C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

30 octobre 2020

Pierre d’Anduze : un destin religieux atypique… 1

Dans l’histoire d’Anduze au Moyen-âge nous connaissons tous à peu près les noms des seigneurs qui composèrent la Maison des Bernard et Bermond pendant quelques siècles ; même s’il reste des blancs et des doutes sur certaines filiations au commencement de l’arbre généalogique, les principaux chefs de famille qui se sont succédés dans les différentes branches sont identifiés et reconnus.

Si les frères et sœurs de ces seigneurs étaient appelés toute leur vie à demeurer plus ou moins dans l’ombre de leurs aînés, certains, de par leurs alliances ou nominations, contribuèrent indirectement à faire briller la Maison d’Anduze en dehors de son territoire propre et augmenter ainsi son influence.
Ce fut le cas de Pierre d’Anduze, qui en est aussi l’exemple le plus atypique par son parcours surprenant vers les hautes sphères du pouvoir religieux de l’époque…

Le seigneur Raimond d’Anduze épousa en 1074 Ermengarde, récente et jeune veuve de Guillaume III de Montpellier (*). Ils eurent deux garçons, le futur Bernard III et Pierre, le cadet.
Ermengarde avait déjà assuré la succession à Montpellier avec son fils Guillaume V. Celui-ci participa à la première croisade en accompagnant Raimond IV, comte de Toulouse.
Il est possible que Guillaume entraîna Pierre, son jeune demi-frère, dans cette véritable aventure. Une fois en Terre Sainte et à partir de 1099, date de la prise de Jérusalem, ceux-ci furent certainement en contact avec l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem et son hôpital, situé près du Saint-Sépulcre. Il accueillait depuis de nombreuses années déjà les pauvres et les pèlerins malades. C’est peut-être cette rencontre qui déclencha la vocation religieuse du chevalier Pierre d’Anduze… 

Une hypothèse qu’aucun document ne vient confirmer mais qui résulte d’une réflexion issue de la suite des événements narrée dans l’ « Histoire de Languedoc » de Vic et Vaissette.
En effet, les historiens nous apprennent que l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem va s’enrichir et recevoir notamment d’importants domaines et dons des seigneurs croisés. Décidé à élargir ses activités par la création de nouveaux hôpitaux, mais cette fois-ci en occident, il choisira en 1112 la stratégique Saint-Gilles pour le premier d’entre eux.
A l’époque la ville, située sur les terres du comte de Toulouse, est à l’apogée de sa renommée grâce à son pèlerinage et son abbaye. Son deuxième atout et non des moindres est son port, le second en Europe après celui de Gènes. Celui d’Aigues-Mortes n’existant pas encore, les pèlerins se bousculent pour la destination de la Terre Sainte.

Vic et Vaissette, nos moines et auteurs de l’ « Histoire de Languedoc » nous confirment qu’au moment de la création de cet hôpital Pierre était présent : « Plusieurs gentilshommes d’entre les maisons les plus qualifiées de la Province embrassèrent le nouvel institut des hospitaliers de Jérusalem dès son commencement. Aton, archevêque d’Arles, fait mention entre autres de Pierre d’Anduze & de Pons de Montlaur (…) »

A suivre

(*) Au Moyen-âge la Maison d’Anduze et celle de Montpellier entretenaient des relations particulières très étroites d’amitié.

L’illustration est un tableau d’Antoine Favray, peintre français du dix-huitième siècle, représentant le frère Géraud, fondateur de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, recevant Godefroy de Bouillon dans son hôpital lors de la première croisade.

16 octobre 2020

Anduze et les comtes d’Adhémar… 2

Louis-Pierre-Alexis avait trois ans quand son père, enrôlé dans l’armée révolutionnaire, décéda le 17 novembre 1793 pendant la campagne des Pyrénées. Aîné des héritiers de cette branche de la famille et sans doute devenu très proche de son grand-père, il lui a tenu à cœur de persévérer dans les démarches de celui-ci pour retrouver enfin son patronyme d’origine : d’Adhémar au lieu d’Azémar.

Entre-temps sa mère, veuve et maman de deux très jeunes garçons, va épouser en 1796 Antoine-Frédéric-Louis, le frère de leur père… Elle lui donnera quatre enfants, confortant ainsi cette deuxième branche familiale.

Antoine-Frédéric-Louis comte d’Adhémar de Colombier, l’oncle et donc beau-père de Louis-Pierre-Alexis, s’il fut à partir de 1791 chef de bataillon de la garde nationale de Nîmes, n’en fut pas moins suspendu en 1793 pour avoir montré son attachement à la famille royale ; pour cette époque particulièrement brutale il s’en sortait plutôt bien !
Commandant de la garde nationale d’Anduze pendant la période des Cents Jours et resté fidèle à ses convictions, il aida monsieur de Roussy du Vigan et son corps d’armée royale à échapper à une embuscade dans la nuit du 2 au 3 avril 1815.
Le 17 juillet 1815 il sera confirmé commandant pour le roi de la ville d’Anduze (deux jours après la fin des Cents Jours et la reddition aux Anglais de Napoléon).

Vers la fin de ce même mois de juillet, de retour de Lédignan où il était passé faire une inspection, il fut intercepté à hauteur de Lézan par une grande troupe d’hommes armés qui le prirent à partie ; il trouva refuge chez le maire du village, un certain Valcre, qui le fit s’échapper par un chemin détourné ; mais il fut de nouveau repéré et reçut « trois décharges de mousqueterie ». A priori il s’en était bien remis puisqu’il décéda en 1858, à l’âge de 89 ans.
Son neveu, Louis-Pierre-Alexis fut toujours très attaché à Anduze, sa ville de naissance, même si sa longue carrière militaire qu’il commença très jeune lui fit terminer sa vie en 1864 à Montpellier. C’est lui, précise André Georges Fabre dans son livret sur le temple d’Anduze, qui offrit la table de communion une fois la construction du grand monument achevée.

L’histoire de la Maison d’Adhémar est une véritable saga. Nombre de ses membres occupèrent les sphères parmi les plus prestigieuses de l’Histoire de France durant des siècles. Pour s’en convaincre il suffit de parcourir l’ « Histoire de Languedoc » de Vic et Vaissette et s’apercevoir que ce nom célèbre est présent de façon récurrente dans les textes.
Alors bien sûr on peut comprendre qu’au dix huitième et dix neuvième siècle une des branches les plus modestes du Languedoc de cette grande Maison, que l’on croyait pratiquement éteinte depuis le milieu du seizième avec la disparition de l'importante branche de Provence, eut le désir de se faire reconnaître avec son nom d’origine… Quand, dans vos racines les plus profondes, vous avez un souverain de Gênes ou un évêque du Puy légat du pape et chef de la mythique première croisade, pour une famille noble ce doit être une grande fierté d’être attaché à ce même patronyme !

Ce fut chose faîte avec l’Anduzien Louis-Pierre-Alexis, comte d’Adhémar…

L'illustration est une représentation des armes du comte d'Adhémar Louis-Pierre-Alexis.
Elles apparaissaient notamment en "ex-libris" sur la deuxième de couverture des ouvrages de sa bibliothèque.

2 octobre 2020

Anduze et les comtes d’Adhémar… 1

D’après le « Nobiliaire de France » édité en 1874, au neuvième siècle, Pépin, fils de Charlemagne et roi d'Italie, aurait donné « la souveraineté de Gênes avec la qualité de comte à son parent Adhémar dont les descendants le conservèrent pendant cent ans ». Je l’écris au conditionnel car, comme souvent avec les très vieilles familles nobles, les généalogistes ne sont jamais tous d’accord sur leurs origines…
En tous cas ce fut une famille très puissante et prolifique qui, au cours des siècles, s’est divisée en de nombreuses branches et rameaux. Selon ceux-ci et pendant très longtemps, Adhémar et Azémar furent les patronymes d’une même Maison. Cette différence d’orthographe serait venue un jour de l’erreur d’interprétation d’un copiste du fait que dans l’idiome languedocien le « dh » se prononce comme le « z ». La branche la plus prestigieuse par la hauteur de ses alliances au Moyen-âge fut sans aucun doute celle de Provence, ce qui ne l’a pas empêchée de s’éteindre au milieu du seizième siècle.

Mais c’est l’une des branches du Languedoc qui nous intéresse aujourd’hui avec des possessions qui étaient situées dans le Gard et notamment à l’Est de Vézénobres pour les plus importantes.  
Il n’est pas question ici d’en faire l’histoire mais d’évoquer certains membres de cette grande famille qui laissèrent une trace particulière au dix neuvième siècle dans notre département, dont Anduze.


Nous commençons par Pierre Melchior d’Azémar de Saint Maurice de Cazevieille, seigneur de Colombiers, d’Euzet, de Saint-Jean de Ceyrargues, du château du Grand-Teillan, baron de Suëlhes et vicomte d’Héran, né le 15 juillet 1740 à Saint Maurice. En retraite d’une carrière militaire commencée très jeune, il fut nommé en 1789 commandant des gardes nationales du Gard ; la Révolution le rattrapa pour l’enfermer dix sept mois. Plus tard, en 1803, c’est l’Empire qui l’appela pour le poste de sous-préfet d’Uzès, puis de préfet du Var en 1806 à Draguignan. En 1810 il fut fait baron de l’Empire. A cette date il prit aussi définitivement sa retraite et quitta une ville où il avait réussit à se forger une réputation d’homme bon et intègre, laissant un excellent souvenir à la population.
De retour chez lui au château de Teillan — situé sur la commune d’Aimargues – il réactiva une instance ouverte en 1784 pour récupérer le patronyme familial prestigieux de sa Maison d’origine : Adhémar. Ce fut fait au mois de juin 1817 par ordonnance royale. Mais un parent s’y opposa et le Conseil d’Etat transmis le dossier aux tribunaux ordinaires pour qu’ils statuent.

Pierre Melchior d’Azémar bénéficia de l'appui écrit des chefs de deux branches importantes de la Maison, mais malheureusement pour lui il ne verra jamais le résultat du procès ; il décéda à Teillan le 2 septembre 1821. C’est son petit-fils, Louis-Pierre-Alexis, né à Anduze en 1790, qui obtint de la cour de Nîmes un arrêt du 6 juin 1839, confirmé le 8 mars 1841 par la cour de cassation, de maintien dans le nom d’Adhémar…

A suivre