marchio...». Ce dont s’étaient abstenus semble-t-il ses prédécesseurs, l’oncle Almérade et le cousin Pierre II. Aussi est-il permis de voir chez Bernard-Bermond, attentif au prestige du titre, le souvenir de la comtesse Garsinde sa grand-mère.
D’ailleurs son frère aîné Pierre-Bermond II de Sauve, sans doute sous la même influence, avait aussi besoin d’un titre et, bien sûr, au moins aussi brillant que celui de son cadet, mais sans risquer l’offense à quelques susceptibilités très légitimes...

Alors il s’en est découvert un qui a vraiment dû laisser pantois ses contemporains et perplexes encore aujourd’hui nos historiens ! On le trouve la même année 1077 dans l’acte de donation de sa part de l’église de Meyrueis à l’abbaye de Gélone :
« Ego Petrus satrapa Salvensis » –- Moi Pierre satrape de Sauve... Etait-ce par esprit d’indépendance, de dérision ou de défi envers quelque voisin imbu des honneurs hérités de ses pères ? Petite rivalité entre frères ? Satrape désignait effectivement « le seigneur du pays » dans la Perse depuis cinq siècles avant notre ère ; c’était le gouverneur d’une province, la « satrapie ».
Jean Germain, dans son livre (" Sauve, antique et curieuse cité "), explique ce choix par le souvenir d’une occupation sarrasine de Sauve. Pourtant on peut douter qu’un Pierre-Bermond ait trouvé très glorifiant d’adopter le titre d’un de ces sarrasins tant combattus par ses propres ancêtres. Et puis, si les Arabes ont bien conquis et islamisé le royaume Persan entre 633 et 651, trois ou quatre générations avant leur arrivée en Septimanie, il semble qu’aucun de leurs chefs n'ait été nommé satrape...

En revanche, on était très imprégné de la Bible dans l’entourage si religieux du seigneur de Sauve. Or le peuple Juif éprouva l’administration des satrapes de l’empire Perse dès sa déportation. La tragédie passée, sinon oubliée, il s’en accommoda avec intelligence et certains firent même fortune à Babylone. Après le retour d’exil accordé par Cyrus, les Juifs ont pu vivre en paix en Palestine qui faisait partie d’une Satrapie jusqu’à l’arrivée des Grecs d’Alexandre le Grand.
Ces souvenirs étaient pieusement entretenus chez les Juifs réfugiés dans le Midi depuis l’époque romaine et puis sous les Wisigoths de Septimanie qui les ont protégés. Protégés ensuite sous Charlemagne, Louis le Pieux et Charles le Chauve, ils étaient nombreux au tout début du Xème siècle à Nîmes où ils avaient une synagogue ; et surtout à Lunel qui sera le point de départ d’écoles célèbres.
Ne se privant pas de devenir les banquiers de tout le monde, on peut imaginer qu’ils avaient des relations très intéressées avec les seigneurs d’Anduze et de Sauve qui détenaient, avec leur monnaie, le nerf du commerce... Alors, n’ont-ils pas flatté le puissant Pierre Bermond de ce titre de satrape qu’ils connaissaient si bien ?…

On ne connaît que peu de choses des descendants de Pierre-Bermond II et de son épouse Elisabeth jusqu’à leur présumé arrière-petit-fils que nous retrouverons plus loin, mais si l’on en croit Jean Germain ils ont tous voulu rester « satrapes de Sauve »...
De leur côté Bernard-Bermond d’Anduze et Adélaïde de Mandagout semblent n’avoir eu qu’un fils héritier, Raimond Ier, jeune successeur de son père.
Raimond 1er épousa Ermengarde, veuve en 1074 de Guilhem III, seigneur de Montpellier. On notera que les veuves de riches seigneurs ne restaient pas longtemps sans époux... Mais ici Ermengarde avait déjà un fils pour continuer la lignée de Montpellier, Guilhem V, qui reprendra les rênes après son oncle Guilhem IV.
Il s’en suivra une longue période de très bonnes relations entre les deux familles. Raimond d’Anduze et Ermengarde ont eu au moins deux garçons, Bernard III futur seigneur d’Anduze et Pierre.
A partir de là, et sur un siècle environ, on constate que les généalogies déduites des divers auteurs pour les seigneurs d’Anduze et leurs familles sont très souvent en discordance. La désignation trop imprécise des personnages dans les actes originaux en est la cause initiale, mais non la seule. Même dans l’étude particulière de Lina Malbos (" Etude sur la famille féodale d'Anduze et Sauve du milieu du Xème siècle au milieu du XIIIème siècle ") qui apporte d’intéressantes sources, on remarque des déductions assez discutables. C’est pour cela qu’on ne trouve nulle part un tableau généalogique un peu détaillé ; pourtant il permet d’éviter bien des erreurs, au moins de chronologie… en attendant la découverte problématique d’un chartrier !

Pierre, cadet d’Anduze, devait approcher de la quinzaine d’années quand fut prêchée la Première Croisade et il dut sans doute accompagner son demi-frère Guilhem V en terre sainte avec le comte de Toulouse car on le voit entrer dans l’Ordre des Hospitaliers de Jérusalem en 1112, un établissement de cet ordre venant d’être fondé à Saint-Gilles.
Parmi les nombreux seigneurs du pays, également croisés, dont le cadet de Lunel, l’Histoire mentionne Raimond Pelet en 1099 qui se distingua en Palestine. Son nom laisse penser qu’il était issu de la famille d’Anduze, peut-être un fils de Raimond Ier qui lui aurait donné la co-seigneurie d’Alais et dont il sera le chef d’une longue lignée.

Pierre Gaussent - A suivre

28 novembre 2014

Pierre-Albert Clément s'en est allé, par le chemin…

C'est avec tristesse que nous avons appris la disparition de Pierre-Albert Clément ce mercredi 26 novembre 2014 à Alès. Cet homme simple et discret, mais au charisme certain en public, au parcours atypique – avec notamment son étonnante période d'organisateur de spectacles à Canaules avec des célébrités nationales de l'époque – qui caractérise souvent les personnalités hors du commun, était encore à 90 ans l'infatigable chercheur dont la curiosité et l'enthousiasme étaient restés intacts.
L'écrivain prolifique qu'il fut nous laisse de nombreux ouvrages qui sont devenus pour certains des références incontournables dans leurs domaines, comme par exemple " Les chemins à travers les âges en Cévennes et bas Languedoc " ou les " Eglises romanes du bas Languedoc " et autre " Via Domitia ".
Si sa réputation est d'abord le résultat d'un travail acharné avec une rigueur sans faille dans ses recherches, il était loin d'être aussi un homme sans humour ! La publication d'un roman sur l'histoire d'un muletier au XVI ème siècle, truffé d'anecdotes savoureuses, en est entre autres une parfaite illustration.
Régulièrement de passage dans notre cité, il l'aimait et la connaissait particulièrement bien. Nous conservons un excellent souvenir de la présence de ce grand érudit pour une conférence sur notre histoire locale en septembre 2008, lors des Journées du Patrimoine.
Il ne fait aucun doute que Pierre-Albert Clément laisse l'une des plus grandes traces, celles qui sont indélébiles, dans notre histoire culturelle régionale.

24 novembre 2014

Anduze au Moyen-âge - IV


Les Bernard et Bermond d’Anduze et Sauve (suite)

Bernard II, devenu veuf, s’est remarié en 1013 avec Garsinde, vicomtesse de Béziers et Agde, veuve du comte de Carcassonne Raimond-Roger. De Raimond-Roger elle avait deux fils : Guillaume qui devint comte de Carcassonne et Pierre qui eut Béziers et Agde. C’est une fille de ce dernier, Ermengarde, qui apportera l’ensemble de cet héritage au vicomte de Nîmes Raimond-Bernard Trencavel. Bernard II et Garsinde eurent encore deux autres fils ; l’un, Raimond, mourra sans postérité et l’autre fut destiné à la seigneurie de Sauve, le futur Pierre-Bermond I. En attendant sa majorité, Bernard II continua bien entendu à gérer l’ensemble des domaines avec Almérade qui avait pour lot Anduze, Barre, Portes et Peyremale.
Barre contrôlait la Vallée Française ; Portes, sur son col, surveillait la « voie Régordane » menant de Nîmes au Puy dont, rappelons-le, les évêques étaient respectivement les frères Géraud et Frédol.
Quant à Peyremale, non loin de Portes, son château contrôlait la Haute Cèze et se trouvait dans le diocèse d’Uzès ; la région, notamment vers Génolhac, recelait aussi du plomb argentifère...

Il va de soi que circuler au pied de ces places avec des marchandises impliquait l’acquittement d’un péage destiné à l’entretien des routes et leur sécurité, ce qui devait laisser une bonne marge pour le seigneur du lieu, à voir leur attachement à cette fiscalité. Certains voudront même en abuser ! C’est sous Bernard II que Sauve prend de l’importance comme point de convergence des échanges commerciaux par les vallées trans-cévenoles. Au Sud, malgré l’alliance avec la baronnie de Lunel, son influence directe s’arrêtait à Sommières et ce n’est peut-être pas non plus une coïncidence s’il y reconstruit en 1024 la forteresse wisigothique.
Mais ce personnage riche, maître ou suzerain de nombreuses seigneuries, descendant présumé d’une lignée de seigneurs indépendants remontant, pourquoi pas, aux temps des rois de Tolède, est tout simplement Bernard d’Anduze face à tous ces vicomtes, comtes et marquis qu’il côtoie... Cela ne manque-t-il pas d’un peu de panache pour son épouse Garsinde, d’illustre famille, et pour ses enfants aussi ?

C’est alors que, dans un acte notifiant sa généreuse donation à une église, l'on voit Bernard d’Anduze qualifié de « Marchio », marquis d’Anduze ! Et le Dr Paulet de nous expliquer que c’est bien normal puisque ses terres sont une « Marche » aux confins de celles de Maguelone... Bien mince justification d’autant plus que Maguelone n’était même pas encore fief pontifical, ou alors le titre est fort déprécié depuis sa définition Carolingienne.
En fait il y a encore à ce moment un titre de marquis de Gothie, mais porté par le comte de Rouergue. La fierté de Bernard d’Anduze ne devait pas trop s’accommoder de cette décoration factice quand la gloire de ses propres ancêtres pouvait lui en fournir de moins dorées peut-être mais plus authentiques.
En effet, en octobre 1020, son fils Géraud étant devenu évêque de Nîmes, il lui fit donation, ainsi qu’à sa cathédrale et conjointement avec ses deux autres fils Frédol et Almérade, d’un domaine probablement hérité de sa première épouse Ermengarde. Dans l’acte, auquel assistèrent ses derniers fils Raimond et Bermond avec leur mère Garsinde, Bernard s’y intitule « miles pellitus » soit chevalier à la fourrure, ce que Léon Ménard dans son " Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la Ville de Nîmes " commente ainsi :

« On peut conjecturer par ce titre qu’il avait droit de porter une espèce de fourrure qui pouvait être d’hermine, de vair, de martre zibeline ou de quelque autre peau rare et recherchée, et qui devait marquer le degré de chevalerie le plus éminent. C’est ainsi que les rois Wisigoths portaient autrefois ces sortes de fourrures, ce qui leur faisait donner, comme l’a fait Sidoine Apollinaire, le titre de Princeps Pellitus ».

Voilà qui laisse à penser que les seigneurs d’Anduze étaient toujours habités par le souvenir des traditions wisigothiques. Ce n’est certes pas une preuve de cette origine mais un bon indice de plus.
Ce qualificatif devait plaire dans la famille car certains vont le garder comme patronyme : un peu plus tard quand il apparaît que le seigneur d’Anduze est co-seigneur d’Alais, l’autre co-seigneur s’appelle Raimond Pelet... Nous retrouverons les descendants de ce dernier à Alais jusqu’au début du XIVème siècle ; tous des « Pelet », Raimond, Bernard, Bermond, etc., et toujours co-seigneurs avec Anduze jusqu’en 1243. (voir aussi l'excellent ouvrage du grand spécialiste de la fin de l'Antiquité et du Haut Moyen-âge, André Bonnery, " La Septimanie au regard de l'Histoire " qui aborde ce sujet. Phil Gaussent).

Mais nous n’en avons pas fini avec les titres de Bernard II car le Dr Paulet relate une autre donation en 1024 à l’église d’Agde faite sans doute pour plaire à sa femme qui en était vicomtesse ; et l’acte porte : « Consilio et voluntate domini principis Bernardi de Andusia...». Et notre sympathique docteur lui donne aussitôt les titres de « seigneur et prince d’Anduze ». Il semble plus raisonnable de traduire « premier seigneur d’Anduze », sachant surtout qu’il avait alors associé son fils Almérade à la seigneurie. C’est aussi l’avis du Dr Viguier.
Cependant c’est à tort que nos auteurs se plaisent à monter en épingle cette anecdote, car le terme de prince n’était pas alors un titre avec la signification précise que nos rois lui donneront plus tard :
En ces temps, un domaine transmis héréditairement dans une famille depuis très longtemps, avant l’instauration de l’autorité Franque et qui avait échappé à la conquête, était appelé un « alleu ». C’était un domaine en pleine propriété, indépendant de toute suzeraineté officielle et donc non soumis aux impôts et redevances. Et souvent en effet, le seigneur s’en intitulait lui-même le prince, ce qui ne lui donnait d’autres prérogatives que sa seule satisfaction d’amour-propre ; mais il traduisait une indépendance réelle.

Anduze remplissait sans aucun doute les conditions d’un alleu et le comportement de ses seigneurs le confirme assez. Il y avait naturellement beaucoup de « terres allodiales » dans l’ancienne Septimanie et que l’on retrouve fréquemment mentionnées dans les actes de donation ou de vente de l’époque. Ces derniers alleux ne sont souvent que de petites propriétés résultant de partages successifs selon les principes des lois romano-wisigothiques toujours en vigueur dans le Midi. Ces principes assez respectés chez les paysans libres conduisaient bien sûr à l’éparpillement du patrimoine ; aussi les maisons seigneuriales évitaient ce grave inconvénient en usant d'un autre principe de ces lois : le droit absolu du chef de famille de distribuer par testament ses biens fonciers et financiers (dot pour les filles le plus souvent) assorti de clauses de substitution en cas de décès sans descendance d’un héritier. De la sorte l’ensemble des domaines ou seigneuries restait sous l’autorité des plus aptes à maintenir la puissance et l’indépendance du clan.

Ecrites ou non, ces dispositions ont toujours présidé à l’histoire de la Maison d’Anduze et Sauve comme on va le voir.

Pierre Gaussent - A suivre.

14 novembre 2014

Anduze au Moyen-âge - III

Les Bernard et Bermond d’Anduze et Sauve

Bernard II d’Anduze épousa Ermangarde vers 990 et apparaît bientôt être également le maître de nombreux fiefs dont le pays d'Hierle, de Sauve, d'Alais, de Barre, de Portes, de Sommières cette vieille forteresse wisigothique. Lunel est sans doute déjà en relations étroites, sinon aussi un fief.
On le voit, des sommets cévenols jusqu’à la mer s’échelonnent les possessions du seigneur d’Anduze et en particulier tout au long de la vallée du Vidourle, ce qui lui assurait une voie indépendante et sûre pour ses échanges commerciaux même lointains.
En effet, le Vidourle se jetait alors dans l’étang de Mauguio, en communication avec la Méditerranée. Près de l’embouchure, sur l’étang, existait d’ailleurs un port et un bourg pas très loin de l’abbaye de Psalmodi et de Lunel. Il s’appelait justement « Portus » et était assez important puisque s’y est tenu en 887 un concile présidé par l’archevêque de Narbonne et un autre en 897. Portus, par la suite, dut être ensablé et emporté par les crues du Vidourle, ou supplanté par le port de Saint-Gilles. Aujourd’hui, il n’en subsiste aucun vestige sauf dans le nom de deux mas.

On peut penser que par cette vallée jalonnée de places fortes étaient véhiculés notamment les métaux extraits des mines cévenoles et surtout l’argent fourni aux ateliers de frappe monétaires du comté de Melgueil, laissant dans la transaction de confortables bénéfices au seigneur d’Anduze.
Le « sol Melgorien », apprécié des marchands orientaux, valait 8 « sols tournois » des ateliers de Tours par exemple. Mais le sol était devenu monnaie de compte pour les marchés, comme la livre qui valait 20 sols. Il n’y avait plus de sous d’or depuis 815 et le commerce ordinaire utilisait des pièces d’argent : le « denier » et « l’obole » ou demi-denier ; 1 sol correspondait à 12 deniers ; et pour fixer les idées le prix d’une vache tournait autour de 6 sols Melgoriens vers l’an 1000 ; il faut le préciser car on connaissait aussi l’inflation...
Il est curieux de constater comment se sont perpétuées ces appellations : certes le denier et l’obole ne signifient plus que des quantités négligeables, et la livre, restée unité de compte jusqu’à la révolution française, est devenue le « Franc » fractionné en centimes (on avait pourtant connu un franc d’or au XIVème siècle) ; mais encore à la veille de la guerre de 1939, on entendait les gens appeler couramment un « sou » la pièce de 5 centimes et bien sûr « 20 sous » celle de 1 franc, qui leur permettait de s’acheter non pas trois vaches mais... le journal !

Revenons donc un millénaire en arrière ; Bernard II d’Anduze et Ermangarde ont eu trois fils :
Almérade, associé par son père à la seigneurie d’Anduze.
Frédol qui, devenu évêque du Puy en 1016, sera remarqué pour son action bienfaitrice par le Pape Benoît VIII.
Géraud que nous avons vu succéder de 1019 à 1027 à Frotaire, à l’évêché de Nîmes.
Et peut-être y a-t-il eu un Bermond placé comme co-seigneur à Sommières ; on en voit un en 1029 et les Bermond et Pons-Bermond vont y apparaître en diverses occasions pendant plus de deux siècles.
Par contre on ne rencontrera jamais de fils d’Anduze à Lunel :
En fait on ne sait pas comment ni quand Anduze aurait pris pied à Lunel qui faisait partie du diocèse de Maguelone ; il est probable que cette baronnie, créée paraît-il en 888, a été à l’origine incluse dans les limites du comté de Melgueil ; mais peut-être aussi domaine privé d’une famille également wisigothique.

Selon Thomas Millerot (" Histoire de la ville de Lunel " vers 1880), Lunel appartenait au seigneur d’Anduze puisque Bernard II la « céda » vers l’an 1000 à la famille Gaucelm. On ne connaît pas la date exacte mais c’est à ce moment (1004 et 1007) qu’un Gaucelm seigneur de Lunel se manifeste dans divers actes.
En revanche, si à plusieurs reprises un Gaucelm de Lunel s’affiche vassal du seigneur d’Anduze et Sauve, cette « cession » ne nous est attestée que par un acte d’hommage au Sénéchal Royal de Beaucaire et Nîmes deux siècles et demi plus tard ! Il est dit dans cet acte daté de 1257 « [...] ego Raymondus Gaucelm dominus Lunelli recognosco [...] quod antecessores mei tenebant Lunellum a Bernardo de Anduzia, domino de Salve sub forma et conventionibus infra scriptis, videlicet quod dicti antecessores mei tenebantur facere hominium et fidelitatem jurare eidem Bernardo de Andusia et successoribus ejus pro baronia de Salve et [...] », ce qui signifie : « Moi Raimond Gaucelm, seigneur de Lunel, je reconnais [...] que mes prédécesseurs tenaient Lunel de Bernard d’Anduze, seigneur de Sauve sous la forme et les conventions ci-après, étant bien entendu que mes dits prédécesseurs devraient rendre hommage et jurer fidélité à Bernard d’Anduze lui-même et à ses successeurs au titre de la baronnie de Sauve...» ; et il était précisé qu’à sa demande et pour les périodes en usage, ils devaient les suivre à la guerre eux-mêmes, ou un des leurs, avec quatre chevaliers entretenus aux frais du dit seigneur d’Anduze ou de ses successeurs pour la baronnie de Sauve. Et en contrepartie ceux-ci s’engageaient à aider et secourir Gaucelm et les siens en cas de nécessité.
Il est également précisé que les terres de Lunel en question s’étendaient du Vidourle à la rivière du Bérange et de Saint Sériès jusqu’à la mer ; c’était un territoire assez considérable.

Les raisons de cette « cession » n’y sont pas dites, mais le texte laisse penser qu’il s’agit d’autre chose :
Lunel pouvait être un « alleu » propriété des Gaucelm, vieille famille de Septimanie. Ils l’auraient alors soumis à Bernard d’Anduze qui le leur aurait aussitôt rendu en fief pour « le tenir de lui » selon la coutume féodale. Ce véritable traité d’assistance mutuelle se concluait en général lorsque l’un des partenaires éprouvait la nécessité d’avoir la protection d’un plus puissant, et ici l’intérêt des deux convergeaient de façon évidente.
On remarquera d’abord que le seigneur de Lunel paraît engagé envers Bernard d’Anduze seulement vis-à-vis de sa baronnie de Sauve, « Bernardus de Andusia pro baronia de Salve », on y insiste à sept reprises dans l’acte... Mais peut-être ce détail a son explication dans le contexte de l’hommage au Sénéchal ?
L’autre observation porte sur l’engagement formel de Bernard relatif à l’intégrité des domaines et ressortissants des Gaucelm, de sa part comme de ses descendants. Il n’est pas irréel alors d’imaginer que cet acte formalisait une alliance dans le cadre d’une lutte d’influences autour de la monnaie de Melgueil, peut-être depuis l’implantation des nouveaux vicomtes héréditaires de Nîmes dont l’histoire montrera par la suite les grandes ambitions.
D’ailleurs le Comte de Melgueil venait justement de créer, en 985, la seigneurie de Montpellier au profit d’un de ses fidèles... Sage précaution ou simple coïncidence ?

En poursuivant dans cette dernière hypothèse, ce n’est plus une simple coïncidence si le très indépendant seigneur d’Anduze et de Sauve Bernard II décide peu de temps après, vers 1010, de garder son minerai et créer son propre atelier de frappe de monnaie.
On en connaît trois pièces marquées au nom des deux villes, dont un denier d’argent équivalent paraît-il à six ou sept deniers de Melgueil et qui était fort apprécié : le « Bernardin ».

Pierre Gaussent - A suivre

26 octobre 2014

Anduze au Moyen-âge - II

Premières lueurs sur les seigneurs d’Anduze

Le premier connu avec ce titre est Aldebralde. Il était propriétaire entre autres d’un domaine, villa ou village, appelé Berthomates, situé en contrebas du bourg et du château d’Anduze. Il l’avait cédé à Auscinde, abbesse d’un couvent de filles également voisin du château. Elle est aussi qualifiée de «seigneuresse» sans qu’on sache bien ce que cela veut dire... Or celle-ci fit don de cette villa à l’abbaye d’Aniane selon une charte de 810 trouvée dans le cartulaire de cette abbaye et qui donne tous ces détails, faisant ainsi connaître Aldebralde.
Le lieu de Berthomates n’a pas laissé le moindre souvenir sur le territoire d’Anduze et cela peut s’expliquer :
En effet, j’ai découvert dans les « Mémoires de l’Académie de Nîmes pour l’année 1886 », une étude traitant des «Brotteaux», quartier de Lyon anciennement inondable. Ce toponyme « paraît dériver du celtique brett, ou brot, bois, latte, jonc, servant à la fabrication des brettos ou hottes à l’usage des montagnards riverains de la vallée du Rhône ».
On trouve d’ailleurs des Breteaux et Brotteaux jusqu’au Sud de Mondragon, et puis près d’Alès, le village de St-Hilaire de Brethmas, « Bertomasis ou Bretomansus des anciennes chartes ».
On peut donc imaginer, sans trop se tromper, que le Berthomates du seigneur Aldebralde vivait de cet artisanat de vannerie de si grande utilité alors aux activités tant agricoles que ménagères.
Implanté sur les berges de la rivière qu’affectionnent aujourd’hui encore les roseaux (ne parlons pas des bambous...) et les amariniers, (cette variété de saules aux longues tiges d’osier, qui a donné au-delà de Mialet le quartier des « Abarines »), Berthomates, aussi village en bois, lattes et torchis, par une sombre journée, dut être emporté par une « gardonnade » un peu plus furieuse...

En ce même début du neuvième siècle Anduze avait un autre seigneur ou co-seigneur, sans doute plus riche et puissant qu’Aldebralde. C’était Dadila, « fils de Grégoire », « seigneur et duc de Septimanie », soit au sens latin de dux, un chef d’armée. Il avait dû se distinguer dans la lutte contre les sarrasins car il dit dans son testament de 813 avoir été favorisé par Charlemagne de terres et droits seigneuriaux, notamment dans les territoires de Nîmes, d’Uzès, de Maguelone, d’Anduze, de St-Jean de Gardonnenque, etc.
Etait-il de l’aristocratie Gallo-romaine, Franque ou Wisigothique ? On peut pencher pour cette dernière étant données les donations importantes qu’il fit, ainsi que sa veuve, en 815 au monastère de Psalmodi et en particulier à son abbé, le Goth Théodemir.

Après Aldebralde et Dadila, les textes sont à nouveau complètement muets sur Anduze pendant un bon siècle. C’est du moins ce qui apparaît en lisant les différents auteurs qui ont fait oeuvre historique sur le pays en exploitant essentiellement la monumentale «Histoire Générale du Languedoc» des moines Dom De Vic et Dom Vaissette au XVIIIème siècle et l’Histoire de Nîmes de Léon Ménard. Le premier est le Dr. Paulet de souche Anduzienne (1740-1826), suivi par le rigoureux Dr. Viguier qui, Montpelliérain, fait un peu le ménage dans les sympathiques libertés de son prédécesseur... (pour l'anecdote, un autre auteur, un certain M. F. de Lafarelle, envoie aussi une volée de bois vert au Dr. Paulet dans le cadre d'un article sur les seigneurs d'Anduze paru dans les Mémoires de l'Académie Royale du Gard de 1842 ! Phil Gaussent). Mais chez leurs émules aussi, jusqu’à nos jours, on constate qu’il faut attendre l’an 949, pour rencontrer Pierre Ier, le premier seigneur auquel on puisse accrocher la chronologie de ses successeurs avec certitude... ou presque.

Comme en ces temps-là c’est par leurs actes de donation aux religieux que sont connus ces seigneurs, on peut penser qu’ils sont tout à coup devenus parcimonieux, et ils ont quelques raisons :
D’abord, sûrement sollicités par Bernard de Septimanie, puis par ses fils dans leurs démêlés avec le pouvoir royal, ils l’ont été après 850 par Charles-le-Chauve au moins financièrement. Alors valait-il mieux ne pas se livrer à des générosités trop ostentatoires sous l’oeil du vicomte de Nîmes, ce fonctionnaire du roi. A la mort de celui-ci en 877, on est déjà dans l’ère de l’hégémonie Toulousaine et de ses comtes, Rouerguois d’origine, auxquels les seigneurs d’Anduze seront très liés soit par des liens de vassalité soit de famille.
C’est d’ailleurs au cours de cette époque obscure que ces derniers commencent à acquérir la puissance qu’on leur verra au siècle suivant.
Il faudra le hasard d’autres recherches même extérieures à la région pour que notre longue lacune se meuble de quelques noms. Ainsi, sans doute, Jean Germain, l’historien de Sauve a-t-il pu écrire qu’après Aldebralde « il y eut au moins Bernard Ier, puis Bernard II qui épousa Eustorge, fille de Raimond Ier, comte de Toulouse et vicomte de Narbonne, et de Ricarde de Rhodès».
L’existence du premier ne semble pas très certaine, du moins sous ce nom, aussi nous ne retiendrons que l’époux d’Eustorge et le numérotons Bernard Ier, ce qui s’accorde mieux avec la suite que nous allons voir. Il est dommage que Jean Germain n’ait pas indiqué ses sources dans son ouvrage. Néanmoins nous avons ainsi un élément que l’on peut situer à peu près, car on sait que Raimond Ier, qui est mort en 865, avait au moins une fille qui avait vu ses fiançailles rompues vers 860 avec Etienne, un comte d’Aquitaine ; un scandale d’état dans ces années-là. S’agissait-il d’Eustorge ?...

Ensuite une autre information plusieurs fois rencontrée, mais dont je ne connais pas encore le document original, fait état d’un seigneur d’Anduze, des années 900, nommé Foucault II. Il aurait même été investi du « comté » d’Aristum. Or Aristum, jadis siège d’un évêché créé en 534 par Théodebert, n’a jamais été un comté mais inclus dans ce qui sera plus tard la baronnie d’Hierle (Le Vigan). Celle-ci, peut être alors un fief des comtes de Rouergue, appartiendra en effet aux seigneurs d’Anduze-Sauve.
Il faut remarquer que si Foucault II était le fils de Bernard I et d’Eustorge, il était petit fils de Raimond I comte de Toulouse et de Rouergue et arrière-petit fils de Foucoald (Foucault Ier ?) comte de Rouergue…
On ne sait pas si Foucault II laissa une descendance après 915, mais il se trouve qu’un plaid s’est tenu dans le château d’Anduze le 18 Juillet 914, présidé par Frédelon, désigné comme vassal du Comte Raimond. Or treize ans plus tard en 927, toujours à Anduze, c’est un Frédelon qui préside un autre plaid qui se terminera par la prestation de serment des participants dans l’église Saint-Etienne.
Frédelon appelé « Commissaire du Comte Raimond » (Raimond III Pons, fils du précédent) n’est pas désigné dans la charte comme seigneur d’Anduze.

Et nous voilà arrivés à Pierre 1er cité comme chef de la maison d’Anduze en 949 quand son frère Bernard est devenu Evêque de Nîmes, siège qu’il va occuper pendant 42 ans ! Un cadet d’Anduze à la tête du diocèse témoigne bien de l’influence dont y jouit le seigneur.
Nous ne connaissons pas l’épouse de Pierre ni celles de ses prédécesseurs immédiats, mais selon la coutume elles leur ont sans doute apporté chacune quelque domaine ou seigneurie, dont l’importance cumulée va apparaître avec l’héritier Bernard II d’Anduze. (Bernard I ou II pour le Dr Paulet, III pour Jean Germain, I pour Lina Malbos). Mais Bernard est dit « fils d’Almérade ».
Cette expansion ne devenait-elle pas un peu inquiétante aux yeux du suzerain, le comte de Toulouse ?
En effet à ce moment la vicomté de Nîmes était tenue par une femme, la vicomtesse Gauciane. Quelque fils d’Anduze aurait très bien pu être candidat à sa main... avec la bénédiction du frère évêque. Or ce fut Bernard, fils du vicomte Aton d’Albi, qui l’épousa.
En eut-on du dépit à Anduze ? En tous cas, les relations entre les deux familles, sans conflit apparent toutefois, sont restées assez froides ou conventionnelles et pendant deux siècles on n’y décèle aucune alliance matrimoniale.

Mais n’aurions-nous pas tendance à faire du roman ?...

En se gardant de romancer l’Histoire qui nous échappe, il est permis d’émettre des hypothèses et tous les auteurs en font, plus ou moins raisonnables, avec les sources dont ils disposent (sauf le Dr. Viguier...).
Il en résulte fatalement des divergences, mais on trouve aussi des incompatibilités souvent aisées à mettre en évidence par un tableau chronologique un peu détaillé.
Or aucune des Histoires sur Anduze n’en comporte : c’est donc ce que j’ai essayé de bâtir en coordonnant ces divers ouvrages, et en avouant sans complexe que la version 2004, déjà un peu différente de celle de 1997, n’est peut-être pas la dernière !…

Pierre Gaussent - A suivre

16 octobre 2014

Anduze au Moyen-âge - I

Dans la nuit des temps…

Dès la plus haute antiquité le site d’Anduze s’est imposé aux hommes comme un lieu stratégique à occuper. De la « Grande faille des Cévennes » à l’ère tertiaire, il nous reste là une longue falaise rectiligne ; le Gardon en quelques millions d’années l’a tranchée en forme de cluse entre les hauteurs de Saint-Julien et de Peyremale, laissant apparaître les ondulations tourmentées des strates jurassiques.
Ce passage étroit le long de la rivière, parcouru depuis toujours par les troupeaux en transhumance, dut être la providence des chasseurs paléolithiques avant d’être le chemin obligé des marchands et à l’occasion des envahisseurs nordiques.
Ce n’est pas sans raison qu’on l’appelle la « Porte des Cévennes ».
Le vent aussi s’y engouffre quelquefois avec une telle force, qu’aux temps où les paysans venaient encore à pied au marché d’Anduze, on y avait installé pour qu’ils s’y cramponnent, une main courante en fer, ancrée dans les rochers bordant la route à l’endroit le plus étroit, le « Portail du Pas ». Au Sud c’est le pays sec des collines calcaires, des garrigues à chênes verts et puis de la vigne qui, elle, sait aller profondément chercher l’eau.

Au Nord de la falaise, on est presque de suite en terre acide qu’aiment les châtaigniers, les arbousiers, les grands pins et la bruyère, c’est déjà la montagne. De ce côté justement, il y a cinq ou six mille ans, quelques tribus vivaient alentour d’un peu de cultures déjà et d’élevage ; ce sont ces hommes qui ont érigé sur l’échine granitique de la « Grande Pallière » cette véritable nécropole de plusieurs dizaines de dolmens où, près du ciel, furent inhumés, sans doute, les chefs et leur famille au cours de mystérieuses cérémonies rituelles.
De ce côté toujours les terres d’argile rouge durent alimenter de bonne heure l’art des potiers, tandis que, nombreux dans les environs immédiats, les gîtes métallifères ont approvisionné le développement de « l’âge du cuivre », puis du bronze, puis du fer en attendant d’enrichir plus tard les seigneurs maîtres des mines de plomb-argentifère... sans oublier l’or du Gardon pour les nostalgiques de la pépite.

Vers le 4ème siècle av. J.C. les Volques Arécomiques arrivent, peuple Celte organisé qui n’eut probablement pas de peine à s’imposer entre la montagne et la mer à leurs prédécesseurs Ibériques. Aux dires du romain Pline et du grec Strabon du début de notre ère, les Volques ont fait d’Anduze l’une des vingt quatre cités dépendant de leur capitale Nîmes ; ce que semble confirmer l’inscription d’ANDUSIA en tête de onze d’entre elles sur la fameuse stèle déterrée à Nîmes en 1749 et dont les historiens n’ont pas fini de disserter sur les énigmes épigraphiques qu’elle porte.
Les Volques, menacés eux-mêmes par d’autres Celtes descendant de la montagne, éprouvèrent le besoin d’aller se mettre à l’abri sur un promontoire et ils ont donc fortifié en oppidum le sommet de St-Julien. On y voit encore les restes de dizaines d’habitats enchâssés dans les strates du versant ensoleillé et le sol est jonché de débris de tuiles rustiques en terre cuite.
Tandis que du haut de sa falaise, imprenable rempart, l’oppidum St-Julien surveillait le Nord, on en devine un autre dans les taillis de la crête de Paulhan, face au château de Tornac, verrouillant au Sud la petite plaine d’Anduze d’où s’échappe le Gardon.

Nos Volques devenus ensuite Gallo-romains, sans problème dit-on, descendirent des oppida. Absorbés par la civilisation latine de la « Province de Narbonnaise », ils n’ont pas été enrôlés par Vercingétorix et Anduze n’assista que de loin à la «Guerre des Gaules».
Dès lors, et durant la longue « Pax Romana », de beaux domaines se sont créés, propriétés de notables Nîmois ou de colons romains vétérans de la guerre d’Egypte. Leurs villas autour desquelles vont se grouper les habitations des nombreux serviteurs et artisans, seront à l’origine des villages aux noms terminés en « argues ». Ils sont surtout dans la plaine, mais on a près d’Anduze Générargues, et puis Massillargues voisin d’Atuech, vers le Gardon, qui a probablement une origine bien plus antique et celtique.
Nous nous souvenons de la controverse sur les séjours du célèbre Sidoine Apollinaire dans les environs vers 460 ; dommage qu’il n’ait jamais cité ANDUSIA, mais l’oppidum abandonné depuis longtemps n’était plus que le refuge des perdreaux et des lapins. La place forte Anduze n’avait plus aucune justification pour les Romains qui n’y ont pas laissé le moindre vestige autre que peut-être des adductions d’eau des sources.

Entre-temps l’Empire se lézarde, laissant passer les Vandales qui n’ont peut-être pas eu le temps de porter leurs saccages jusqu’en Cévennes. Puis les Wisigoths lancés à leur poursuite par l’Empereur avant qu’il finisse par les installer en Aquitaine en 418.
C’est en 471 que les conquêtes de leur roi Euric ont mis Anduze sous l’autorité Wisigothique et pour deux siècles et demi... au moins.
Pendant une quarantaine d’années, la vie dut s’y poursuivre comme avant, avec peut-être quelques têtes nouvelles dans les grands domaines mais ce n’est même pas certain car dans ce très vaste royaume de la Loire à Gibraltar, c’est par l’Espagne qu’ils sont attirés.
Ils vont y être rudement poussés après la victoire des Francs en 507 à Vouillé. Mais alors, la Septimanie et le Rouergue ayant résisté à l’invasion, Anduze devint presque ville frontière, la « Vallée Française » n’est pas loin, et la région dut recevoir un afflux de guerriers Wisigoths. Son rôle de place forte va prendre encore plus d’importance à partir de 535 quand Théodebert, petit fils de Clovis, aura mis la main sur le Rouergue, Lodève, le pays du Vigan et puis le Gévaudan, le Velay et l’Uzège.
La place tiendra encore le coup, comme Nîmes, lors de l’expédition Franque de 585.

Et puis pendant toute la durée du royaume de Tolède, loin de la capitale, les gouverneurs ou comtes en Septimanie deviennent des seigneurs très indépendants, ce qui justifiera les interventions des rois Reccarède en 588 et Wamba en 673.
Lorsque les cavaliers Arabes et Maures vont déferler en 719, cet esprit d’indépendance et l’habitude de leur autonomie va leur permettre de s’adapter aux circonstances, de composer peut-être avec le nouvel occupant qui, on le sait, les a laissés en place... moyennant tribut bien sûr. En tous cas, ils vont subsister et la victoire de Charles Martel à Poitiers en 732 n’ayant pas résolu le problème en Septimanie, ils seront tous là pour rechasser les Sarrasins jusqu’à Narbonne, derrière l’un des leurs, élu pour chef, le Comte Wisigoth Ansemond. Ils seront d’accord aussi pour se mettre sous la bannière de Pépin-le-Bref afin de libérer le pays jusqu’aux Pyrénées. Et encore ici ils sauront négocier le respect par le roi Franc de leur statut et de leurs propres lois romano-wisigothiques pour toute la Septimanie qui perdureront longtemps, comme leurs coutumes.
Ces seigneurs, jusqu’alors anonymes pour l’Histoire vont recevoir des commandements dans l’armée royale et on va connaître leurs noms ; à commencer par le Comte Théodoric qui, marié avec Aude, soeur de Pépin, aura une nombreuse descendance alliée avec presque toutes les grandes familles méridionales, surtout à partir du règne de Charlemagne.

Pierre Gaussent - A suivre

9 septembre 2014

Notre patrimoine naturel, patrimoine culturel…

Photo Parc national des Cévennes ©
Une fois n'est pas coutume, le thème national des Journées du Patrimoine 2014 correspond parfaitement bien à notre actualité locale. En effet, le Conseil municipal du 21 janvier de cette année a approuvé à l'unanimité la délibération concernant l'adhésion de la ville d'Anduze à la charte du Parc national des Cévennes. L'entrée de notre cité dans l'aire optimale de ce territoire classé nous impose un certain nombre d'engagements à travers un projet pour les quinze ans à venir, doté de quatre grandes ambitions :

D'abord une mobilisation pour l'excellence écologique avec entre autres les diversités géographiques, géologiques, topographiques, climatiques, ainsi que les activités humaines de ce territoire qui ont produit des écosystèmes riches et diversifiés qui en font un espace remarquable, concentrant sur un petit périmètre une faune et une flore exceptionnelles. Ensuite une culture vivante et partagée, source de cohésion sociale et territoriale qui permettra à tous ses habitants de s'approprier leur Parc national et de participer à son avenir. Un développement économique valorisant les patrimoines comme l'activité agro-pastorale ou la gestion durable des forêts; mais aussi le tourisme et là Anduze jouera naturellement son rôle séculaire, par sa position géographique stratégique et sa longue histoire intimement liée à celle des Cévennes, de porte ouverte sur la "destination Parc national". De ce fait incontournable notre cité ne pourra que tirer bénéfice d'un territoire protégé, véritable label valorisant son image. De plus, l'un des objectifs de l'établissement public est bien d'élargir l'offre touristique hors saison, au printemps et en automne, en développant des produits accessibles aux plus grands nombres : personnes à faibles revenus, personnes handicapées, personnes âgées, etc… De quoi encourager les acteurs touristiques et économiques anduziens à concevoir le même type de projets…
La quatrième ambition de la charte est sans doute la plus sensible car faisant appel à une vigilance particulière pour une intégration harmonieuse de la vie contemporaine dans les paysages. Car si la préservation de la présence humaine et son développement constitue l'une des principales orientations de la charte, il n'en demeure pas moins que dans le contexte d'un patrimoine naturel, culturel et paysager exceptionnel et fragile, les capacités d'accueil et les ressources, notamment l'eau, sont limitées.

Profitant donc de l'opportunité de ces Journées et pour une meilleure connaissance de nos Cévennes, la municipalité a invité Laurent Bélier, technicien d'accueil et de sensibilisation du massif des vallées cévenoles, a venir nous parler des grandes étapes de la création du Parc et des relations étroites entre patrimoine naturel et patrimoine culturel à travers des exemples concrets.

21 mai 2014

Sommières, actrice de notre histoire…

L'une des périodes les plus rayonnantes de notre histoire locale est sans aucun doute le Moyen-âge avec la fabuleuse saga des seigneurs d'Anduze qui réussirent au fil des années à s'imposer comme l'une des plus puissantes familles du Languedoc. Notamment avec de différentes et grandes alliances qu'elle développa pour agrandir ses terres et donc son influence dans toute la région. Parmi ses nombreuses possessions il y eut deux cités qui furent particulièrement et étroitement liées à son destin : Sauve et Sommières. Cette dernière a fait l'objet récemment d'un important et magnifique livre retraçant son histoire des origines à nos jours. Une iconographie abondante et de grande qualité vient illustrer les différents chapitres regroupés sur 280 pages grand format. 
Si Sommières suscite depuis longtemps l'intérêt de passionnés avec la publication de nombreux écrits sur le sujet, c'est aujourd'hui sans conteste le véritable premier ouvrage de référence sur cette ancienne place forte. Huit auteurs dont la compétence n'est plus à démontrer dans leurs spécialités sont venus assister l'archéologue Sophie Aspord-Mercier dans la concrétisation de ce projet éditorial important. De la Préhistoire aux guerres de religion en passant bien sûr par l'Antiquité et le Moyen-âge, toutes les époques qui forgèrent l'identité de cette petite ville pleine de charme sont abordées. Ceci sans oublier la description d'un vaste patrimoine architectural mais aussi d'un environnement largement tributaire de son fleuve le Vidourle qui, à l'instar de notre Gardon, se montre quelques fois envahissant et destructeur…
A Tornac et Anduze nous connaissons bien maintenant Sophie puisqu'elle est notre docteur en histoire de l'art et archéologie médiévale qui s'occupe actuellement des différents sondages archéologiques au château. Recherches méthodiques et sérieuses qui nous permettront certainement d'appréhender la destination culturelle du lieu de façon plus rationnelle grâce à une meilleure connaissance architecturale et historique du site. L'autre aspect positif de ces petits chantiers de fouilles est bien la prise de conscience de la Direction Régionale des Affaires Culturelles que les ruines du château de Tornac, Monument Historique Inscrit, n'ont peut-être pas encore livré tous leurs secrets et méritent donc une plus grande attention que naguère…

6 mai 2014

Quand Marie Charlotte chante du haut de sa tour…

Un billet un peu particulier aujourd'hui avec ces lignes qui furent écrites par mon père en 2003 pour l'ouvrage retraçant l'histoire de l'église Saint Etienne d'Anduze et édité par la paroisse catholique à cette date. Il s'agit ici de ses observations et réflexions personnelles concernant l'un des derniers vestiges architecturaux du Moyen-âge de notre cité qui, à l'instar de notre tour de l'Horloge, bénéficia d'un heureux concours de circonstances l'épargnant de la destruction :
" Dès le premier regard, le clocher intrigue par l’orientation de ses faces avec une différence de quelques degrés par rapport aux grands axes de l’église. Il apparaît vite bien plus ancien par la facture de son revêtement aux moellons bosselés très soignés de la partie inférieure. En revanche, le sommet, largement ajouré sur les quatre côtés sous le dôme, où se trouve la cloche unique, pourrait avoir été construit avec l’église en 1686 et remplacé une simple structure en ferronnerie supportant la cloche. Selon la coutume, cette cloche porte l’inscription gravée des circonstances de son baptême :
 
AU FRAIS DES CATHOLIQUES D'ANDUZE SIT NOMEN DOMINI BENEDICTUM DE ME NOMME MARIE CHARLOTTE • LE M•TE CHARLES DE NARBONNE LARA MR COSTE CURE LE PARAIN M•R• FAIT PAR CARLE JACOB • ROUSSALIER • LA MARRAINE M•ME LA BARONNE MARIE FELICITE DE MERLET •• MDCCCXXXXVII
 
" Ce clocher fut donc épargné lors de la démolition du temple à la Révocation de l’Edit de Nantes et bien qu’il ait pu lui servir ainsi durant 85 ans. Mais il n’avait pas été construit avec le temple en 1600, l’Eglise Réformée de l’époque ne prévoyait en général qu’un modeste portique au-dessus du fronton. Il faut alors en déduire que notre clocher avait été déjà épargné, par les protestants cette fois, lors de la démolition du prieuré et de l’église Saint-Etienne en 1567, et l’on peut donner deux raisons à cela :
D’abord, on l’a vu, la ville avait un droit d’usage des cloches et par ailleurs en ce temps de guerre, il n’eut pas été raisonnable d’éliminer une tour aussi solide pendant qu’on fortifiait Anduze de tous côtés, une tour qui n’avait en fait aucun caractère religieux. Ensuite elle avait été véritablement conçue pour un rôle défensif. De l’extérieur, on y accède aujourd’hui par une porte ouvrant sur une passerelle de plain-pied avec le Plan de Costes (Place René Cassin) et ce niveau est de l’autre côté à 6m au-dessus du sol de l’église actuelle. Ses murs ont de 1,30 à 1,40 m d’épaisseur portant un escalier intérieur aux hautes marches de pierre qui conduit à la plate-forme supérieure. Sur le trajet on découvre, dans la paroi face Est, deux magnifiques archères superposées et aménagées selon les règles les plus classiques de l’architecture militaire moyenâgeuse. Cette particularité est très peu connue car les orifices, occultés par le mur de l’église, sont aujourd’hui invisibles du dehors. On peut sans doute avancer qu’étant donnée sa position et son orientation, cette tour faisait partie de l’enceinte du château des seigneurs d’Anduze à la fin du XII ème et début du XIII ème siècle.
Un chemin montant d’accès au château contournait le pied même de la tour car l’on remarque à la base de l’arête N.O. les pierres d’angle joliment taillées d’origine en pan-coupé pour faciliter le passage des chariots.
Evidemment une nouvelle énigme s’impose : Pourquoi cette tour a-t-elle échappé en 1256 à la destruction du château imposé à Pierre Bermond VII par le roi Louis IX (Saint-Louis)? On ne voit qu’une réponse acceptable : Elle était déjà considérée comme le clocher de l’église paroissiale Saint-Etienne…
Ce clocher, trois fois rescapé des injustices de l’Histoire, est bien une véritable relique du passé Anduzien ! "

11 mars 2014

Le rêve magnifique de Jules… 3

Les événements de 1848, avec le départ forcé du roi des Français Louis-Philippe, contribuèrent à reporter la décision de mise en route du projet, pourtant adopté, de Jules Teissier-Rolland : d'autres priorités politiques et économiques du moment escamotèrent son dossier…
Opiniâtre, notre passionné n'en poursuivit pas moins inlassablement ses études, rendant rapport sur rapport, d'année en année. Celui de 1852 est encore plein d'espérance car il a obtenu l'engagement de principe du Président de la République devenu, après son coup d'état de 1851, l'empereur Napoléon III. Alors Jules prépare le nouveau concours qui aura lieu en 1853. Il publie une nouvelle série de communications sur son projet qu'il affine mais livre aussi l'historique de ceux de ses concurrents. Certains sont étonnants comme celui de 1824 où un ingénieur avait imaginé un canal de navigation entre Alès et la mer (Aigues-Mortes), avec une dérivation pour alimenter Nîmes, l'eau nécessaire étant puisée dans les gardons d'Anduze et d'Alès (!). Ces communes " alarmées d'une dérivation de ces deux branches de la rivière pour alimenter le canal projeté, s'opposèrent à cette dérivation et adressèrent des réclamations au Conseil général et au gouvernement." Ce projet fut logiquement abandonné… Jules était évidemment opposé à de telles propositions, connaissant particulièrement bien son environnement et ses nombreuses contraintes.
Pendant une douzaine d'années d'études acharnées, il n'avait jamais eu qu'une seule véritable ambition, celle de concrétiser une superbe idée : rendre au vieil aqueduc romain sa destination première et le sauver de la ruine par la même occasion. Durant tout ce temps il aura rempli environ quatre mille cinq cents pages d'explications dans les moindres détails, ne laissant rien au hasard, sans compter les dizaines de plans et croquis. Il termine son dernier rapport du concours de 1853 de la façon suivante :
" J'ai tout dit maintenant, et je serai compris, je l'espère, bien que la fin de mon travail soit incomplète, que le malheur me force à le tronquer. Je n'ai plus qu'à me dévouer au silence, désormais, en brisant la plume qui hier encore traçait sous mes doigts, avec ardeur, l'ouvrage auquel j'ai consacré les années viriles de mon existence, ces publications qui m'ont coûté tant de sacrifices et de labeurs, et pendant la durée desquelles le sort m'a cruellement ravi mon père, ma mère, ma fille unique et bien aimée !… Aujourd'hui, triste, découragé, isolé dans ce monde dominé par des devoirs nouveaux, je finis, en exprimant toutefois ce vœu de mon cœur et de ma raison : que Nîmes accomplisse enfin une entreprise digne de lui !… Digne du Prince qui le secourt et le protège ! Anduze, le 1er juin 1853."
Nous savons aujourd'hui que ce vœu, ce rêve magnifique, ne fut jamais exaucé.
Cet homme exceptionnel décéda le 27 avril 1862 à l'âge de 64 ans…

26 février 2014

Le rêve magnifique de Jules… 2

Si dans les décennies et siècles à venir le problème de l'eau potable sera à n'en pas douter l'une des préoccupations majeures de l'humanité, cela fait bien longtemps qu'il suscite l'intérêt des grands centres urbains confrontés de façon récurrente à des difficultés d'approvisionnement de cet élément fondamental à toute société organisée.
A Nîmes la question s'était déjà posée sérieusement il y a deux mille ans pour être résolue grâce à un aqueduc de cinquante kilomètres allant capter l'eau claire des sources d'Eure, situées à proximité d'Uzès. Sa construction, essentiellement souterraine, trouva son apogée avec l'architecture aérienne du Pont du Gard, ouvrage extraordinaire témoin du génie des Romains. L'utilisation du long et sinueux canal fut abandonné au VI ème siècle, victime de détériorations dues aux différentes invasions de l'époque.
Même s'il y a eu certainement au cours du millénaire qui suivit des désirs de remettre en état de tout ou partie de l'aqueduc, c'est à partir du XVI ème siècle que nous en retrouvons la première trace écrite. Le XVIII ème et le début du XIX ème seront aussi propices à différents projets un peu plus sérieux mais toujours sans suites, leurs initiateurs étant finalement effrayés par deux considérations jugées prioritaires : le coût exorbitant de l'opération et l'opposition inévitable de la ville d'Uzès. Ce fut à partir de 1842 que Jules Teissier-Rolland décida d'étudier toutes ces recherches pour pouvoir lui-même concevoir un nouveau projet viable de remise en fonction d'un ouvrage antique abandonné depuis environ mille quatre cents ans ! Son plaisir devait être double : non seulement ce passionné d'histoire et de patrimoine sauverait par sa restauration une magnifique réalisation vouée à la ruine, mais de plus il faisait œuvre d'utilité publique en apportant à la ville de Nîmes l'eau nécessaire à son développement.
Sans entrer dans les nombreux détails environnementaux, techniques, hydrauliques, financiers et administratifs de son étude, il est intéressant de noter que son premier travail fut bien, au contraire des choix précédents de ses collègues, d'établir les mesures et le tracé précis du vieux canal sur toute sa longueur ; ce travail long et fastidieux étant rendu nécessaire pour déterminer au plus juste le budget des réparations envisagées, secteur le plus sensible du projet. 
En 1846, participant à un concours organisé sur le sujet et le remportant, son projet fut adopté par le Conseil municipal de Nîmes. La gloire et la postérité de Jules semblaient acquises, mais c'était sans compter sur des événements nationaux qui vinrent tout remettre en question : la révolution de 1848…

A suivre

12 février 2014

Le rêve magnifique de Jules… 1

Manifestement le dix neuvième siècle aura été pour notre cité une période particulièrement riche en personnalités exceptionnelles dont les renommées ont marqué de leurs différentes empreintes notre histoire locale et quelques fois même nationale. Si certaines ont bien traversé le temps à travers plaques commémoratives et nombreux témoignages divers, d'autres, pourtant non moins méritantes, ont vu leurs souvenirs s'estomper progressivement pour disparaître de la mémoire collective. C'est donc avec plaisir que je vais évoquer un Anduzien injustement oublié aujourd'hui mais qui fut pourtant, grâce à son intelligence, sa puissance de travail et ses capacités hors normes, l'une des grandes figures à la fois politique et scientifique de son époque dans le Gard.
Mais commençons par le commencement…
Jules Teissier-Rolland, issu d'une famille de notables, vit le jour à Anduze le 15 janvier 1798. Dès son plus jeune âge il montra des dispositions intellectuelles qui lui permirent de franchir facilement toutes les étapes de l'éducation scolaire. Ces brillantes années, à Anduze et Uzès puis Nîmes, le menèrent finalement jusqu'à Montpellier où il poursuivit des études de médecine. En 1822 il acquiert son diplôme de docteur mais plutôt que d'embrasser une carrière toute tracée le jeune homme profita d'une situation familiale confortable pour développer d'autres aptitudes beaucoup plus passionnantes à ses yeux. Avec un intérêt égal pour chacun d'entre eux, notre surdoué aborda des domaines aussi différents que l'agriculture, l'économie politique, l'archéologie, la paléontologie, les sciences naturelles, la physique et la chimie, démontrant ainsi un esprit aussi curieux qu'il pouvait être remarquable. D'ailleurs différentes publications viendront attester la valeur de ses travaux et la reconnaissance de ses pairs, notamment celle de ce que l'on appelait alors des "Sociétés savantes" comme l'Académie du Gard dont il était devenu membre.
Ce travailleur acharné, indépendant mais ouvert aux autres, trouva aussi dans l'investissement politique la possibilité d'apporter ses nombreuses compétences pour l'intérêt commun. Ce fut dans sa ville natale et à l'âge de trente ans qu'il obtint son premier mandat de conseiller municipal pour devenir deux ans plus tard adjoint. S'il refusa à plusieurs reprises au cours de sa carrière le poste de premier magistrat de sa commune, à laquelle il resta jusqu'au bout très attaché, l'une des raisons en était certainement sa fonction de vice-président du Conseil Général du Gard avec de gros dossiers a traiter. Parmi ceux-ci il y en avait un qui lui tenait vraiment à cœur car l'œuvre majeure de toute une vie, son extraordinaire projet concernant " la question des eaux de la ville de Nîmes "…

A suivre

18 janvier 2014

Anduze et tourisme en 1902 : aïe, aïe, aïe !…

Quand on dresse l'historique du tourisme en France, il apparaît que la célèbre association du Touring Club de France, créée en 1890, joua un rôle prépondérant à son développement avec un certain nombre d'initiatives, ceci jusqu'à la cessation de son activité en 1983. Reconnue d'utilité publique en 1907, l'association avait pour ambition " le développement du tourisme sous toutes ses formes, à la fois par les facilités qu'elle donne à ses adhérents et par la conservation de tout ce qui constitue l'intérêt pittoresque ou artistique des voyages ".
Parmi ses actions il y eut entre autres la création en 1899 d'une bibliothèque regroupant cartes, revues et guides touristiques édités par elle-même. C'est en lisant l'un d'eux, consacré aux Cévennes, que je me suis rendu compte de tout le chemin parcouru en un peu plus d'un siècle en matières de communication et de promotion mais aussi " de tout ce qui constitue l'intérêt pittoresque ou artistique des voyages " ! Il s'agit ici de la brochure "Sites et Monuments", datée de 1902 : voici comment était présentée notre cité…
" Anduze, petite ville assez animée, de 4000 âmes, est à 14 kilomètres d'Alais par la route, et à 23 kilomètres par le chemin de fer, obligé à un long détour pour desservir Lézan. Anduze est bâtie en amphithéâtre au bord du Gardon, que franchit un beau pont. Sur la rive gauche est un faubourg industriel, d'où part la route d'Alais. La ville, aux rues tortueuses, étroites, s'étend le long de la rivière, que borde une terrasse plantée d'arbres. Cette terrasse garantit la ville contre les crues subites et dangereuses du Gardon, dont elle a eu plus d'une fois à souffrir. Anduze est dominé par le mont Saint-Julien, qui porte encore quelques ruines d'une ancienne forteresse. On ne peut signaler à Anduze que deux monuments, et encore sont-ils d'un intérêt médiocre : le château, construit par Vauban, mais qui est bien défiguré, et la tour de l'Horloge, mieux conservée. On peut encore citer une porte moderne d'un bon style et quelques vieilles maisons. Le site, à Anduze, vaut beaucoup mieux que les monuments, qui ne présentent aucun intérêt."
Si, en dehors de cette extraordinaire " porte moderne d'un bon style ", nous apprenons avec fierté par cet article tout l'intérêt que porta Vauban à notre ville, c'est qu'il y a fort à parier que l'auteur de ces lignes situait la fontaine Pagode sur la place du marché d'Alais ! Bien sûr, avec le recul du temps, nous ne pouvons que sourire de cette incompétence frisant la caricature humoristique, heureusement exercée à une époque où les enjeux touristiques n'étaient pas tout à fait les mêmes que ceux d'aujourd'hui !…

6 janvier 2014

Monuments Historiques : une affaire non classée !…

Carte postale datée de 1912
A l'échelon national, la prise de conscience d'une nécessaire protection sérieuse et efficace du patrimoine vit le jour au début du dix neuvième siècle pour ne cesser d'évoluer depuis lors, les gouvernements successifs élargissant leurs champs d'actions plus particulièrement entre les années 1880 et 1930. Deux types d'inventaire principaux régissent actuellement les " Monuments Historiques ".
D'abord celui issu de la loi très importante du 31 décembre 1913 qui prend en compte entre autres le petit patrimoine local, répondant ainsi non seulement à la notion d' " intérêt national " mais aussi à celle d' " intérêt public ". Cela va faire bientôt un siècle que notre fontaine Pagode bénéficie de cette législation par son " classement " du 21 février 1914. Le temple de l'Eglise Réformée le sera beaucoup plus tard, le 18 juin 1979.
Le deuxième type d'inventaire est instauré par une autre loi qui vient compléter celle de 1913 le 26 juillet 1927 avec l' " Inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques " – intitulé qui fut modifié à partir de 2005 pour devenir " Inscription au titre des monuments historiques " – pour des monuments remarquables mais ne présentant qu'un intérêt régional. C'est le cas pour notre tour de l'Horloge qui fut " inscrite " le 30 mars 1978, ainsi que l'ensemble du château de Tornac le 5 décembre 1984.
Le premier avantage pour une municipalité d'avoir ses principaux monuments protégés est bien financier. Cela permet à ceux-ci d'être sous une surveillance éclairée de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (la DRAC), elle-même sous l'autorité du ministère de la Culture, capable d'accorder des aides substantielles à la réalisation de travaux d'entretien et de rénovations ponctuels, indispensables et coûteux. C'est d'ailleurs cette première subvention accordée par la DRAC qui est susceptible d'en enclencher d'autres comme celles de la Région et du Département, quasiment impossible à obtenir sans cela.
Ensuite, en terme d'image et plus spécialement pour les communes touristiques comme Anduze, c'est sans conteste un atout supplémentaire non négligeable qui contribue non seulement à valoriser leur identité culturelle à travers un patrimoine local reconnu jusqu'au niveau de l'Etat mais aussi plus largement à attirer un public spécifique friand de la grande ou petite histoire d'un territoire atypique…