C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

25 octobre 2015

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 7


C/ L’ANNEE 1791

La constitution civile du Clergé et ses conséquences

L’Assemblée constituante réorganise l’Eglise de France. Les propriétés de l’ancien Ordre du Clergé sont vendues comme « biens nationaux ». En compensation, curés et évêques (désormais choisis par les électeurs) reçoivent un traitement de l’Etat. Comme tous les fonctionnaires publics, ils doivent prêter un « serment civique ». Le pape condamnant la « Constitution civile du Clergé », une partie des prêtres refuse le Serment. Dans le district d’Alais, on compte 58 refus. Le serment est accepté par 25 prêtres parmi lesquels le curé d’Anduze (Antoine, Laurent, Joseph de BREMOND) et son vicaire ROUSSET.
Il n’y a plus qu’un seul diocèse par département. Les trois évêques « gardois » refusent le serment civique : il appartient donc aux électeurs de désigner un évêque « constitutionnel ». Le 27 février 1791, ils choisissent Jean-Baptiste DUMOUCHEL, recteur de l’Université de Paris.
Il faut délimiter les nouvelles paroisses : c’est fait, pour le district d’ALAIS, le 7 avril. La paroisse d’Anduze compte 5 051 catholiques. On prévoit, pour Anduze et Boisset, un curé et deux vicaires. La paroisse groupe trois « succursales », disposant chacune d’un vicaire (St Baudile de Tornac, Générargues et Bagard).
Le 20 avril, l’évêque DUMOUCHEL publie une lettre pastorale, dans laquelle il justifie le serment civique. Les prêtres du nouveau diocèse sont invités à lire cette lettre aux fidèles. Une vingtaine de prêtres (parmi lesquels BREMOND et ROUSSET) n’acceptent pas cette lecture, refusant ainsi de reconnaître le nouvel évêque. Le 5 juin, ROUSSET est élu curé de Salindres.
Lorsque, pendant l’hiver de l’année suivante, les prêtres « réfractaires » incitent à la rébellion et exercent de fortes pressions sur les prêtres « assermentés » quatre curés (dont BREMOND, d’Anduze) rétractent leur serment.

La vie politique pendant l’été 1791

A la fin juin, on apprend la tentative de fuite du Roi et de sa famille. Si le Club de Montpellier souhaite alors une République, tel n’est pas encore le vœu des « Amis de la Constitution », de Nîmes, ni du Club d’Anduze.
25 juin : le Conseil de département tire au sort les noms de la moitié de ses membres, soumis à renouvellement : l’Anduzien DUPLAN figure parmi les renouvelables.
L’Assemblée constituante ayant achevé sa mission, elle va céder la place à l’Assemblée Législative, prévue par la Constitution ; la Constituante a décidé qu’aucun de ses membres ne pourrait être élu à la première « Législative ». L’Assemblée électorale du Gard se réunit donc en septembre, pour désigner les huit députés du Gard. L’Anduzien DUPLAN (non élu) obtient 47 voix sur 351 votants.
Le 18 septembre, l’assemblée électorale désigne 18 administrateurs du département. Parmi les nouveaux élus, Jean-Pierre RIEU, d’Anduze, obtient 245 voix (le candidat le plus favorisé est élu par 262 suffrages). Le 30 septembre, l’assemblée électorale du district d’Alais nomme six membres de l’administration du district, parmi lesquels l’avocat anduzien Jean-Louis ROQUIER.
Ce même jour, l’Assemblée constituante se sépare.

V – L’ANNEE 1792
(Assemblée Législative : débuts de la Convention)

Les affaires d’Arles et d’Avignon

Pendant l’hiver 1792, les villes d’Arles et d’Avignon sont aux mains des contre-révolutionnaires. Les « patriotes » en sont chassés ; on y accueille des « rebelles » des contrées voisines. Les deux villes entretiennent des rapports entre elles, et avec l’émigration aristocratique, elles se fortifient.
Arles et Avignon sont les bases de départ d’incursions contre des localités gardoises. Le directoire départemental envoie des troupes dans le secteur rhodanien ; on songe à y rassembler des « Gardes Nationales » de tout le département, et à agir de concert avec les « patriotes » marseillais. Arles bénéficie de l’indulgence gouvernementale ; mais des troupes royales sont envoyées à Avignon.
Les localités rhodaniennes demandent la concentration de 4 000 gardes nationaux. Le Directoire Départemental reçoit, à cet effet, des « Adresses » et des délégations locales. Le 22 mars, les délégués d’Anduze et de 17 autres localités, accompagnés par les représentants des Clubs de Nîmes, adressent une pétition au Directoire :
« L’opinion publique s’est manifestée, d’une manière éclatante, pour le rassemblement des quatre mille volontaires que vous tenez prêts à marcher. Plus il s’écoule de moments, plus l’impatience s’accroît. A tout instant, il arrive des citoyens de tout le département. Tous annoncent le vœu unanime de tous les habitants pour une mesure prompte et rigoureuse, capable d’intimider les rebelles et de terminer la grande querelle qui agite nos contrées. Cette mesure est en votre pouvoir. Nous sommes convaincus que le besoin est pressant et urgent. Nous vous le disons : nous faisons notre devoir ! Le vôtre, Messieurs, est de consulter l’opinion publique ; et, lorsqu’elle se manifeste, de la suivre. Ordonnez le rassemblement des gardes nationales dans la ville de Beaucaire, et vous comblerez le cœur des bons citoyens ».

Les citoyens des districts gardois demandent à marcher sur Avignon. Le 24 mars, à Nîmes, les délégués d’Anduze et de cinq autres localités signent une pétition « à MM. les Administrateurs du Directoire du département du Gard » :
« En vous rendant au vœu manifesté avec tant d’ardeur par les citoyens de Nîmes (et auquel nous avons concouru), vous venez de décider que mille gardes nationaux de cette ville seraient rassemblés et partiraient incessamment ; mais les citoyens-soldats des autres districts seraient-ils étrangers à cette marque de faveur de votre part ? Comme les Nîmois, ils brûlent de marcher où le besoin et le péril les appellent ; comme eux, ils méritent d’être admis à vaincre ou mourir par la liberté. Leur refuser de partager le sort de leurs frères nîmois serait un affront que leur bravoure et leur ardeur ne pourraient supporter, et vous ne voudriez pas, administrateurs du département, marquer une prédilection qui peut humilier notre civisme ».

Avec les délégués de CONNAUX, REMOULINS, SAINT-HIPPOLYTE, SAUVE et UZES, les Anduziens TEISSIER et ROUX fils signent ce manifeste. Avignon et Arles sont bientôt désarmées.

A suivre.

15 octobre 2015

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 6


IV - SOUS L’ASSEMBLEE CONSTITUANTE
ETE 1789 - ETE 1791

A/ L’ETE 1789

Après la prise de la Bastille

On sait comment, en juin 1789, à Versailles, la ferme attitude des députés du Tiers-Etat aboutit à la formation de l’Assemblée Nationale. Mais le gouvernement royal rassemble des régiments de mercenaires autour de Versailles et de Paris. L’Assemblée n’aurait pas pu résister au coup de force qui la menaçait ; elle est sauvée par l’insurrection du peuple de Paris qui, le 14 juillet, s’empare de la Bastille.
Quelques jours plus tard, la nouvelle est connue à Anduze. On y rédige une « Adresse des trois Ordres de la Ville d’Anduze aux braves citoyens de la ville de Paris » (23 juillet) :
« Le despotisme est donc enseveli sous les tours effrayantes de la Bastille. La liberté des Français est assurée. Une constitution, des lois sages, la réforme des abus : voilà les biens qui nous attendent et que vous avez assurés par votre patriotisme ».

Un épisode de la « Grande Peur »

A la fin du mois de juillet, la panique appelée « Grande Peur » secoue de nombreuses provinces. Des rumeurs incontrôlables font croire que des bandes de brigands menacent villes et villages. Dans les derniers jours du mois, cette panique atteint les Cévennes ; elle cause de sérieux incidents à Saint Jean de Gardonnenque (St Jean du Gard) : on s’y croit menacé par des groupes armés qui, en réalité, viennent au secours du bourg (supposé déjà agressé). Tumultes, malentendus font croire aux troupes venues à l’aide que l’ennemi est déjà dans la ville. De nombreux habitants s’arment et crient : quelques coups de feu éclatent !
La nouvelle de ces spectaculaires incidents parvient rapidement dans les localités voisines. Vingt-cinq communautés cévenoles (qui ont déjà formé des milices défensives) envoient des détachements à l’aide des Saint-Jeannais. Une troupe d’Anduziens parvient au bourg voisin, où affluent 3 000 hommes ! Lorsqu’on s’aperçoit que l’alarme était infondée, les « renforts » refluent vers leurs localités d’origine !

Craintes pour la liberté religieuse

A partir du 20 août, l’Assemblée Nationale établit le texte de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Les protestants cévenols, soucieux de la liberté de conscience et de culte, voient des restrictions et des ambigüités dans l’article 10 de la Déclaration :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public, établi par la loi ».
Le 29 septembre, une Adresse à l’Assemblée nationale témoigne de ces inquiétudes :
« Les habitants des hautes et basses Cévennes, protestants pour le plus grand nombre, se flattent qu’il doit leur être permis de représenter à l’Assemblée nationale la consternation qu’a répandue dans tous les esprits l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme ; de la supplier d’expliquer cet article d’une manière qui ne laisse aucune porte ouverte au renouvellement de malheurs dont le souvenir les fait frémir encore ; et de leur accorder un culte qui ne peut, en aucune manière, troubler l’ordre public ; puisque ce culte, toujours circonscrit dans l’enceinte des murs dans lesquels il est célébré, ne saurait influer en rien sur ce qui se passe au dehors ».

Dans une lettre adressée aux évêques, le Roi se plaint de brigandages commis dans certaines provinces ; il réclame l’appui de l’Eglise. Cette lettre royale, publiée par les évêques, inquiète les Cévenols. De nombreuses communautés envoient leurs représentants à Anduze, où l’on constitue une Confédération, pour maintenir la tranquillité publique (29 septembre). Le registre du Conseil de la Ville d’Anduze contient le texte des décisions prises par les « Confédérés » :
« Quiconque refuserait de payer les deniers (royaux ou autres) légitimement dus, serait regardé, dès l’instant même, comme un ennemi public, et livré à la justice ordinaire,
« Tout particulier qui chercherait à soulever le peuple par des propos séditieux et tendant à anéantir les lois actuellement existantes (et que l’Assemblée veut conserver dans toute leur rigueur, jusqu’à ce qu’il en soit établi de nouvelles), sera également regardé comme un ennemi public et, comme tel, livré à ces mêmes lois qu’il oserait braver.
« En cas de besoin, et sur la première réquisition, les villes et communautés voisines se prêteront réciproquement main-forte, et emploieront tous les moyens en leur pouvoir pour soutenir, dans toute l’étendue des hautes et basses Cévennes, un ordre et une tranquillité qui soient la preuve du patriotisme qui anime les habitants de ces contrées.»

B/ L’ANNE 1790

L’administration départementale

En février 1790, on procède à la délimitation du département du Gard, et à sa division en huit districts. Anduze, l’une des sept principales villes de l’ancienne sénéchaussée, était aussi le siège d’une viguerie royale, qui groupait cinq cantons actuels. Notre ville souhaite donc devenir le chef-lieu d’un district, qui couvrirait sa zone d’influence commerciale, c’est-à-dire le bassin des Gardons du Sud-Ouest (de Barre à Ledignan). Cela impliquerait que la Haute-Cevennes soit distraite du nouveau département de Lozère. Malgré ses réclamations, Anduze ne devient qu’un des chefs-lieux de canton du district d’Alais.
Il faut procéder à l’élection de l’Administration départementale et des administrations des districts. Les 52 000 contribuables gardois suffisamment aisés pour disposer du droit de vote désignent 529 d’entre eux pour élire les administrateurs. Le 12 juin, Marc DUPLAN, Maire d’Anduze, devient l’un des 35 membres du Conseil de département (il est élu par 361 voix sur 458 votants).

Les Anduziens à la « Bagarre de Nîmes »

L’assemblée des électeurs gardois s’est réunie à Nîmes, alors qu’une vive tension régnait dans cette ville. Dans la « Légion nîmoise » (garde civique), l’avocat FROMENT avait formé des compagnies entièrement catholiques, qui ont participé à une agitation hostile à la liberté religieuse, aux protestants et au Club des « Amis de la Constitution ». Le 13 juin, une vive fusillade oppose les « Cébets » (petit peuple catholique) aux dragons (protestants) de la Garde nationale. Dans la nuit du 13 au 14, la « bagarre » se poursuit. Pour la contenir, des gardes nationaux sont venus de nombreuses localités protestantes. Un détachement d’Anduze est présent, qui compte dans ses rangs le curé BREMOND. Malgré cet appoint, il faut deux jours entiers pour mettre fin à la sanglante « bagarre » déclenchée par les fanatiques.

Formation définitive des Administrations

Le 8 juillet, le Conseil de département peut enfin élire son Directoire. Il désigne aussi quatre commissaires, chargés de recevoir le compte-rendu administratif du Commissariat pour l’ancienne province de Languedoc ; DUPLAN, d’Anduze, est l’un de ces quatre Commissaires.
On forme ensuite les administrations des districts. Parmi les administrateurs du district d’ALAIS (l’actuel arrondissement), on trouve deux hommes de loi anduziens : Jean-Pierre RIEU-ALLARET et Jean-Louis ROQUIER.
Le 11 décembre, le Conseil de département désigne quatre adjoints à son Directoire, parmi lesquels l’Anduzien Marc DUPLAN.

Election des juges de paix

En novembre, Anduze a élu son juge de paix : l’homme de loi Louis FONTANES, assisté de trois prud’hommes assesseurs : Jacques DUFOIS, Jean-Jacques NICOLAS et Louis RIBOT. Henri CABANIS devient greffier.
Un autre juge de paix a compétence sur la « banlieue » (les villages du canton) : c’est le géomètre Jean-Jacques SOULIER ; chaque village lui donne deux ou trois assesseurs.
Les tribunaux de Commerce d’Alais et d’Anduze sont organisés en mars 1791.

A suivre.

2 octobre 2015

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 5


COMMENTAIRE DU CAHIER D’ANDUZE

Les « Communes d’Anduze » : le Tiers-Etat local (cf. en Angleterre, la « Chambre des Communes ».
• L’hommage au Roi figure dans presque tous les Cahiers locaux. On fait confiance au monarque pour promouvoir les réformes nécessaires.
• Les 44 articles du Cahier (c’est un nombre important) semblent directement inspirés par les écrits politiques de Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne. Par son style limpide et son contenu presque exhaustif, le Cahier d’Anduze est un des plus intéressants dans la Sénéchaussée.

Le Cahier d’Anduze n’évoque pas, cependant, le problème de la liberté religieuse (abordé seulement dans une vingtaine de Cahiers villageois). En fait, les protestants sont ici tellement majoritaires qu’ils bénéficient (pour l’essentiel) d’une liberté de fait. Il y a peut-être, aussi, la préoccupation de ne pas se couper des secteurs catholiques, afin de donner une force accrue au mouvement unitaire des idées réformatrices ; dans l’assurance que, si des réformes fondamentales sont réalisées par les Etats Généraux, une compète liberté religieuse deviendra aussi inévitable que l’égalité des Droits. D’autre part, un édit de 1787 a rendu aux protestants le droit à l’état civil (dont ils avaient été privés pendant un siècle) ; cette « tolérance » est le premier résultat de la persévérante action de Rabaut Saint-Etienne.
Le Cahier d’Anduze est d’un niveau politique élevé. Quinze articles évoquent l’organisation des Etats Généraux, les libertés et les réformes fondamentales. Huit autres articles traitent des impôts et des vœux d’équité fiscale. Notre ville manufacturière et marchande revendique (en huit articles) la liberté du commerce et du travail. La réforme fait l’objet de cinq articles.

A/ Etats Généraux, réformes fondamentales, libertés

Article premier : Remerciements au Roi pour le « doublement du Tiers » (qui obtient autant de députés que nobles et clercs réunis).
Art. 2 : pour donner son efficacité au doublement du Tiers Etat, une revendication est formulée partout : celle du vote par tête aux Etats Généraux (une voix par député), et non par ordres séparés (les ordres privilégiés disposeraient alors de deux voix, contre une seule au Tiers Etat).
Art. 3 : on redoute que la Noblesse et le Clergé ne s’opposent à ce mot d’ordre, dangereux pour leurs privilèges.
Art. 4 : la Côte du Rhône (proche du Dauphiné, qui vient d’obtenir une réforme de ses « Etats provinciaux ») et les secteurs protestants (Cévennes, Gardonnenque, Vaunage) se liguent contre la structure anachronique des « Etats du Languedoc » (assemblée provinciale, composée de membres non élus, avec faible représentation du « Tiers », et portée à de coûteuses dépenses de prestige). On réclame des « Etats » élus par les trois ordres de toute la province (campagnes comprises), avec la parité Tiers-Privilégiés, selon le modèle de la « Constitution du Dauphiné » (de novembre 1788).
Art. 5 : exigence d’une Constitution nationale écrite (souhait exprimé par de nombreux Cahiers).
Art. 6 : principe du vote des lois par la représentation nationale.
Art. 7 : à tous niveaux de représentation : parité tiers-privilégiés. Périodicité des Etats Généraux (qui n’ont pas été réunis depuis 175 ans !).
Art 8 et 9 : modalités d’exécution des lois.
Art. 10 : égalité de tous devant la Loi (fin des privilèges juridiques).
Art. 11, 12, et 14 : liberté individuelle.
Les « lettres de cachet » (royales), mais aussi les « veniat » (qu’il vienne) des gouverneurs et intendants provinciaux permettent des arrestations arbitraires (en dehors de toute garantie juridique).
Art 23. : supprimer censure et autorisation préalable, pour livres et gazettes.
Art. 41 : il existe encore des serfs sur les terres d’Eglise !

B/ La justice

Art. 13 : garanties d’une bonne justice. Collégialité des tribunaux.
Art. 19 : simplification de la justice et de ses procédures.
Art. 20 : au premier des trois degrés de juridiction, les justices seigneuriales (basse justice) sont unanimement critiquées.
Art. 21 : les justices d’exception (à compétences spécialisées) sont trop nombreuses ; leur multiplicité est à l’origine de nombreux conflits d’attributions, laborieux et onéreux. Chaque « ferme » (concession) d’impôts a sa propre justice, se trouvant à la fois juge et partie (au grand détriment des contribuables).
Art. 39 : l’Edit des Hypothèques (de 1771) n’offre que de très insuffisantes garanties aux créanciers, victimes de débiteurs de mauvaise foi. On réclame un peu partout son abolition.

C/ Les impôts

Art. 17 : souci de frapper les dépenses improductives.
Art. 29 : imposition de tous les « bien-fonds ». Les biens nobles et les biens d’Eglise ne sont pas soumis à la taille (le plus important des impôts locaux).
Art. 30 : consentement de l’impôt par la représentation nationale ; caractère temporaire de ce consentement.
Art. 31 : à tous les niveaux administratifs, répartition des impôts royaux par des Assemblées élues.
Art. 32 : représentation équitable des diverses catégories de contribuables.
Art. 33 : la richesse en argent est relativement peu imposée.
Art. 34 : on se plaint du caractère confus, arbitraire et changeant des droits de contrôle des actes notariés. Ces droits sont perçus par une « ferme » d’impôts qui rançonne une population en partie illettrée, obligée de recourir très souvent aux offices des notaires.
Art. 44 : vœu de simplification de la fiscalité royale.

D/ Liberté du travail et du commerce

Art. 15 : suppression des péages, qui renchérissent les produits agricoles et en gênent l’écoulement. Atténuation de la gabelle (le monopole du sel est trop coûteux pour les éleveurs).
Art. 25 : les maîtrises d’arts et métiers (acquises à titre onéreux) sont un obstacle à la liberté du travail.
Art. 26 : partout, la bourgeoisie revendique la liberté du travail et du commerce. Anduze (dont la viguerie royale s’étend depuis Lédignan jusqu’à Saint André de Valborgne) peut prétendre à un « tribunal de Commerce ».
Art. 27 : abolition de la réglementation « colbertiste » des manufactures, qui bloque les initiatives novatrices et freine la production.
Art. 28 : suppression des douanes intérieures.
Art. 37 : protestation contre les concessions minières, considérées comme attentatoires aux droits des propriétaires fonciers.
Art. 38 : l’impôt sur les cuirs ruine de nombreuses tanneries.
Art. 40 : les fabricants de drap ne peuvent exporter que par Marseille. Ce port commerce surtout avec le Levant méditerranéen : son monopole freine les exportations, en limitant les débouchés.

E/ Autres réformes

Art. 16 : la Milice (troupe provinciale) est recrutée par tirage au sort. Le jeune paysan retenu par le « sort » est éloigné de son village pour plusieurs années. Cette charge devrait incomber à tous : une contribution (qui frapperait aussi les privilégiés) permettrait de recruter des volontaires.
Art. 18 : en de nombreux endroits, le Tiers Etat veut s’assurer l’amitié du bas-clergé (auquel les gros « décimateurs » n’abandonnent qu’une faible partie du produit de la dîme). Ces « bénéficiers » de revenus ecclésiastiques accaparent l’essentiel de la dîme ; ils s’abstiennent presque complètement du service de l’Eglise, de l’aumône et même de la simple résidence sur les lieux. Cependant que beaucoup de prêtres desservants vivent dans la gêne.
Les paysans payent la dîme en nature. Son taux (variable d’un lieu à l’autre) et son application abusive à toutes les récoltes sont des objets de contestations multiples et de tracasserie sans fin. On préfèrerait le règlement collectif (en argent) d’une somme assurant aux curés des moyens d’existence convenables.
Art. 22 : dans l’armée, les grades d’officiers sont réservés aux nobles.
Art. 24 : contrairement aux règles habituelles du Droit, les redevances féodales sont imprescriptibles, ce qui ouvre la porte à de nombreux abus seigneuriaux.
Art. 35 : élément de base des futurs règlements des Assemblées élues.
Art. 36 : les officiers municipaux (consuls) sont nommés par les seigneurs, ou par le pouvoir royal ; certains consuls sont propriétaires de leur charge. On réclame l’élection des Consuls par l’Assemblée générale des habitants.
Art. 42 : défense des libertés municipales. Anduze, (qui a racheté les charges des Consuls) veut pouvoir choisir ses officiers municipaux.
Art. 42 : la bourgeoisie, créancière de l’Etat, demande partout la garantie de la Dette royale (dont l’importance a rendu inévitable la convocation des Etats Généraux).

Avec un lyrisme quelque peu visionnaire, le paragraphe terminal formule le vœu d’une union des trois ordres, dans la renonciation aux privilèges et le souci du bien public.

A suivre.