C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

5 décembre 2011

Château de Tornac : une actualité passionnante !








C'est devant un public venu nombreux, que ce soit au château ou à la salle Ugolin des Casernes d'Anduze, qu'a eu lieu en ce samedi 3 décembre la présentation sérieuse mais conviviale des travaux de mise en sécurité du monument. Si cette première tranche s'avéra concluante dans sa belle réalisation, elle nous réserva aussi quelques bonnes surprises. Voici donc, en résumé, le déroulé des actions menées sur ce site depuis quelques mois, celles-ci accompagnées par des découvertes inattendues susceptibles de faire évoluer le contenu de nos projets futurs…

Démarrés de façon effective début mai 2011, les travaux de mise en sécurité du château de Tornac se sont achevés officiellement le 18 octobre dernier avec leur réception. Cette première tranche a donc consisté, par différentes interventions, à restaurer, conserver et stabiliser les corps principaux du château, apportant ainsi par la même occasion une sécurisation optimale des lieux.
Dans un premier temps il a fallu supprimer la nombreuse végétation parasitaire qui, par endroit, avait déstructuré les murs. Ceux-ci et les façades des bâtiments, tours Lacan et Sandeyran comprises, ont subi plusieurs opérations liées à la maçonnerie : nettoyage, réparations, dégarnissage des joints, rejointement des parements, stabilisation des arases pour éviter les chutes de pierres mais aussi les infiltrations d'eau, principales causes de leur détérioration. La couverture de la tour Lacan ayant disparu depuis longtemps, il était vraiment nécessaire de procéder à l'étanchéité du plancher de son deuxième étage, à l'air libre, mais aussi d'en profiter pour rejointer ses voûtes.
Une attention particulière a été donnée à la partie la plus ancienne connue du site, la tour Sandeyran, du fait de la présence de fentes inquiétantes visibles à l'intérieur de l'édifice. Elles sont dues aux infiltrations d'eau mais aussi au remaniement ancien des étages avec la construction de voûtes maçonnées. Celles-ci, exerçant une poussée non prévue lors de la construction d'origine de la tour, ont fini par occasionner des fissures mettant en danger son intégrité structurelle. Des travaux de consolidations internes ont donc été effectués pour éviter tout écartement des parois, venant s'ajouter à l'étanchéité retrouvée de toute la toiture terrasse de l'édifice, dont la trappe d'accès a été aussi refaite.
Bien sûr, l'ensemble de ce travail a été planifié et effectué sous la responsabilité de notre maître d'œuvre l'architecte Corrado Guili Morghen, lui-même sous l'autorité du service des Monuments Historiques représenté par Christian Saorine, le château étant inscrit à l'inventaire supplémentaire.

Un projet archéologique passionnant…

En dehors de la satisfaction de voir progressivement notre monument changer d'aspect tout en conservant le charme et le caractère de ses vieux murs, une découverte, pleine de promesses, est venue apporter un éclairage nouveau sur l'histoire de ce site chargée de zones d'ombre. En effet, grâce à l'œil exercé de notre architecte et par la suite à l'esprit curieux et entreprenant de certains ouvriers travaillant sur le chantier, des éléments architecturaux intéressants ont été mis au jour. Il s'agit d'un départ d'escalier en colimaçon, un dallage régulier de pavés et un seuil de porte ; le tout semblant s'être articulé à l'origine dans une construction de type tourelle d'accès extérieur aux étages des bâtiments Renaissance.
Un relevé topographique de ce secteur fut effectué par une jeune collaboratrice de Corrado fin mai. La DRAC, informée par le SIVU, est venue constater cette découverte début août par les visites de Christian Saorine et de Martine Schwaller, du service régional de l'archéologie. Trouvant les premiers éléments de cette trouvaille d'un intérêt certain, celle-ci est revenue au château le 23 septembre dernier accompagnée d'une archéologue indépendante reconnue, pour avoir son avis, mais aussi susceptible de prendre en charge un chantier archéologique avec une équipe. Quelques temps plus tard, le 9 octobre, c'est le chef du service territorial de l'architecture et du patrimoine du Gard, Jacques Dreyfus, qui s'est déplacé jusqu'au château pour non seulement venir constater le résultat très satisfaisant des travaux de mise en sécurité effectués, mais aussi pour se rendre compte de l'importance d'un éventuel chantier archéologique sur ce site. Il y est favorable, en proposant même de profiter de ces fouilles pour élargir le champs de recherche en pratiquant quelques sondages à différents endroits du château qui sont encore à déterminer. 

Le SIVU est favorable à un tel projet pour plusieurs raisons :

D'abord pour une meilleure compréhension des articulations architecturales de toutes les différentes époques qui ont façonné le château tel qu'on le voit aujourd'hui. En second lieu nous ne pouvons pas laisser passer une telle opportunité de découvrir de nouvelles données concrètes et inédites, susceptibles d'enrichir l'étude des projets à venir pour ce site, notamment dans la perspective souhaitée d'une destination culturelle et touristique optimisée de ce lieu patrimonial majeur. A cet effet, une commission ouverte sera créée par le SIVU, après connaissance du résultat de ces fouilles et des implications qu'elles pourraient éventuellement induire sur la suite à donner ou non à certains projets futurs. Des choix, liés obligatoirement à notre budget limité, devront être faits en fonction des différentes orientations culturelles que cette commission devra concevoir et soumettre.
Quand on voit, avec plaisir, l'affluence que génère l'organisation de manifestations patrimoniales, nul doute que nos concitoyens Tornagais, Anduziens et autres suivront avec intérêt ces nouvelles pages d'histoire à venir du château de Tornac.

23 novembre 2011

Anduze et Florac : des liens historiques exceptionnels !



Le château de Florac, reconstruit au XVII ème siècle.
Parmi les différents enjeux territoriaux et administratifs qui occupent une large place dans notre actualité locale, il en est un, non sans importance, qui devrait bientôt venir se superposer aux autres : le projet de territoire du Parc national des Cévennes. L'épine dorsale de ce projet sera constituée par une charte élaborée par tous les acteurs concernés du nouveau périmètre envisagé, comprenant l'existant et sa nouvelle "aire optimale d'adhésion". Anduze fait partie des communes sollicitées et, comme les autres, sera amenée en 2013 à choisir librement d'adhérer ou non à cette charte, déterminant ainsi les limites définitives du Parc national.
Nous aurons l'occasion de reparler dans les mois à venir de cet important et passionnant projet qui, si il apporte des atouts supplémentaires indéniables en termes d'image et de moyens à notre cité touristique, nous induira aussi de façon certaine d'incontournables obligations…
Je ne pouvais parler du passé de la ville de Florac sans évoquer cette facette de son présent qui nous concerne avec le Parc national des Cévennes dont elle est la capitale. Elle abrite d'ailleurs au sein du château le siège social de cet établissement public.
Mais plongeons-nous dans le Moyen-âge. En 1215, à la mort de Pierre-Bermond VI, puissant seigneur d'Anduze et Sauve qui exerçait son autorité sur un immense domaine, c'est l'un de ses six enfants, Raimond, qui va récupérer le territoire de Florac, l'une des huit baronnies composant le comté du Gévaudan. Devenu Raimond d'Anduze, baron de Florac, celui-ci rendra hommage en 1219 à l'évêque de Mende, son suzerain, en lui prêtant serment. Les seigneurs de Florac conservèrent le nom d'Anduze jusqu'à Guillaume, qui meurt vers 1378. Son épouse, avec qui il n'aura qu'une fille, se remariera avec le seigneur de Ventadour, importante Maison du Limousin : à partir de cette époque la baronnie changera plusieurs fois de familles seigneuriales…
Raimond, en apportant à la baronnie de Florac le nom d'Anduze, avait sans aucun doute le blason de sa famille peint sur son écu : "De gueules à trois étoiles d'or". Le 25 décembre 1859, par délibération du Conseil Municipal de Florac, ces armoiries anduziennes du Moyen-âge sont devenues officiellement celles de la petite sous-préfecture lozérienne.
Ces liens historiques et culturels tissés entre Florac et Anduze au cours des siècles sont exceptionnels, mais surtout rendent un bel hommage, à travers le temps et l'histoire, à notre "authentique" Porte des Cévennes…

12 novembre 2011

Anduze-Stade : demandez le programme !

Eh quel programme ! En ce joli dimanche 29 juin 1913, la toute jeune "société" Anduze-Stade, premier club de football anduzien créé en 1910, avait concocté une superbe manifestation populaire dont le programme diversifié annonçait une journée particulièrement chargée…
Dès sept heures du matin les anduziens eurent droit à plusieurs "salves d'artillerie", histoire de finir de les réveiller (!) mais surtout pour les avertir de l'arrivée de "la Lyre Tavernoise" accompagnée par les Trompettes Nîmois. A onze heures, nouvelles salves d'artillerie, mais cette fois tirées sur la terrasse des Cordeliers ! Elles précédèrent la venue des Farandoleurs. Onze heures trente marquait, devant l'Hôtel de Ville et en présence du maire Jean Gaussorgues, la réception officielle.
A quinze heures, un défilé de tous les intervenants, dont la musique des "Joyeux Mineurs" de la Grand'Combe, traversa Anduze et se rendit au parc des Cordeliers pour un programme de farandoles, musiques et concert. Pour les amateurs de danses, voici quelques titres qui furent interprétés ce jour-là : la Matelotte, Viens Poupoule, Ninette, La Fricassée… Si à vingt heures trente un "embrasement général du Plan de Brie" accompagna une fête vénitienne et son bal "composé des meilleurs musiciens", le clou de la soirée fut sans aucun doute le départ d'une montgolfière "de dix mètres de hauteur" vers vingt trois heures…
Cette journée mémorable a certainement alimenté les colonnes du journal et partenaire de cette fête : "Le Languedoc", hebdomadaire vendu dix centimes et dirigé par Hercule Puech à Alais (le premier Midi Libre n'est paru qu'en 1944). Il cumulait les fonctions de "Directeur-Propriétaire et Rédacteur en chef" : toute une époque !…
Le club Anduze-Stade, au fil des années, fut rebaptisé, débaptisé et rebaptisé plusieurs fois. L'année dernière, c'est sous son nom actuel depuis 1963 qu'il fêta son siècle d'existence avec notamment la présentation d'une belle exposition de photographies. Alors vive le Sporting Club Anduzien !

30 octobre 2011

1852, l'épilogue…

Quatrième et dernier extrait du récit de l'anduzien Ernest Massot.
 
Napoléon III, Empereur des Français
Bien entendu l'auteur de ce récit n'était pas un écrivain et il faut découvrir ce texte pour ce qu'il est avant tout : le témoignage partisan et subjectif d'un homme qui prit une part active avec sa famille et ses amis politiques dans le déroulement des faits cités, de 1848 à 1852. Il n'en demeure pas moins que ce document traduit bien à l'échelon local l'atmosphère particulière de ce milieu du XIX ème siècle avec ses luttes de pouvoir entre différents régimes. On ne peut que regretter de ne pas avoir la version des autres protagonistes locaux (royalistes, bonapartistes et autres) pour un tableau plus complet de ces quatre années mouvementées…

Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.


" A huit heures du matin, nous étions au plan de la Fougasse. Des citoyens en grand nombre formaient le cercle. Encontre, de Nîmes, faisait des observations aux chefs du parti républicain qui l'entouraient. Ce Nîmois avait traversé les sentiers les plus étroits et les plus pénibles pour faire éviter des effusions de sang. Il fit observer que Rostolan, général en chef à Montpellier, s'était rendu à Nîmes avec 2000 hommes et avait fait afficher sur les murs que tout insurgé qui serait pris les armes à la main serait fusillé.
Ces mots ne furent pas achevés que sur le flanc gauche arriva une fusillade ; nous ripostâmes par une fusillade bien nourrie, et l'avant-garde battit en retraite. Encontre fit remarquer que cette retraite avait pour but de nous attirer dans un traquenard. La plupart des chefs furent de l'avis d'Encontre ; quelques-uns cependant voulaient résister, faisant observer que Baudin(1) venait d'être tué sur les barricades de Paris et que nous devions suivre son exemple. Nous fîmes un kilomètre en avant et à l'embranchement de la route d'Alais et d'Anduze, nous fûmes plus nombreux. Des canons qu'on avait mis en batterie derrière des fagots de bois lancèrent sur nous leurs projectiles qui nous firent trois blessés. Nous ripostâmes en déchargeant nos fusils sur l'ennemi. Il fut décidé de soutenir la lutte jusqu'à de nouveaux ordres. Mais ces ordres furent attendus en vain.
Forcés de céder, chacun prit sa direction. Je marchais en compagnie de Crès, de Barafort, de Vigne d'Alais et de Valla de Vézénobres. Ce dernier nous conseilla de quitter la route et de marcher sur la droite, dans les champs, pour atteindre la rive du Gardon. Avant d'arriver à Cassagnole, nous aperçûmes des soldats qui se dirigeaient vers ce village. Entendant des mères de famille affolées, se plaignant de ce qu'on leur enlevait leurs maris, nous décidâmes de nous arrêter et de nous blottir dans un ravin. Nous ne reprîmes notre route qu'à la nuit. Arrivés au confluent des Gardons d'Alais et d'Anduze, nous traversâmes cette rivière à un gué que nous connaissions. Des pas lourds que nous entendîmes derrière nous poussèrent à avancer plus vite.
En ce moment, des soldats descendaient de la montagne ; ils prirent le chemin de la prairie et nous nous trouvâmes pris entre deux pelotons de soldats. Inutile de décrire les souffrances que nous firent subir ces farouches soldats, commandés par un capitaine. On nous attacha, les bras derrière le dos, à des peupliers ; on nous fouilla, et avec la poudre que nous avions sur nous on nous barbouilla la figure. Le capitaine se contenta de nous dire : Demain, Rostolan vous lavera la figure avec du plomb, et ce soir vous irez coucher à la prison de Lédignan, où, pendant la nuit dernière, vous avez désarmé les gendarmes.
Le lecteur peut juger si nous la passâmes bonne ou mauvaise. Les soldats qui nous conduisaient à Lédignan s'emparèrent d'autres insurgés sur la route ; voici les noms des principaux : Barbusse de Cardet, Gérome et Bonnet de Cassagnole, Simon et Thérond d'Alais, etc.
Nous voilà à la prison de Lédignan. C'était le 6, un samedi, et nous passâmes tout le dimanche dans cette sale prison. A dix heures du soir, le capitaine vint nous dire : J'avais l'ordre de vous faire fusiller, mais si vous me promettez d'être tranquilles, nous allons vous conduire au fort d'Alais. Les gendarmes, plus inquiets que le capitaine, nous serrèrent les menottes jusqu'à nous faire enfler les poignets. Nous nous mîmes en marche entourés d'une colonne de soldats.
(…) Le 9, à deux heures de l'après-midi, des gardiens subalternes vinrent ouvrir les portes des cellules et nous dirent : Descendez dans la cour. En arrivant dans la cour, nous fûmes enchaînés deux à deux par des gendarmes. Mazade d'Anduze et Crès furent les premiers attachés. Lozes d'Anduze fut attaché avec Massot, mon frère ; Travier dit le Blondin, de Bagard, fut attaché avec Berthrand. Dépourvus de chaînes, on se servit de cordes. Nous étions en tout soixante-six, et nous nous disions entre nous : Où allons-nous ? Nous n'en savions rien.
(…) On nous conduisit à la gare où un convoi spécial nous attendait. Dans les premières voitures, le sous-préfet, le juge d'instruction, ainsi que des officiers de tout grade avaient pris place. Ensuite les prisonniers, avec toujours les soldats à leurs côtés et les gendarmes s'installèrent sur des wagons découverts. Le train se mit en marche et fit le trajet d'Alais à Nîmes en cinquante minutes.
(…Maison d'arrêt de Nîmes…) Les portes de la prison s'ouvrent et les gardiens nous donnent l'ordre de nous habiller à l'instant. Dans la cour, où un bec de gaz donnant sa plus belle lueur, nous fûment de nouveau attachés deux à deux, et en ce moment un aimable gendarme me souffla ces quelques mots dans l'oreille : Ne vous effrayez pas, l'on vous retourne à Alais.
(…Fort d'Alais…) Du 10 décembre au 31 de ce mois, il arriva constamment des prisonniers, nous nous vîmes jusqu'au nombre de 10 ou 12 dans chaque cellule. Les interrogatoires commencèrent le 10 janvier 1852. Tous les jours nous allions chez le juge d'instruction, la chaîne au cou et accompagnés de gendarmes.
La commission mixte commença d'opérer les jugements le 4 mars. Ceux qui furent condamnés sous la surveillance de la police furent mis en liberté le 25 avril. Une deuxième partie, condamnée à être internée dans telle ou telle ville, quitta le fort d'Alais le 10 mai. Les condamnés à la déportation furent embarqués à Cette (Sète) le 28 mai 1852. "

Pendant ce temps là Louis-Napoléon Bonaparte se préparait à devenir "Napoléon III, Empereur des Français". Cela se fit le 2 décembre 1852, date symbolique et anniversaire de son coup d'état de 1851, mais aussi du sacre de son oncle Napoléon 1er en 1804…
Comme pour "Louis-Philippe, Roi des Français", son règne dura 18 ans. Il se termina à l'issue de la fameuse bataille de Sedan le 2 septembre 1870. Et comme Louis-Philippe, Louis-Napoléon termina sa vie en exil, en Angleterre…

(1) Célèbre député républicain mort sur les barricades à Paris lors du mouvement insurrectionnel provoqué par le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851.

25 octobre 2011

1851, Anduze, Bagard, Tornac, Lézan… et les autres !

Bien sûr, il s'agit bien de Lézan, autour de 1900, et non de Cardet comme indiqué.

 Troisième extrait et suite du récit de l'anduzien Ernest Massot. Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.

 " Le 5, l'insurrection éclata à Bagard. A cet effet, nous mettons sous les yeux du lecteur, le rapport de César Loriol, maire de cette commune :
" (…) Il y avait là devant la Mairie, une troupe nombreuse de gens armés, Ribot avait un sabre et un fusil. Mr le sous-préfet leur dit qu'ils ne savaient ce qu'ils faisaient, qu'ils allaient se mettre dans un mauvais cas, qu'on les trompait, que ceux qui les auraient mis dans la peine ne viendraient pas ensuite les en tirer, et qu'il les engageait, non seulement à ne pas prendre les armes de la Mairie, mais encore de restituer celles qu'ils avaient en mains. Peut-être les auraient-ils rendues, lorsque Alexandre Ribot se mit à dire : Apprêtez vos armes ! et lui-même prépara son fusil ainsi que cinq ou six autres ; ils se montrèrent disposés à faire usage de leurs armes qu'ils abattirent sur le bras gauche. Dans ce moment, Ducros, dit patriote, se mit à crier : Aux armes ! On pénétra dans la Mairie ; j'ignore qui a enfoncé la porte, mais j'ai vu Casimir Massot(1) à la fenêtre de l'appartement où étaient les armes. On prit seize fusils qui s'y trouvaient. Ducros, dit patriote, s'approcha du sous-préfet et lui dit :  On nous a traduit aux Assises pour rien, à nous maintenant . Dès que les armes furent pillées, tous partirent. J'ai remarqué parmi les plus exaltés Ribot, Ducros et Massot. "
Ces trois derniers prirent le commandement et les insurgés se dirigèrent vers Anduze. Au pont de Granaud, ils rencontrèrent les insurgés de Boisset-et-Gaujac, commandés par Gibert. Après avoir monté la côte de la Vincente, ils prirent à droite pour se rendre sur les rochers de Peyremale, dans le but de voir arriver les citoyens de Saint Jean du Gard, qui avaient promis de se rendre à Anduze, à 2 heures de l'après-midi. Ces derniers, commandés par Cavalier de Valestaillères, prirent la direction de Saint-Hippolyte. Ce malentendu nous causa quatre heures de retard.
Il fut alors décidé d'envoyer un délégué à Alais pour savoir si la colonne commandée par Delord s'était mise en marche. Gascuel prit le cheval noir de Michel et se rendit immédiatement à la Société des Montagnards à Alais. Aussé, de l'Hermitage, délégué par la Société dans le but de faire partir les retardataires, l'informa que la colonne alaisienne était partie. Gascuel tourna bride et avant de rentrer dans Anduze fut arrêté en face de l'octroi(2) du pont par Gibert, commissaire de police, escorté par un piquet d'infanterie.
Nous faisons observer aux lecteurs que les insurgés de Bagard et Boisset descendirent la montagne par la Régole et campèrent sur le chemin de Générargues.
Bez, Villaret, Malibran et moi attendions impatiemment Gascuel. Le commis de l'octroi, Arnaud, eut la complaisance de nous faire rentrer pour nous chauffer. Nous entendîmes alors la voix de Gascuel qui répliquait au fameux commissaire les mots suivants : Il n'y a plus de lois, plus d'autorité, le peuple rentre dans tous les exercices de ses droits ; lui seul est souverain. Le policier le cognait contre le mur et lui fermait la bouche. Armés de fusils de chasse, nous sortîmes et, impétueusement, nous saisîmes le commissaire et le caporal et nous délivrâmes Gascuel.
Un coup de sifflet fut donné et les insurgés campés sur la route se rendirent en toute hâte sur le pont. Malibran rentra dans la ville, fit le tour des cabarets pour organiser ses batteries qui devaient se rendre au moulin de la Figuière. Gascuel, ayant repris son sang-froid, se mit à la tête des insurgés et nous traversâmes le plan de Brie en chantant la Marseillaise. Pendant le temps que nous attendions Malibran, il nous arriva une provision d'armes et de munitions venant du plan des Molles. Tous réunis, nous nous mîmes en marche pour nous rendre au plan de la Fougasse.
A Tornac, nous apprîmes que les insurgés de cette commune, sous le commandement de Creissent, s'étaient dirigés du côté de Quissac.
Lorsque nous eûmes dépassé l'auberge de la Madeleine, nous entendîmes le trot de plusieurs chevaux. Des nuages dispersés au firmament rendaient la lueur de la lune intermittente et, ne pouvant reconnaître l'ami ou l'ennemi, nous criâmes : Halte-là ! Les chevaux s'avancèrent jusqu'à nous et nous reconnûmes alors que nous avions affaire à des gendarmes. Me trouvant au côté de Gascuel, je lui dit à voix basse : Saisissons les brides des chevaux et nous serons les maîtres. C'est ce que nous fîmes. Un des pandores(3) descendit de cheval et nous dit que son chef les envoyait à Anduze pour savoir ce qui s'y passait. Nous leur intimâmes l'ordre de nous suivre, ce qu'ils firent sans résistance. A Atuech, plusieurs citoyens armés rentrèrent dans nos rangs.
A Lézan, les gendarmes furent désarmés et enfermés dans l'auberge Chaptal et leurs chevaux dans l'écurie. Dans cette localité, les sieurs Claris(4) furent désarmés, ainsi que Privat et Falgon ; le juge de paix, lui aussi, fut sommé de céder ses armes et menacé de mort.
L'horloge sonnait minuit ; Malibran, avec une partie de la troupe, prit la route de Lédignan dans le but de désarmer totalement la gendarmerie de cette localité. L'autre partie de citoyens, commandé par Gascuel, prit la route de Cardet et, arrivée sur ce point, il fut décidé de nous débarrasser des deux pandores qui se faisaient prier pour marcher. Nous les laissâmes aller.
A la pointe du jour, nous arrivâmes à Boucoiran, dont la gendarmerie avait été désarmée par la colonne alaisienne. "
A suivre

(1) Frère ainé de l'auteur.
(2) Il est intéressant de noter l'existence encore à cette époque de cette taxe à l'entrée de la ville.
(3) Surnom populaire d'un gendarme.
(4) Très ancienne famille Lézanaise, propriétaire du château.

20 octobre 2011

Anduze, les suites de 1848…

La "place du Plan de Brie", autour de 1900, avec son animation au départ de la diligence

Deuxième extrait et suite du récit de l'anduzien Ernest Massot. Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.

" Le dernier dimanche d'automne de la même année, les trois sociétés en question se réunirent en groupe pour se rendre sur la montagne de Peyremale. Les citoyens marchaient deux à deux, et l'on remarquait en tête de la colonne Castanet, vêtu d'un costume de berger, portant du côté gauche une gourde contenant 3 litres de vin et tenant de sa main droite un bâton muni d'une courroie.(…)
Arrivée à Chantereine, la colonne prit la droite où se trouve le sentier (dit de la Rigole) qui conduit sur Peyremale. Parvenus au faîte de la montagne on fit un déjeuner frugal. Des chansons patriotiques furent chantées, des discours prononcés.
Quiminal joua du cor de chasse, et les citoyens formèrent le cercle. Les principaux républicains d'Anduze prirent la parole et formèrent le dessein de réunir les démagogues sous une seule bannière républicaine. A cet effet, des délégués furent nommés sur le champ. Voici les noms des citoyens qui firent partie du comité chargé d'examiner et même de formuler les statuts sur les règlements de la société des Montagnards, déjà fondée à Paris(1) : Lozes, menuisier ; Castanet, chapelier ; Chabran, boulanger ; Puech, chapelier ; Chaffiol, cafetier ; Léonore, menuisier ; Gascuel, instituteur ; Creissent, propriétaire à Tornac ; Pierredon, propriétaire à Tornac ; Gras, de Boisset-et-Gaujac ; Gibert, de Boisset-et-Gaujac ; Ribot, de Bagard ; Ducros, de Bagard.
Le congrès fut tenu chez Ribot, à Bagard. Il fut décidé que le camp républicain serait à Anduze, dans la rue du Luxembourg, à la maison Renard. Huit cent trente-trois sociétaires avaient donné leurs signatures, et tout sociétaire devait jouir de ses droits civils et cotiser deux francs par an pour couvrir les frais de logement ou autres frais imprévus.
La dite société eut pour président Arnassan, menuisier ; pour vice-président Loges, et pour secrétaire Gascuel, instituteur. L'établissement où était installé la société était géré par Chaffiol.

Passons maintenant aux années 1849 et 1850. Un grand banquet fut organisé sur la rive droite du Gardon, au plan des Molles. Deux milles personnes du Gard, faisant partie de l'élite des sociétés des Montagnards, se rendirent sur le lieu indiqué, portant des cocardes rouges sur leurs poitrines. Parmi les convives, on remarquait : Encontre, de Nîmes ; Mourgues, d'Alais, accompagné de Delord ; Edouard Serres, de Villérargues ; Mazel fils, de Boucoiran ; Henri Joubaud, de Saint-Ambroise ; Antoine Cavalier, de Valestaillères ; Victor Champetier, de Saint-Julien.
A la fin du repas, César Crés se leva et chanta le "Chant du Départ". Ensuite Jalabert, de Mialet, prit le drapeau et chanta "Toute l'europe est sous les armes, c'est le dernier râle des rois". Puis Gascuel prononça l'allocution d'usage, et donna la parole à Mazade. (…) Le jeune étudiant en droit, Cazot, prononça aussi un discourt émaillé d'anecdotes historiques concernant la vie des rois. Ensuite, il passa en revue le socialisme de Louis Blanc, et après avoir remercié les Anduziens de leur bon accueil, leva son verre en l'honneur des sociétaires du département.
Les journaux firent grand bruit de ce banquet.
D'autre part, la bourgeoisie Anduzienne, fière de ses écus, mit en permanence une liste de souscription, la dite liste produisit 15.000 francs. Rodier, de la Bruguière, donna sa signature pour 5.000 francs de plus, total 20.000 francs qui furent employés à construire la Rotonde.
Ce camp antirépublicain eut pour président Ariste Colomb, de la Blaquière. Celui-ci eut la manie d'attirer à la Rotonde les voyous de la localité et les mouchards rôdaient dans les rues, cherchant noise aux républicains. Parmi ces êtres se trouvaient : Mougnet, surnommé Cocu ; Raymond, Pagès, Bancillon, Brunel dit Madu ; Gâche surnommé Donde ; Laurent Laporte dit Paon ; Feuillade, etc… Toutes les fois qu'il y avait bal à la Rotonde, ces derniers avaient le plaisir de danser avec les dames de la fine fleur aristocratique anduzienne.
Le commissaire de police, le juge de paix, se montraient bienveillants à l'égard des Bonapartistes et maltraitaient les républicains qu'on avait surnommé les rouges. Les municipaux payaient largement les mouchards qu'on avait surnommé les bleus. Ces imposteurs, en chantant des chansons antirépublicaines, faisaient le tour de l'île en passant par la rue du Luxembourg et la traverse de Pélico. Une fois sur toutes, les perturbateurs jetèrent des pierres dans l'enceinte de la maison Renard où les républicains tenaient une conférence, Gascuel et Malibran furent atteints et allèrent porter plainte au commissaire de police. Celui-ci les fit enfermer, au moyen de faux témoignages, ils eurent pour leur peine 3 mois de prison. Ce qui prouve qu'à cette époque, nos administrateurs donnaient droit aux bleus et inculpaient les rouges.
L'injustice ne fit qu'indigner les républicains avancés, et vers la fin de 1850, la société des Montagnards s'allia avec les sociétés secrètes. Pour le suivre, Cazot demanda des citoyens volontaires, et ceux-ci allèrent dans toutes les villes du département faisant de la propagande.
Vers la fin de l'année 1851, les républicains eurent beaucoup d'obstacles à surmonter. Louis Bonaparte étouffa la République(2) et au lendemain du crime, le 3 décembre, les chefs de la Société secrète d'Anduze prirent l'initiative de nommer les chefs capables de diriger la colonne.
Le 4 était jour de foire à Anduze, les gens de la campagne s'étaient rendus en grand nombre dans cette ville, une émeute se produisit devant la Mairie. Mazade, conseiller municipal, rentra dans la Mairie et sollicita la permission de monter au balcon pour haranguer la foule. Au milieu du couloir, il rencontra le Juge de paix et Fesquet, adjoint. Ces derniers repoussèrent sa demande et ajoutèrent : Puisque nous avons Louis Bonaparte pour président, nous n'avons plus besoin de Ledru-Rollin. Après ce refus, Mazade revint dans la foule et dit d'une voix forte : Respectons la Justice quand même elle ne le mérite pas, à demain les affaires ! "
A suivre…

(1) A Paris, Ledru-Rollin avait formé un groupe appelé "la Montagne", d'où les surnoms des républicains d'extrême gauche : "montagnards", mais aussi "démocrates socialistes", ou bien "rouges".
(2) Coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte, qui arrivait à la fin de son mandat de Président de la Deuxième République, depuis février 1848, et non renouvelable…

15 octobre 2011

Anduze, février 1848…

La Porte des Cévennes, quand le pont du chemin de fer n'existait pas encore…

Voici donc un premier extrait du récit de l'anduzien Ernest Massot. Les renvois dans le texte ne sont pas d'origine : ils indiquent des précisions ou remarques personnelles que vous trouverez à la fin.

" Mon premier maître d'école se nommait Barafort. L'esprit de cet instituteur était nourri de patriotisme. Celui-ci me mit un jour sous les yeux une pièce démocratique que j'appris par cœur. Cet excellent homme m'apprenait aussi à joindre le geste à la parole, et si je débitais les vers sans faute, il me donnait des bons points.
Constamment, au foyer paternel, on causait politique. Mothier, qui habitait la rue Beauregard, se rendait tous les soirs à la maison de mon père (maison située à Anduze, en face de l'entrée principale de l'église de Saint-Etienne)(1). Mothier avait les cheveux blancs, le front ridé. L'octogénaire faisait la lecture du journal, qui avait pour titre : "La Réforme"(2). La feuille en question s'imprimait à Paris. A cette époque, la ligne du chemin de fer n'aboutissant pas directement à la capitale, les nouvelles nous arrivaient avec deux jours de retard. Le grand Musulh, comme rédacteur du journal, commençait à blâmer les royalistes, et encourageait la population parisienne à la révolte.
J'avais quinze ans lorsque un bruit infernal se fit entendre dans les rues de notre ville. Les artisans et les industriels, femmes et enfants, se rendirent à la place du Plan-de-Brie. Je me trouvais dans la foule ; Puech, chapelier âgé de vingt ans, juché sur les épaules du colosse Verdeille, maître maçon, lut à haute voix le télégramme que l'autorité locale venait de faire afficher sur les murs de la mairie.
Cette affiche contenait au plus dix lignes que voici :

Paris, le 24 février 1848.
Nous avons l'honneur d'informer le public que le roi est détrôné. Les insurgés ont fait brûler les voitures de Philippe. Les charpentiers et les forgerons ont élevé des barricades sur tous les points(3) de Paris. Les municipaux sont battus. Les conjurés ont installé Caussidière
(4) à la Préfecture de Police. Barbès et Ledru-Rollin ont pris l'initiative de former un gouvernement provisoire. Les Maires des provinces sont autorisés dans leurs localités de proclamer la République.

L'affiche fut à peine lue qu'un cri général de : "Vive la République" s'échappe de toutes les poitrines. Dix coups de canon sont tirés sur les quais de notre ville. Les timorés commentaient entre eux la politique des conspirateurs. Les républicains les plus exaltés supplièrent monsieur le Maire et une douzaine de conseillers municipaux qui se trouvaient présents de faire battre du tambour, sonner du clairon et proclamer la République.
Verdeille (dit le dragon), prit le drapeau et le cortège se dirigea vers la rue Basse. Arrivé au Portail du Pas, le cortège s'engagea dans la rue Haute et arriva un instant après sur la place Saint-Etienne. A ce moment les tambours battaient et les clairons sonnaient. Devant l'église deux voitures stationnaient, l'une appartenant à monsieur de Narbonne Lara de Labahou, l'autre à monsieur Gilly de la Madeleine. Dans ces mêmes instants un cri de "Vive Henri V"(5) fit retentir la voûte de la cathédrale. La foule se rapprocha et répliqua "Vive la République" et "A bas Henri V".
Tous ces cris aigus épouvantèrent les chevaux qui se cabrèrent comme des biches. Pour éviter un accident, des citoyens courageux saisirent les chevaux par la bride, ils les dételèrent et les voitures furent renversées. Quelques coups de poings furent échangés et les soldats qui se trouvaient en garnison à Anduze intervinrent et rétablirent l'ordre.
Le cortège reprit sa marche ; arrivé à la place Couverte la foule fut plus nombreuse. Des fenêtres, des fleurs furent lancées sur le peuple. Le jour était à son déclin, les cabarets furent éclairés, les citoyens y prirent place et levèrent leurs verres en l'honneur du drapeau de la République et des progrès sociaux.
Le 1er mai de la même année, un grand arbre de la liberté fut planté en face de la mairie. Les habitants des campagnes se rendirent à Anduze pour célébrer la fête commémorative et la "Carmagnole" fut chantée et dansée autour de l'arbre. Les chapeliers allèrent banqueter au "Chapeau-Rouge" (au bout du quai). Les menuisiers, les serruriers et les maçons se rendirent à "L'Orange" chez la mère des compagnons (au chemin neuf)(6). Le restant des citoyens se rendit à l'auberge Michel (dans la rue Cornue)(7).
A partir de ce jour, les trois cabarets que nous venons de citer furent des clubs républicains. Le club du Chapeau-Rouge eut pour président Castanet ; le club Michel eut pour président Gascuel, instituteur ; et celui de l'Orange eut Loges. "
A suivre…

(1) Cette maison a sans doute disparu a l'occasion de l'ouverture du boulevard Jean Jaurès.
(2) Journal fondé en 1843 par Ledru-Rollin et défendant les idées républicaines et sociales. 

(3) Certainement une faute de frappe : lire "les ponts".
(4) Nouveau préfet du peuple.
(5) C'était le comte de Chambord, depuis longtemps prétendant royaliste au trône de France sous ce nom.
(6) Notre avenue du pasteur Rollin.
(7) Inconnue aujourd'hui, sans doute une faute de frappe : l'actuelle rue Cornie.

9 octobre 2011

Anduze et la Révolution de 1848 : le témoignage…

Louis-Philippe, roi des Français
Jusqu'à présent, parmi l'ensemble des ouvrages consacré à toute ou partie de l'histoire d'Anduze, il n'y en a aucun, à ma connaissance, qui ait abordé une des périodes les plus agitées du XIX ème siècle : celle de la Révolution de 1848…
Aussi je vais vous proposer, en plusieurs billets un peu plus longs que d'habitude, quelques passages du témoignage exceptionnel de Ernest Massot, né à Anduze le 11 octobre 1833. Celui-ci nous raconte, de façon très vivante, la réaction des Républicains d'Anduze et de ses environs suite à l'abdication de Louis-Philippe, roi des Français, le 24 février 1848 et sa fuite en Angleterre. L'intérêt de ce récit réside surtout dans le fait que le narrateur de cet épisode historique local en fut l'un des principaux acteurs, apportant ainsi un éclairage particulier et une mine de renseignements au niveau des noms des personnages et des lieux que, vous verrez, beaucoup reconnaîtront. On a, de ce fait, plaisir à suivre ces événements qui se sont déroulés "en pays de connaissance".
Ma source est un petit document original (14 X 21 cm) de 1904, sans nom d'éditeur, d'une cinquantaine de pages. Fabriqué par l'Imprimerie Générale de Marseille, il le fut certainement à compte d'auteur (Ernest Massot avait alors soixante et onze ans).
Voici l'avant-propos : "L'auteur de cette brochure informe ses aimables lecteurs que les divers documents relatifs à sa généalogie, et, aux incidents qui se sont passés de 1848 à 1851 dans le département du Gard, et auxquels il a pris une grande part, ont été l'objet de laborieuses recherches, dans le département et en particulier dans l'arrondissement d'Alais et le canton d'Anduze. Les faits rapportés sont absolument authentiques."
Alors à très bientôt pour le premier épisode…

28 septembre 2011

L'activité économique d'Anduze… en 1913 !




En regardant pour la première fois cette vieille "réclame", mon esprit vagabond et cinéphile n'a pu s'empêcher d'établir un lien entre le dessin de cette motocyclette et celle utilisée par James Coburn dans le western italien culte de Sergio Leone "Il était une fois la révolution". Si, rappelez-vous, l'histoire de cet aventurier Irlandais, expert en nitroglycérine, qui se prendra d'amitié pour un petit truand devenu à son corps défendant un héros de la révolution mexicaine, en 1913… Bon, après vérification, il s'avère que la machine utilisée par l'acteur, d'une marque différente, est un peu plus sophistiquée et tardive (1919) que notre modèle français qui, lui, si l'on se réfère à la date de parution de cette annonce anduzienne est quand même aussi de 1913. 
Mais quittons cette comparaison cinématographique au demeurant très personnelle pour s'attacher à l'intérêt que peut susciter un tel document sur le plan de notre histoire populaire locale, car cette ancienne publicité trouve sa place parmi d'autres, rassemblées sur un programme de festivités organisées par la ville d'Anduze. Elles témoignent de l'activité économique de notre cité à cette époque, à la veille de la Grande Guerre, venant ainsi illustrer aujourd'hui concrètement une mémoire collective défaillante avec le temps et la disparition progressive de nos plus anciens…
On apprend ainsi qu'au Plan de Brie se trouvait un moulin à huile à vapeur appartenant à monsieur Carrairon ; que le Café du Centre existait déjà et le propriétaire, Emile Guy, proposait des consommations de premiers choix ! Non loin de là une épicerie fine était tenue par la veuve Ducros et vous pouviez vous adresser à Fernand Séquier pour tous travaux de maçonnerie ; monsieur Rafinesque, propriétaire de l'hôtel-restaurant du Luxembourg vous servait à la carte et à prix fixe. Dans la rue du même nom, le maréchal-ferrant Jean Roux vendait et réparait différents instruments agricoles. Pour être coiffé "au dernier chic" il fallait se rendre rue Neuve, chez monsieur Pierredon, spécialiste de chapeaux feutre. A quelques pas, la maison César Serre était également dans le domaine du couvre-chef mais se diversifiait en mettant en vitrine canotiers, panamas et casquettes ; elle faisait aussi ses chemises sur mesure, avec faux cols, manchettes et plastrons ; en recommandant spécialement ses corsets, les dames n'étaient pas oubliées… Place du Château le commerce d'alimentation de Félix Carrairon (à priori une grande famille de commerçants à Anduze !) était réputé pour sa spécialité de morue à la brandade. Les lapins, volailles et œufs frais du jour de monsieur Broc se vendaient au détail, rue Notarié. Dans l'intérêt du client, le marchand-tailleur Marion conseillait à celui-ci de s'habiller chez lui, rue Basse ; cela certainement pour concurrencer monsieur Bastide, successeur de Coulomb, installé place Couverte et proposant des vêtements tout faits et sur mesure.
Impossible de toutes les citer, aussi en voici une dernière pour les gourmands : la pâtisserie-confiserie de Louis Baudoin, rue Droite, renommée pour ses "brioches d'Anduze" plusieurs fois primées aux expositions de Paris et Toulouse… en passant par Nancy et Dunkerque !

19 septembre 2011

La Grande Pallière : un rendez-vous de passionnés !

En médaillon, monsieur Jean Salles
D'année en année, les Journées du Patrimoine sont devenues un rendez-vous incontournable et attendu de la part de nos concitoyens, leur permettant ainsi de montrer leur attachement à ce qui constitue le socle de notre identité culturelle ; cet héritage patrimonial commun reçu de génération en génération depuis des millénaires.
Cette année la Ville d'Anduze a choisi de mettre plus particulièrement en valeur son patrimoine préhistorique avec notamment le site de la Grande Pallière. Pour cela j'avais demandé à madame Elisabeth Hébérard, présidente du GARA (Groupe Alésien de Recherche Archéologique), si elle serait disposée à venir nous parler un peu de nos dolmens ; nous présenter en quelque sorte un bilan des nombreux travaux et restaurations effectués par l'association depuis plusieurs décennies sur ce site que tous les plus grands spécialistes s'accordent à considérer comme étant particulièrement exceptionnel. C'est avec simplicité et gentillesse qu'elle a accepté ma proposition.
Après son intervention, nous avons écouté aussi avec le même plaisir Gilbert Calcatelle, un autre oh combien passionné ! Cet homme de terrain infatigable, qui parcourt de long en large ce site depuis plusieurs dizaines d'années, nous conta avec humour son expérience personnelle d'autodidacte éclairé et les circonstances qui l'ont amené à devenir avec le temps et la passion (et des kms de marche !) notre référence locale concernant notre patrimoine mégalithique, sa modestie naturelle due-t-elle en souffrir.
Ensuite, pour terminer, j'ai exprimé, au nom de Bonifacio Iglesias, maire d'Anduze, et du Conseil municipal, toute notre reconnaissance pour l'action discrète mais efficace du GARA sur notre territoire pendant toutes ces années. Ceci à travers un hommage à la personnalité hors du commun du président fondateur de cette association, monsieur Jean Salles, à qui la médaille de la ville d'Anduze a été offerte.

28 août 2011

Les petits tampons de l'Histoire…

Quand François Henri d'Estienne, adjoint à la Mairie d'Anduze, écrivit de sa meilleure plume ce certificat de bonne conduite (ci-contre), il ne pouvait pas se douter que cette pièce, somme toute assez banale à l'époque, serait reprise par un successeur près de deux siècles plus tard, pour parler d'histoire.
Même si il est toujours émouvant, quand on aime Anduze, d'être confronté à un témoignage local d'une époque révolue, ce n'est pas tant le contenu manuscrit de cette lettre qui attira mon attention mais bien la corrélation de l'année inscrite avec les différents tampons présents.
1815, date importante dans notre histoire nationale. Souvenez-vous. Quand Napoléon Ier eut abdiqué en avril 1814, il reçut la modeste souveraineté de l'île d'Elbe. En mars 1815, ayant échappé à la vigilance des Anglais, il rentra en France. Commença alors la fameuse période des Cent-Jours qui se terminera par sa défaite à Waterloo le 18 juin. Cette année là fut donc une période politiquement incertaine et trouble. D'autant plus qu'après cette deuxième abdication de l'empereur qui, comme chacun sait, termina sa vie à Sainte-Hélène, la "Terreur blanche" avec les exactions des royalistes s'installa tout l'été dans notre Midi, favorisant ainsi un climat malsain.
Ce document administratif anduzien de 1815 est intéressant car il illustre très bien, par la présence de tampons officiels de deux régimes différents, cette courte transition où un certain dualisme s'exerça dans notre pays. Celui en rouge représente le premier Empire avec pour emblème son aigle impérial ; le second, représentant la Mairie d' "Anduse", affiche les symboles royaux de Louis XVIII avec la couronne et les fleurs de lys.
Ce vieux papier (collection personnelle) nous montre aussi qu'en ce temps là le nom de notre commune s'écrivait avec un "S". Mais, heureusement, nous avons repris depuis longtemps le "Z" de Zor… pardon, de Anduzia !

26 juillet 2011

Saint Julien…


Point culminant du rocher de Saint Julien
Faisant partie de la même barre jurassique que le rocher de Peyremale avant que le Gardon ne parvienne à trouver son chemin vers la plaine en la coupant patiemment en deux, le vantail gauche de la Porte des Cévennes en possède donc aussi les caractéristiques géologiques. Même spectacle impressionnant des strates sédimentaires soulevées, pliées, dont les "mouvements" résultèrent de ceux dus à la formation conjuguée des nouvelles chaînes de montagne des Pyrénées et des Alpes, il y a environ cinquante millions d'années. D'une hauteur de 325 mètres, le rocher de Saint Julien, du nom que lui a laissé la chapelle qui se trouvait à son sommet, suscita très tôt l'intérêt des hommes. De la préhistoire à l'antiquité, de nombreuses traces viennent attester de la présence humaine en ce lieu stratégique, poste de garde naturel facilement défendable tout en permettant un accès aisé à la rivière. Frontière militaire mais aussi commerciale dont le droit de passage a dû s'exercer longtemps au niveau du goulet étroit de "la Barrière" du Portail du Pas…
Ruines d'un vieux mur du château féodal ?
La ville d'Anduze est définitivement liée à cette montagne protectrice où elle trouva son origine, avant de descendre progressivement en s'agrandissant vers la rivière. Des vestiges architecturaux allant de l'époque féodale au XVIII ème siècle sont encore visibles, accrochés à flanc de Saint Julien. En dehors de la tour datée du XII ème siècle du clocher de l'église située plus bas, nous avons ce que les anduziens appellent "Le château vieux" ou "Les vieilles prisons". Il ne fait aucun doute que ces ruines, de par leur situation, ont eu une grande importance pendant plusieurs siècles sur notre histoire locale. Un article très documenté sur le sujet, de Gérard Caillat dans le "Lien des Chercheurs Cévenols", aborde de façon assez précise tout ce qui concerne la fonction carcérale des bâtiments à travers plusieurs époques, mais ne peut qu'émettre des hypothèses quant au Moyen-âge et le château des Bermond ; et constater ainsi : "Evidemment, seules des fouilles permettront de comprendre l'articulation de l'ensemble des vestiges qui occupent une surface d'environ 500 m2 et de dater les constructions." Espérons que nous aurons un jour cette opportunité pour ce lieu historique, qui reste à ce jour une propriété privée…

17 juillet 2011

Peyremale…

Vantail droit de la Porte des Cévennes et haut de 386 mètres, notre magnifique rocher de Peyremale n'en continue pas moins sa lente érosion, et ceci depuis des dizaines de millions d'années…
Cette usure naturelle est imperceptible à l'échelle de l'histoire humaine et il a fallu un éboulement imprévisible de roches, heureusement sans conséquences dramatiques mais avec un impact direct sur l'économie locale, pour nous rappeler les revers qu'impose parfois le fait de vivre dans un environnement de nature exceptionnelle.
Vu de la rive du Gardon, son dénivellement abrupt rend sa silhouette impressionnante mais non dénuée de majesté, notamment grâce aux mouvements des plis et replis de ses strates superposées. Celles-ci, calcaires, signent l'origine sédimentaire de notre montagne dont les dépôts se firent au fond de la mer qui recouvrait notre région il y a entre 140 et 150 millions d'années. Lors de forts orages ou d' "épisodes cévenols" particulièrement violents, la falaise s'anime avec l'émergence de nombreuses sources qui tombent en cascades et rendent sa vision féerique. Une vieille légende orale anduzienne, dont l'origine reste mystérieuse, raconte qu'une cavité immense serait située sous la montagne, abritant un lac intérieur qui se serait formé petit à petit depuis l'aube des temps… Qui sait, les hommes du Néolithique et de l'Age du Bronze, dont on a retrouvé les traces dans une grotte, connaissaient peut-être le secret de son accès…
Mais quittons ce qui reste à ce jour du domaine de l'imaginaire et revenons à notre histoire géologique locale. Il est bon quelquefois de se rappeler de sa fabuleuse échelle du temps, difficilement accessible à notre entendement et responsable, avant l'homme, du contour actuel des paysages que nous aimons. Cela nous permet de mieux appréhender notre place, avec humilité et respect, au sein de ce grand territoire unique des Cévennes qui, associé aux Causses, vient d'être inscrit au Patrimoine Mondial de l'UNESCO. Et Anduze a le privilège d'en garder la porte principale…

20 juin 2011

Anduze, de porte en porte…




Motif ancien et finement sculpté 
coiffant le haut d'une porte, rue Notarié
Avec les nombreux atouts touristiques de notre petite ville-frontière entre plaine et montagne et en dehors de sa situation environnementale exceptionnelle, nous avons la chance de posséder aussi un centre historique digne d'intérêt. Si nos trois Monuments classés, avec la fontaine Pagode en fer de lance, ont toujours contribué à véhiculer une image attractive de notre cité, le charme particulier des petites places reliées entre elles par tout un réseau de rues étroites n'y est pas non plus étranger.
Malgré les nombreux remaniements des façades au cours des siècles, pas toujours très heureux, nous pouvons constater que beaucoup de vieilles portes ont évité des transformations majeures. Même si elles sont nombreuses à avoir "perdu" le marteau qui les orna, quelques fois avec les vantaux d'origine, de beaux encadrements de pierre leurs permettent de conserver une certaine allure et un véritable attrait. Plusieurs d'entre eux sont en grès rouge, pierre très prisée au XVII et XVIII ème siècle. Le fait d'avoir une belle entrée a toujours été une vraie marque de statut social où le bourgeois pouvait rivaliser avec le noble en montrant des signes extérieurs de réussite et de richesse. Il en était de même dans les milieux corporatistes ou commerçants et les entrées d'immeubles de la rue Notarié et de la rue Bouquerie en donnent une belle idée avec les vestiges des motifs sculptés qui les habillent.
D'autres surprises attendent souvent le curieux qui ose pousser les battants de ces antiques maisons, quand ceux-ci ne sont pas verrouillés, en découvrant par exemple une jolie cage d'escalier avec sa rampe en fer forgé et autre petite cour délicieusement "calladée"…
Le nombre et la variété de ces vieilles portes mériteraient sans aucun doute l'élaboration d'un circuit anduzien original sur ce thème. Mais n'oublions pas quand même que la plus belle et la plus ancienne ouverture sur Anduze reste… la Porte des Cévennes !

5 juin 2011

Les trois tours d'Anduze

Parmi les beaux vestiges de son moyen-âge, Anduze possède encore à ce jour trois tours, patrimoine épargné par chance à travers le temps pour diverses raisons.
D'abord la plus ancienne d'entre elles, le clocher de l'église. Une construction soignée dont les pierres taillées et appareillées, notamment celles "à bossages", nous permettent de la dater entre le XII ème et XIII ème siècle. Les deux archères présentes côté Gardon, invisibles de l'extérieur car masquées par le corps de l'église actuelle depuis son édification au XVII ème siècle, viennent conforter l'idée que cette tour faisait partie des fortifications du premier château des seigneurs d'Anduze. Si elle a échappé au démantèlement de celui-ci par Saint Louis, elle devait avoir une fonction particulière de service publique, comme peut-être déjà celle de clocher de la chapelle primitive (sans son dôme actuel, qui fut certainement construit avec la dernière église) ou simplement comme tour de guet et d'alarme.
Ensuite, plus tardive puisque commencée dans la première moitié du XIV ème siècle, la Tour Ronde devenue au XVI ème siècle Tour de l'Horloge. Et comme son nom l'indique, ce service la sauva de la démolition avec les fortifications de la ville, ordonnée par Richelieu suite à la Paix d'Alais de 1629. (Evocation plus précise de cette tour dans l'onglet Patrimoine – dans Culture et Communication – du site de la mairie).
La troisième tour, de Pézène, est du nom resté de l'un de ses possesseurs, le seigneur de Veirac et baron de Pézène, après avoir appartenu au comte de Beaufort, seigneur d'Anduze et d'Alais. En fait nous savons très peu de choses de cet ancien bâtiment, daté du XIV ème siècle et toujours resté du domaine privé. De cette tour austère, à l'extérieur, nous pouvons remarquer qu'elle fut remaniée plusieurs fois, avec l'ouverture ou l'agrandissement de fenêtres et la pose au sommet d'une toiture sur ce qui devait être une terrasse découverte à l'origine. L'édifice et les bâtiments attenants sont intégrés dans une même propriété dont les façades du XVII ème siècle vont jusqu'à la place Notre Dame, toute proche, en passant par la rue de la République. Il y a de fortes chances pour que la tour, épargnée par les propriétaires successifs car vieux symbole féodal de l'autorité qui doit demeuré à la vue de tous, ne soit plus que la partie visible d'une demeure importante au caractère militaire et défensif du moyen-âge et dont les vestiges "sont noyés" sous les nombreux remaniements, pour en faire au cours des siècles un lieu d'habitation moins spartiate et plus confortable. La porte principale de cette maison seigneuriale est sans conteste l'une des plus belles du vieil Anduze. Son fronton triangulaire, dont le tympan abrite des armoiries devenues illisibles par la main de l'homme sans doute pendant la Révolution, est appuyé sur deux pilastres, le tout souligné par un petit perron où l'on accède par une volée de marches demi-circulaire du plus bel effet… Il est d'ailleurs curieux que cette jolie petite place de la Tour de Pézène, créée au XIX ème siècle, n'ait inspiré aucun des photographes qui ont "mitraillé" Anduze il y a plus d'un siècle : au désespoir des collectionneurs, il n'existe à priori aucune carte postale ancienne du lieu et donc de la tour… Incroyable !

16 mai 2011

Une bourse numismatique avec de jolies surprises !

Au mois de novembre dernier, lors de la conférence sur la monnaie des seigneurs d'Anduze, nous avons fait la connaissance de son intervenant en la personne de Laurent Schmitt, venu de Paris nous parler du Bernardin et plus généralement de la monnaie du Languedoc au Moyen-âge. Nous avons tous été très impressionnés par sa grande connaissance du sujet, développé avec clarté et convivialité.
Cette année, le plaisir fut double car pour ce deuxième rendez-vous monsieur Schmitt était accompagné d'un autre passionné pour aborder le thème du monnayage Huguenot. Il s'agit de Daniel Travier, chercheur, écrivain et spécialiste – incontournable et bien connu – du pays des Cévennes et de ses traditions. Celui-ci, conservateur aussi du Musée des Vallées Cévenoles à Saint Jean du Gard, dressa un état des lieux historique pour expliquer le contexte de la production de ces monnaies au XVIIème siècle.
Laurent prit la parole ensuite pour décrire de façon plus technique les pièces frappées par les différents ateliers monétaires, de La Rochelle à Montauban en passant par Montpellier et Nîmes. D'ailleurs à ce propos, monsieur Travier rappela qu'à ce jour, si aucune preuve tangible ne vient confirmer de façon formelle la présence d'un atelier à Anduze, son absence catégorique est aussi exclue…
Belle soirée donc, avec ces deux personnalités complémentaires qui ont proposé à un public attentif, à travers l'évocation de ces monnaies "illicites", un éclairage inédit sur une époque particulièrement troublée de notre histoire.
Cet exposé ayant eu lieu dans le cadre du weekend de la deuxième bourse nationale numismatique d'Anduze, une heureuse surprise attendait le maire, Bonifacio Iglesias, le dimanche, où le président de l'association du Club Numismatique Cévenol, Philippe Molines, pour remercier la Ville d'Anduze de son soutien et partenariat à cette manifestation annuelle, lui remit un magnifique Bernardin original (un exemplaire à croix ancrée) qui aura toute sa place au sein du futur Conservatoire Historique d'Anduze, en projet.

9 mai 2011

Le parc des Cordeliers : un bel écrin du souvenir

A l'occasion de la commémoration de la Victoire du 8 mai 1945, la municipalité a décidé de profiter de cette cérémonie pour honorer, à son issue, deux hommes au destin hors du commun. Il s'agit d'abord du poète et écrivain Henri Barbusse, né le 17 mai 1873 et mort le 30 août 1935. Sa famille est originaire du hameau "Les Barbusse" à Tornac. Prix Goncourt en 1916 avec son roman "Le Feu", il fonde en 1917, avec entre autres Paul-Vaillant Couturier, l'ARAC dont le principal objectif est de "promouvoir les idéaux républicains de liberté, d'égalité et de fraternité et lutter contre le colonialisme et le fascisme".
Le deuxième est Marcel Bonnafoux dit "Marceau". Né à Anduze le 29 mars 1910, ce héros de la Résistance rejoint celle-ci en 1942. Repéré par la police allemande, il quitte son atelier de décoration qu'il possède à Nîmes et gagne le maquis de Lasalle. Il trouva la mort le 10 août 1944, lors d'une opération au Vigan. Deux allées de notre beau parc des Cordeliers portent maintenant le nom de ces deux fortes personnalités …pour ne pas oublier.

En haut à droite Henri Barbusse, ci-contre Marceau

4 mai 2011

La cave médiévale des "Hauts d'Anduze"


Dans un article du Midi Libre du 8 mars 2011, Jean-Luc Eymery, amateur d'histoire locale alésien, attirait notre attention sur une cave que lui fit visiter la nouvelle propriétaire de l'immeuble l'abritant, elle-même consciente de l'intérêt que pourrait susciter sa découverte. Cela éveilla notre curiosité légitime, comme tout ce qui pourrait être en relation étroite avec l'histoire et le patrimoine anduziens.
Pierre-Albert Clément, historien et écrivain connaissant bien notre territoire, se montra très intéressé par la configuration de cet espace en sous-sol dont l'architecture médiévale, maçonnée avec des pierres soigneusement taillées et appareillées, signale l'importance que donnaient à ce lieu ses premiers propriétaires. Alerté par notre ami, le service archéologique de la Direction Régionale des Affaires Culturelles dépêcha sur place, avec l'accord bienveillant de la maîtresse des lieux (personne dont nous remerçions vivement la gentillesse et la disponibilité), un de ses agents. D'après les conclusions rendues par le conservateur régional de l'archéologie, nous sommes bien en présence de vestiges du Moyen-âge datés entre le XIIIème et le XIVème siècle. Il est précisé aussi que cette cave était destinée à recevoir des tonneaux et faisait certainement partie, en sous-sol, d'un bâtiment important qui reste à déterminer…
Il est vrai que sa situation géographique, près de la place de la République (ancien cimetière millénaire), fait qu'elle se trouve sans aucun doute dans l'une des parties les plus anciennes du village primitif ; à proximité aussi du premier château, disparu  aujourd'hui, des seigneurs d'Anduze et dont nous ignorons encore à ce jour le périmètre d'origine :  tout cela donne un éclat particulier à cette affaire passionnante…à suivre !

21 avril 2011

Anduzia l'antique !

Ceux, et ils sont nombreux, qui connaissent les grandes lignes de notre histoire anduzienne, savent que la plus ancienne preuve "écrite" de la longue existence de notre cité est matérialisée par la belle gravure de son nom en latin sur une pierre taillée. Ce petit bloc de marbre, de 24 cm de haut pour 12 cm de large et de profondeur, fut trouvé en 1747 en creusant les fondations d'une nouvelle maison, à deux pas de la Fontaine de Nîmes.
Datée du premier siècle de notre ère, cette pièce fait partie de l'une des collections de Jean-François Séguier, naturaliste et archéologue nîmois du XVIII ème siècle. Aujourd'hui elle est exposée au Musée Archéologique de Nîmes.
Si ANDUZIA et quelques autres (VGERNI/Beaucaire, SEXTANT/Castelnau-le-Lez, BRIGINN/Brignon, VCETIAE/ Uzès) ne posent pas trop de problème de traduction, certains noms restent énigmatiques et suscitent encore aujourd'hui la controverse entre spécialistes. Ainsi que la destination finale de l'objet : considéré comme un piédestal, avec une couronne circulaire le coiffant, supportait-il une colonnette ? Et pour quel usage ?
Emile Espérandieu (1857-1939), épigraphiste et archéologue gardois, cite Pline et Strabon, du premier siècle de notre ère, affirmant que le territoire nîmois possédait 24 localités secondaires et que cette pierre aurait pu commémorer une offrande faite par ces villes au dieu Nemausus (c'est le nom gallo-romain d'origine celtique de la ville de Nîmes, venant du terme gaulois Nemausos : dieu associé à la source ).
Dans son livre consacré aux foires et marchés d'Occitanie, notre ami et historien P.A. Clément nous propose une autre interprétation, radicalement différente : il s'agirait de la "base de colonne sur laquelle sont inscrits les noms des villes des environs de Nîmes. Les trous percés en face de Ugerni et de Ucetiae font penser à une liste de manifestations commerciales." Cette réflexion est le résultat logique d'une démonstration qu'il développe dans son ouvrage sur les pratiques commerciales romaines, appuyée par la reproduction troublante d'une autre "table de marbre" de la même époque que la nôtre, gravée elle aussi de la même façon soignée d'une liste de villes italiennes en latin et percée de trous. Elle se trouve au Musée National de Naples. L'air de rien, notre passionnant petit "pavé" de pierre n'a pas fini d'intriguer nombre de chercheurs, ajoutant un mystère de plus à notre antique cité !…

Ces chapeaux qui firent la réputation d'Anduze…

Même si aujourd'hui certains "travaillent du chapeau" en s'imaginant, par exemple, qu'un projet culturel construit autour des métiers de la terre ne puisse voir le jour et s'épanouir au sein d'une localité "terre potière" comme Anduze, il n'en demeure pas moins que notre industrie chapelière s'est définitivement éteinte au XXème siècle. Elle a contribué à la renommée internationale de notre ville : en la perdant, et en même temps de nombreux emplois, c'est un véritable patrimoine de savoir-faire local qui a disparu.
Nous ne savons pas exactement à quand remontent les premiers ateliers artisanaux de fabrication manuelle des chapeaux. Bien que cela ne reste qu'une hypothèse, il n'est pas interdit de penser, au regard de la présence constatée d'un fileur de soie (un trahandier) à Anduze dès la fin du XIIIème siècle, que parallèlement le métier de chapelier ou sa dénomination correspondante était présent. Cette activité évoluant ensuite au cours des siècles selon les modes, les matières utilisées et la technique. Plus prêt de nous, grâce au développement des filatures et à la mécanisation générale d'un outillage spécialisé, la production chapelière s'intensifia à partir du milieu du XIXème siècle, ce qui favorisa l'implantation d'usines au détriment des petits artisans existants depuis longtemps. Pour raisons économiques, beaucoup d'entre eux finirent par gagner ces nouvelles entreprises, mais apportèrent en même temps leur expérience professionnelle qui fit la réputation de celles-ci. La plus importante et célèbre d'entre elles qui sut s'adapter aux nouvelles technologies fut sans conteste la maison Galoffre, dont le nom a traversé les années car lié étroitement à notre histoire sociale de l'époque, mais aussi à la vie politique avec un maire d'Anduze issu de cette famille. Distinguée surtout par ses grands chapeaux de feutre dont le poète Frédéric Mistral se fit un ambassadeur inespéré, la chapellerie était d'autre part très connue pour la qualité de fabrication de son chapeau melon ! D'ailleurs, quand l'affaire fut vendue en 1924, son nouveau propriétaire garda le nom de Galoffre dans l'intitulé de la nouvelle société. Un gage de notoriété qui ne sera malheureusement pas suffisant pour lutter contre le déclin annoncé de ce secteur d'activité anduzien…








On évoquait déjà des chapeaux d'autrefois
sur les cartes postales anciennes locales :
"Le Chapeau à l'ombrage, coiffure riche et originale,
dont se paraient autrefois les coquettes 
paysannes cévenoles."