C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

22 décembre 2018

Anduze et le général oublié de l’armée révolutionnaire… 1

Pierre Mourgue, huissier de la justice de paix d’Anduze, nous a laissé trois documents originaux signés par lui en septembre 1793 et concernant les suites d’une plainte déposée par Marie Beaux pour coups et blessures. Les trois feuillets sont les citations à comparaître de différents témoins de l’affaire, sur ordonnance du juge de paix de l’époque, le nommé Chabaud.
J’ai choisi de publier en illustration celle concernant le citoyen Bousquet, médecin anduzien qui examina la requérante. Je n’ai malheureusement pas retrouvé la plainte elle-même, ce qui nous aurait permis de connaître l’auteur présumé des faits mais aussi leurs circonstances : il est simplement spécifié dans les citations que Marie Beaux, d’Anduze, est l’épouse (1) du général de division Alexis Chalbos « au service de la République ».

« L’an mil sept cens quatre vingt treize et le vingt six septambre par nous pierre mourgue huissier de la justice de pais de la ville d’anduse y habitant soussigne a la requette de citoyenne marie Beaux epouse de citoyen alexis Chalbos general de division au service de la Republique habitante de cette ville d’anduse. En conséquence de l’ordonnance du citoyen juge de pais de la dite ville randue sur la plainte de la requerante du quatorze septambre courant, j’ay cité le citoyen Bousquet medecin habitant du dit anduse a comparoir vendredy prochain vingt sept du courant a sept heures du matin par devant le citoyen chabaud homme de loy juge de pais de la ville d’anduse pour faire son raport des coups et meurtrisures que la dite marie Beaux pretant avoir recux et dont il lui est fait mantion dans sa dite plainte, et déposer vestille sur ce qu’il sera interoge luy déclarant que faute par luy de comparoir a la dite heure ou a celle de la surseance il sera condamné et l’amande suivant la loy et au dit Bousquet j’ai laisse copie et parlant a luy meme trouve dans son domicile et soy due. Mourgue »

J'avoue que si le nom du général ne me disait rien, l'officier gradé de façon aussi élevée dans l’armée révolutionnaire et aux attaches anduziennes avait piqué ma curiosité : en savoir un peu plus sur ce personnage oublié de notre histoire s'avérait indispensable ! Je n'ai pas été déçu…
 
A suivre…

(1) A cette époque la femme mariée gardait son nom de jeune fille.

8 décembre 2018

Les liens d'Anduze et Barre des Cévennes au Moyen-âge…

Quelle bonne idée d’avoir réédité, par l’intermédiaire de "le bousquet-la barthe éditions", le petit livret introuvable de Louis Jourdan « Barre et sa seigneurie ». Ce texte agréable à lire, paru en 1901 dans les Mémoires du Club Cévenol, retrace de façon vivante à travers ses différents seigneurs l’histoire du village des origines à la Révolution. D’une soixantaine de pages il est aujourd’hui complété par des petites notes d’éclaircissement judicieuses de Jean-Paul Chabrol, historien et écrivain que l’on ne présente plus.

Situé à un peu plus de cinquante kilomètres au Nord Ouest de notre cité, en Cévennes lozériennes, Barre a eu son importance dans le maillage stratégique (surveillance et défense) des possessions de la puissante maison d’Anduze au Moyen-âge. Voici quelques lignes à ce propos de Louis Jourdan :

« (…) En 1052, dans un acte du 12 janvier, le testament d’Almérade, seigneur d’Anduze, la localité de Barre est mentionnée. Almérade donne à son fils Pierre tout ce qu’il possède à Anduze et ses appartenances, et, entre autres lieux, le château de Barre et tout ce qui en dépend (omne succidimentum ejus) et le château de Peyremale. Parmi les nobles témoins (boni homines) présents à cet acte, les premiers cités sont Fredol de Barre et son fils Galterius. Comme on le voit, Barre en ce temps-là dépendait d’Anduze, mais il avait ses seigneurs particuliers qui le tenaient en fief des seigneurs d’Anduze.

« La maison d’Anduze, si puissante par ses possessions et ses alliances, tenait sous sa haute seigneurie toutes nos Cévennes : Portes, Dèze, Saint-Germain-de-Calberte, Saint-Etienne, Moissac, Meyrueis, etc. J’ai sous les yeux copie de nombreux documents qui en font foi. Je ne rappelle ici les donations faites, par elle, de l’église St-Pierre-de-Meyrueis, à l’abbaye de Gellone, en 1042, que parce que Fredol de Barre y assiste comme témoin. Il figure encore, en 1049, dans la donation qu’Almérade et sa femme Enaurs firent de la moitié de leur domaine, sis dans la paroisse de St-Martin, à la même abbaye, dans l’espoir que, par l’intercession de Saint Guillaume, un fils leur naîtrait.

« (…) Pendant le XIIe siècle, les seigneurs de Barre suivent et assistent leurs nobles suzerains d’Anduze à la guerre et ailleurs ; et certes le devoir féodal n’était point une sinécure pour les fidèles de ces Bernard et de ces Bermond que nous trouvons mêlés à tous les différends, à toutes les querelles du Languedoc et de la Provence. Il ne se signait point un traité sans que leur paraphe figurât au bas de l’acte ; pas une bataille ne se donnait dans les diocèses de Nîmes, Maguelone, Agde, Béziers, Carcassonne, Narbonne et Toulouse, sans que leur cri de guerre y retentit. Grand honneur pour le seigneur de Barre, compagnon de tant d’aventures. Long souci pour la châtelaine songeant à l’époux absent et regardant, du haut de la montagne, l’étroit et abrupt sentier par où le sire doit revenir glorieux et éclopé. (…) »


Publiée à trois cents exemplaires depuis le printemps dernier, cette petite mais très intéressante édition risque de devenir bientôt elle aussi introuvable !…

24 novembre 2018

Claudius Revoux, horloger d’Anduze…

Dans un billet du mois d’avril 2016 j’avais évoqué succinctement le nom de Revoux dont on apercevait sur une carte postale ancienne jointe un bout du magasin situé place Couverte, derrière la fontaine Pagode. Voisin du libraire Génolhac (1), j’ignorais alors qu’il était aussi son beau-frère, ayant épousé sa sœur Louise en 1883. Ces renseignements et les autres qui vont suivre m’ont été communiqués par madame Sylvette Carrichon, descendante de la famille. Des documents intéressants puisqu’en dehors du plaisir de mettre un visage derrière un nom, ils permettent aussi de constater que Claudius Revoux, horloger-bijoutier, n’était pas qu’un simple commerçant mais bien un véritable artisan-créateur à priori très apprécié au plus haut niveau de sa corporation.
 
En 1894 et à l’âge de trente cinq ans, la médaille d’or qu’il obtint à Paris de la Fédération Française des Horlogers, Bijoutiers et Orfèvres, a sans aucun doute dû booster son activité. Dans son bulletin municipal de 2011 la ville de Lézan lui rend hommage à travers un article précisant qu’il est l’auteur du dernier mouvement mécanique de leur tour de l’Horloge :  
« (…) En 1895, le sieur Claudius Revoux, horloger à Anduze, s’engage à fournir et à poser une horloge publique pour le compte de la commune et la somme de 1085, 60 frs conformément au projet établi par lui à la date du 7 décembre 1895 et approuvé par Mr le Préfet le 24 décembre 1895. Le 10 mars 1896, le PV de réception et bon fonctionnement était signé. Ainsi notre tour a été habitée par deux horloges mécaniques, celle de 1896 bien que marquant certains signes de fatigue bien compréhensibles est toujours à l’œuvre (…) »

Il serait logique, mais cela reste à vérifier, que l’horloger se soit aussi occupé de l’installation du dernier mouvement mécanique de notre propre tour de l’Horloge, sensiblement de la même époque et conservé aujourd’hui dans l’une des salles de la mairie…

(1) J’ai consacré un billet à son fils Alfred (1-novembre 2015), gravement blessé à la tête pendant la première guerre mondiale et qui écrivit un petit recueil de poésies lors de sa convalescence.

11 novembre 2018

Antoine Rodier de Labruguière : « d’Anduze à Sauve »…

Aujourd’hui je vous propose de retourner à l’époque trouble de la Révolution avec un beau document inédit de Sauve…
Un écrit officiel de la commune reconnaissant avoir bénéficié d’un prêt de six milles livres de la part d’une personnalité anduzienne dont le nom complet, à particule et peu à la mode à cette période, fut raccourci pour écrire simplement Antoine Rodier.

Antoine Rodier de Labruguière (1747-1833) a laissé une trace dans notre histoire locale grâce notamment à la rédaction d’un petit journal du voyage qu’il entreprit entre 1770 et 1771 « d’Anduze à Amsterdam ». Il était accompagné de son frère Albert mais aussi à l’aller de deux membres de la célèbre famille Lafarelle de retour d’une visite à leurs cousins de Montpellier et d’Anduze. Ce journal fut publié en 1900 par Joseph Simon, conservateur de la bibliothèque de Nîmes.

Le jour de cet « arrangement financier » nous sommes en août 1793 et Robespierre a pris le pouvoir à Paris depuis quelques semaines avec son comité de salut public qui instaurera la Terreur. Donc en France l’atmosphère révolutionnaire se durcit, d’autant plus que la disette commence à apparaître, notamment dans le Gard. Alors quand les instances locales ne réquisitionnent pas de force le grain, ils « empruntent » aux plus fortunés pour en acheter. Est-ce que ce service rendu fut « conseillé » à l’aristocrate pour montrer ses bonnes dispositions envers la République, ou bien s’agit-il de l’action personnelle d’un citoyen solidaire de compatriotes dans le besoin ? Nous n’avons pas la réponse mais il n’en demeure pas moins que cette reconnaissance de dette fut établie plus d’un an après à son nom, en décembre 1794 : la mort de Robespierre en juillet de la même année et la fin de la Terreur ont du encourager Antoine Rodier à rappeler son bon souvenir à la mairie de Sauve afin d’avoir une chance un jour de récupérer son argent…

« Nous soussignés maire, et officiers municipaux de la commune de Sauve, district de monthipolite (1), département du gard, déclarons qu’il est dû par notre commune au citoyen Antoine Rodier habitant d’Anduze, six mille livres qu’il preta a notre dite commune en vertu de la délibération prise par le Conseil général de la dite commune le dix huit du mois d’aoust (2) mil sept cens quatre vingt treize, vieux stile (3), qui furent employés a l’achat des bleds (4) pour notre grenier de subsistance, de laquelle somme il lui fut consenti un billet le deux septembre de la dite année mil sept cens quatre vingt treize par les citoyens Malzac maire, Seguin aîné, Blanc, officiers municipaux, et Maurin trésorier alors en exercice, lequel billet nous avons vizé, et paraphé pour etre envoyé a la liquidation generale a paris, et etre liquidé en faveur du dit Antoine Rodier s’il y a lieu. et comme il est possible que le billet vienne a s’égarer, c’est pourquoi nous lui avons fait la présente déclaration pour lui servir en cas de besoin.
fait a Sauve dans la maison commune le dix huit frimaire an troisième
(5) de la republique une et indivisible. »

(1) De 1794 à 1795 Saint Hypolite change de nom pour s’appeler Mont Hipolite. Ce n’est qu’au milieu du dix-neuvième siècle qu’apparaît son nom définitif : Saint-Hippolyte-du-Fort.
(2) Orthographe ancienne du mois d’août.
(3) Le calendrier républicain ne sera créé qu’à partir d’octobre 1793.
(4) Orthographe ancienne de blé.
(5) 8 décembre 1794.

27 octobre 2018

Les cochons chapardeurs de la petite Suzette…

Une petite pause tout en légèreté, avant de continuer d'aborder des sujets plus consistant concernant notre histoire locale, avec cette anecdote amusante de la vie quotidienne à Anduze au milieu du dix neuvième siècle. Elle est écrite sous la forme d’un procès-verbal dressé par les deux gardes champêtres anduziens de l’époque ; ceux-ci faisaient d'ailleurs aussi office d’agents de police municipaux aux ordres du fameux commissaire Chibert. Un personnage que nous avons déjà évoqué à travers plusieurs billets et que nous retrouverons bientôt…
 
« L’an mil huit cent cinquante deux le huit septembre à huit heures du matin.
Nous soussignés Eugène Driole et Escursan Bonny, gardes champêtres de la commune d’Anduze. Demeurant à Anduze, duement assermentés et revêtus du signe caractéristique de nos fonctions, faisant la ronde ordinaire pour la conservation des propriétés confiées à notre garde, en passant au quartier de Tavillon de la commune d’Anduze avons rencontré pleurant la nommée Suzette Laurent fille de Paul Laurent, cultivateur à la Tourette commune d’Anduze, âgée de cinq ans environ. Nous lui avons demandé pourquoi elle pleurait, sur ce elle nous a répondu qu’elle avait perdu les cochons qu’elle gardait ; aussitôt nous avons appelé le dit Paul Laurent son père et avec lui nous sommes mis à la recherche des dits cochons que nous avons trouvés au nombre de six, dans une vigne chargée de fruits sise au dit lieu de la Tourette, appartenant à maître Perot notaire à Anduze ; nous avons de suite fait sortir ces animaux de la vigne et les avons conduits chez le dit Laurent. Après quoi revenus à la vigne nous avons reconnu que les raisins de deux souches seulement avaient été mangés. Sur ce nous avons déclaré procès-verbal de la contravention au dit Laurent et à sa fille. Celui-ci nous a dit pour excuse que les cochons lui avaient échappé, mais le nommé Scipion Benoit domestique du dit maître Perot, arrivé au même moment nous a dit que c’était pour la troisième fois que pareil fait se reproduisait.
Et de ce qui précède nous avons fait rédiger le présent que nous avons signé. A Anduze les jours, mois et au susdits. » Eugène Driole, E. Bony

5 octobre 2018

Rendez-vous au Plan de Brie, pour boire l’anisette…

Cette fois c’est au tour du « clan » des fabricants de bas d’être mêlé à une bagarre, assez violente selon ce procès-verbal, à l’instar d’autres corporations déjà citées dans de précédents billets. C’est à croire qu’à Anduze la « castagne », même pour des motifs futiles, était à cette époque devenu un véritable moyen d’expression !…
 

« Cejourd’hui neuf juin mil huit cent six, à neuf heures du matin, devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire de la ville et canton d’Anduze, et dans notre cabinet au dit anduse assisté de Jacques Gache notre greffier.
Est comparu le sieur César Corbier fabriquant de bas habitant de cette ville d’anduse, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Corbier, qui a dit que le jour d’hier environ les dix heures du soir, il fut avec plusieurs de ses amis chez le nommé Barafort au plan de Brie pour boire l’anisette, il y trouva plusieurs personnes. Entr’autres le nommé Antoine Boisset fils, de cette ville, qui du moment qu’il l’apperçut lui marcha sur les pieds. Le plaignant lui demanda pour qu’elle raison il lui faisait cela, le dit Boisset lui répondit qu’il lui plaisait de le faire, le pinça fortement aux cuisses, ce qui obligea le plaignant de s’en aller et comme il y avait une marche de huit à dix degrés à descendre le dit Boisset le poussa vivement pour le jeter en bas ; mais n’ayant pu réussir il fut après lui et lorsqu’il fut au bas des degrés, prit le plaignant aux cheveux, lui en arracha une grande partie. Alors le dit Corbier se voyant provoqué continuellement par son adversaire le prit, le jeta parterre, mais le nommé Jacques Sauc charron de cette ville, oncle du dit Boisset, qui se trouvait là voyant que son neveu était terrassé, prit le dit Corbier et le mis dessous ; alors le dit Boisset donna des coups de poingts sur la figure du comparaissant, l’égratigna d’une force terrible, le mit tout en sang et sans les personnes qui étaient présentes il l’aurait sans doute laissé sur la place ; observant encore qu’après cette scène il s’en allait coucher, et lorsqu’il fut sur la plate forme du pont le dit Boisset l’y vint attendre avec des pierres, l’insulta et l’injuria mais comme le plaignant était accompagné par plusieurs de ses amis il n’osa rien entreprendre. Tous lesquels faits il affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux, César Bernard fils fabriquant de bas, Bernard aîné fils du propriétaire foncier, Pierre Coulomb fils tanneur, Louis Verdeille maçon fils à Verdeille aîné, et Louis Gonet fabriquant de bas, tous habitans d’anduze et du tout requiert acte et à signé. »

22 septembre 2018

L’auberge sans nom de la place Saint-Etienne…

Cette plainte de 1816 n’a d’intérêt, en dehors des noms cités, que de nous permettre de retrouver la place de la République (place Saint-Etienne à l’époque). Un lieu calme maintenant mais qui était à cette date, malgré son enclavement (le boulevard Jean Jaurès n’existait pas encore), particulièrement animé avec son grand marché aux moutons hebdomadaire favorisant l’existence de petits commerces tout autour. 
Ce témoignage nous confirme aussi la présence d’une auberge, peut-être la même que l’on peut voir près de l’église sur cette vieille carte postale « précurseur » des années 1900 : on peut lire le mot « auberge » sur la gauche. Un joli cliché signé E.G., bon et prolifique photographe mais dont le mystère avait fait l’objet d’un billet de ma part en juillet 2012 (2-juillet 2012, E.G. et les fileuses d’Anduze). J’en profite donc pour apporter enfin des précisions quant à son identité, apprises récemment grâce à la gentillesse de Jean-François Gallier, photographe et possesseur aussi de quelques vieux négatifs de verre de l'opérateur.
Les lettres E.G. sont les initiales d’Eugène Gervais, notaire à Anduze et grand pratiquant de la photographie en amateur ! A l’époque la librairie-papèterie G. Puget installée dans notre cité, convaincue de son réel talent, l’édita à travers de nombreuses et différentes cartes postales pour la plus grande joie des collectionneurs d’hier et d’aujourd’hui…
 
 
« Cejourd’hui vingt neuf décembre de l’an mille huit cent seize à sept heures du soir devant nous Jean Coulomb aîné, juge de paix officier de police auxiliaire de la ville et canton d’Anduze, et dans notre cabinet au dit Anduze, assisté de Jacques Gache notre greffier.
Est comparu sieur François Lauriol propriétaire foncier demeurant à sa métairie appelée le fustier dans cette commune, qui nous a dit qu’il y a environ deux heures, étant chez le sieur Brouès, aubergiste demeurant sur la place St Etienne de cette ditte ville, à boire une bouteille de vin, les nommés Auguste, Henri et David Laune frères maçons et cultivateurs, habitans au hameau de l’olivier commune du dit Anduze, sont venus le provoquer, l’injurier et le menacer en lui disant qu’à la première rencontre il le leurs payerait. L’un d’eux, le dit Auguste a levé la main pour lui donner un soufflet
(une gifle), et sans des personnes qui sont intervenues les dits frères Laune l’auraient sans doute maltraité, mais ils n’ont sans doute pas osé en présence des personnes qui se sont présentées au bruit des menaces que les dits Laune faisaient au plaignant. En conséquence il vient porter sa plainte afin que s’il vient à lui arriver quelque chose soit à sa personne soit à sa propriété, la justice soit à même d’en connaître les auteurs dans ceux qui l’ont menacé, les poursuivre et les faire punir suivant la rigueur des faits. De tous les faits ci dessus il désigne pour témoins les sieurs Simon Fontibus cultivateur et Antoine Olivier aussi cultivateur habitans de cette ville, de quoi il nous demande acte et n’a su signer de ce requis. »

8 septembre 2018

Louis Genolhac et la maudite créance…

Une plainte, encore tirée de la liasse de cette année 1806 particulièrement prolifique, qui met en scène cette fois quelques notables anduziens excluant de leur petit groupe un des leurs en faillite. Alors évidemment, dès qu’il s’agit d’argent les sentiments violents et les menaces ne sont jamais bien loin…

Cejourd’hui vingt deux octobre mille huit cent six à six heures du soir devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire de la ville et canton d’Anduze et dans notre cabinet au dit Anduze, assisté de Jacques Gache notre greffier.
Est comparu le sieur Jean Beaux fils propriétaire foncier, habitant de cette ville d’Anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Jean Beaux qui a dit, qu’il y a quelque tems que le nommé Louis Genolhac, ci devant voiturier habitant de cette ville, étant chez le sieur Genon aubergiste de cette dite ville d’Anduze, avec les sieurs Julian Neveu, Perot notaire, le dit Genon, Galoffre père, et le plaignant à parler du dérangement des affaires du dit Genolhac, et qui depuis a fait cession de tous ses biens à ses créanciers, et comme le dit Jean Beaux se trouve du nombre et pour une forte somme, il lui représentait qu’après avoir fait pour lui ce qu’un frère n’aurait pas fait, il voulait absolument être payé de sa créance, autrement qu’il le ferait exproprier. A quoi le dit Louis Genolhac répondit d’un air colère, si jamais tu me faisais exproprier tu n’en jouirais pas longtems.
Il y a environ un mois que le dit Genolhac écrivit un billet au comparaissant dans lequel on connait facilement ses mauvaises intentions et menaces ; enfin cejourd’hui le plaignant voulant encore n’avoir rien à se reprocher, a fait porter au dit Genolhac par maître Perot notaire, pour un arrangement définitif relatif à sa créance, mais il n’a pu rien obtenir. Sur cela le dit Perot lui a dit puisque vous ne souffrez rien à votre créancier, il est décidé de vous exproprier, alors le dit Genolhac lui a répondu que sitôt qu’il aurait reçu le commandement d’expropriation il se brulerait la cervèle, mais que Beaux n’en profiterait pas ; sous lesquels faits le plaignant affirme vrais et sincères et désigne pour témoins diceux les susnommés et du tout requiert acte et a signé.

27 août 2018

DARCELYS ou… Marcel d’Anduze !…

Cela fait maintenant deux ans que je garde sous le coude un petit dossier concernant l’artiste anduzien Marcel Louis Domergue dit Darcelys ; un ensemble de documents, pour certains originaux, constitué pour l’essentiel par les éléments d’un courrier envoyé en 2016 à la mairie par Marguerite Benedetti, fille de Jean Allard. Celui-ci fut à Marseille l’éditeur de musique (« Marseille chansons ») de Darcelys.

Le chanteur est né à Anduze en décembre 1900, à Labahou. Nous le retrouvons déjà à Marseille pendant son adolescence et il acquiert une certaine popularité au lendemain de la première guerre mondiale en exerçant son art dans les différents cafés et cabarets de la ville avec le répertoire des chansons de Dalbret.
En 1926 il monte à Paris avec de nouveaux titres mais chante aussi ceux de l’énorme vedette d’alors et de onze ans son aîné, Alibert. Ce sont les chansons des différentes opérettes composées par le célèbre Vincent Scotto. Dans les années 1930 le succès lui ouvre les portes du cinéma et il tournera plusieurs films avec notamment Fernandel et Andrex. Marcel Pagnol fera appel à lui pour jouer le rôle du Tatoué dans « Angèle » (1934). Comme le monde est petit quelques fois dans le milieu artistique, il est à noter que dans cette production apparaissent dans de petits rôles Henri et Blanche Poupon, successivement auteur et compositrice de musique mais aussi oncle et tante de Marguerite Benedetti, notre correspondante !

S’il doit y avoir une chanson qui marqua définitivement la carrière du chanteur-acteur, c’est bien « Une partie de pétanque » (paroles de André Montagard et musique du même avec Léo Nègre) souvent reprise d’ailleurs par d’autres artistes de renom au cours du vingtième siècle. Il continua à se produire et enregistrer des disques jusqu’à la fin des années 1960 ; il fut invité dans l’une des émissions de Michel Drucker en 1968. Celui qui n’avait jamais oublié d’où il venait, en signant toujours ses contrats « Marcel d’Anduze », est décédé en novembre 1973 à Marseille.

Les décors de deux lieux à Anduze se prêteraient formidablement bien à la conservation du nom et de la mémoire de cet artiste, avec un dénominateur commun : le parc des Cordeliers. D’abord la nouvelle scène ouverte dont les travaux vont bientôt s’achever et qu’il faudra baptiser le moment venu. Ensuite l’espace réservé aux jeux de boules dans les hauteurs du parc, en référence à la célèbre chanson du chanteur…

22 juin 2018

Héritage rue Notarié : le chandelier de la discorde…

Nous sommes toujours en 1817 mais cette fois-ci nous plongeons au cœur d’un conflit « sanglant » concernant un héritage familiale rue Notarié. En cette fin juillet ils n’ont même pas l’excuse d’un coup de chaud, la rue étant l’une des plus fraîches d’Anduze !…

« Est comparue Jeanne Boni, épouse de sieur Pierre Laporte propriétaire, habitante de cette ville d’anduze, qui nous a dit que la veuve Ferrier née Françoise Boni sa sœur habitante de cette dite ville les invita jeudi dernier par notre intermédiaire a vuider (forme ancienne de vider) les appartemens qu’ils occupaient ainsi que son dit mari dans la maison du défunt Antoine David Bony, père, commun, size en cette ville rue notarié, qu’ayant effectivement commencée a sortir de la dite maison une partie de leurs meubles et effets sans que les dites veuve Ferrier et femme Gascuel sa fille s’y fussent opposées, elle croyait cejourd’hui pouvoir continuer de faire emporter ses dits meubles et effets, que s’étant rendue a cet effet au premier étage de la dite maison, la dite femme Gascuel née Adèle Ferrier, s’y est présentée et lui a dit qu’une vanne rouge d’indienne à ramage (l’indienne est un morceau de toile coton imprimée, produit de luxe à l’époque destiné aux vêtements mais aussi à l’habillage des chaises et fauteuils) qui y était lui appartenait. La plaignante lui a répondu qu’elle se trompait, que la vanne qu’elle réclamait se trouvait dans une pièce au haut de la dite maison ; elle s’est emparée d’un chandelier de leton et voulait l’emporter, quand la plaignante lui a observé qu’il ne lui appartenait point ; si fait a répondu la femme Gascuel il m’appartient ainsi que tout ce qu’il y a dans la maison et vous ne l’aurés pas ; la femme Laporte s’étant avancée pour s’emparer de son chandelier la dite femme Gascuel lui a donné deux ou trois coups avec, sur la figure à côté de la tempe droite d’où le sang coulait, et en aurait fait davantage si le dit Gascuel son mari ne l’eut arrêté et faite retirer après lui avoir arraché le dit chandelier des mains. Observant la plaignante que jeudi dernier trente un juillet, la veuve Ferrier sa sœur vint dans l’écurie de la dite maison où elle reconnaissait ses effets pour les faire emporter, ferma la porte, prit un manche de pèle et voulait disait-elle lui faire sortir la fiente par la bouche, mais la fille de la plaignante qui se trouvait là ayant criée au secours il vint des personnes qui empéchèrent la dite veuve Ferrier d’exécuter son projet. Tous lesquels fait la dite femme Laporte affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux les nommés Pommier dit izabelette père et fils cultivateurs, la femme du nommé Roumajon travailleur de terre et le sieur Jean-Pierre Gervais boulanger, tous habitans du dit anduze et du tout requiert acte, se déclare partie civile et a signé ainsi que le dit Laporte son mari. »

10 juin 2018

L’auberge du Luxembourg à Anduze…

« Cejourd’hui », avec une plainte datée du trente mars 1817, nous faisons connaissance avec le tenancier de l’auberge du Luxembourg, un certain Jacques Chivalet. Aucune adresse n’est spécifiée mais on peut raisonnablement penser que l’établissement se trouvait à l’emplacement de l’hôtel du même nom et ouvert jusqu’à notre époque contemporaine. 
J’avais évoqué celui-ci dans un billet (1 - septembre 2010) consacré entre autres à Louis Armstrong, venu à Anduze en convalescence pendant une quinzaine de jours après s’être éclaté une lèvre lors d’un concert à l’Imperator de Nîmes.
L'hôtel possédait deux entrées distinctes, l’une rue du Luxembourg, l’autre sur le Plan de Brie au niveau du « bureau de voitures » (encore visible à côté de l’actuel café du Centre) où l’on achetait dans le passé ses billets pour les voyages en diligence.

Le regretté Pierre-Albert Clément s’était intéressé aux hostelleries, auberges et gargotes d’Anduze aux XVII et XVIII ème siècles avec notamment un article dans Le Lien des Chercheurs Cévenols (N°158 de 2009) où il émettait un avis assez controversé quant à l’appellation Luxembourg : « (…) Dans la liste de l’équivalent de 1693 ne figure pas un cinquième établissement qui est le seul à avoir conservé sa fonction d’accueil puisqu’en 2009 il est encore un hôtel-café-restaurant très fréquenté. il s’agit de l’hôtel du Luxembourg cité par une enquête de 1750. Son propriétaire s’appelle alors Antoine Brousse et il est qualifié d’hoste. L’immeuble est donné pour 16 cannes (64 m2) plus une cour de quelques dextres où Brousse cultive « des fleurs et des choux pour son usage ». Il est situé au carrefour de la place dite aujourd’hui Plan de Brie et du « Chemin Royal » arrivant de Nîmes. Comme pour le Lion d’Or, l’appellation relève du pur calembour, le Luxe en bourg, un slogan on ne peut plus porteur. » 

Parallèlement au transport des voyageurs il existait aussi celui des marchandises et l’auberge d'alors devait accueillir les conducteurs des différents attelages, les « rouliers », faisant étape dans la cité.

Encore une fois ces procès-verbaux, témoignages brutaux quelques fois, ont l’avantage avec le recul du temps de nous fournir un grand nombre d’informations précieuses car authentiques sur l'ancienne vie locale…

« Est comparu sieur Jacques Chivalet, tenant l’auberge du luxembourg de cette ville d’anduze y habitant, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Chivalet. Qui nous a dit, qu’il n’y a qu’un moment les sieurs Jacques Bourguet père et Philipe Bourguet fils, maçons, habitans de cette ditte ville, sont venus lui demander qu’il leur fit un voyage de pierres avec la charrette, ainsi qu’ils avaient convenu, à raison de quelques réparations que les dits Bourguet lui avaient fait à sa remise. Le plaignant leur a répondu, je ne puis faire ce voyage ni demain ni après demain. A quoi les dits Bourguet ont riposté, si vous ne pouvés pas le faire payés nous le. Chivalet a acquiescé et leur a demandé combien ils voulaient, deux francs ont répondu les dits Bourguet ; je vous les donnerai a dit Chivalet, venés chez moi les chercher ; ils sont entrés dans la dite remise. Si tot y être le dit philipe Bourguet lui a sauté dessus, lui disant que cela ne lui convenait pas, de refuser le payement de ce voyage ; ensuite le dit Bourguet père le pris aux cheveux, mais du tems qu’il se défendait Bourguet fils le pris par les parties, et l’aurait sans doute tué ou estropié sans les personnes qui sont venues au secours de Chivalet. Tous lesquels faits ce dernier affirme vrais et sincères désigne pour témoins diceux les sieurs Bernard, Rolland, rouliers, demeurant à florac (Lozère) Jean Uset aussi roulier, demeurant au mas-Zieu, commune de Saint Chely (Cantal) Fayet dit quenette portefaix, Elie Teissonnière, charon, et Jean Pougy, travailleur de terre, habitans de cette ditte commune ; de tout quoi il nous demande acte, se déclare partie civile et n’a su signer de ce requis. »

27 mai 2018

Anduze, 11 rue Droite…

C’est vrai qu’à première vue la façade de l’immeuble n’a rien d’extraordinaire, à part les tailles hors normes des fenêtres et de la porte d’entrée. Par contre il suffit que l’un des battants de celle-ci soit ouvert au moment où vous passez dans la ruelle pour que votre regard tombe sur la magnifique calade qui recouvre le sol. Les pierres forment des motifs géométriques du plus bel effet, même dans la pénombre, comme une invitation à entrer… Ce large et long porche a tout du passage couvert, avec une grande hauteur de plafond : peut-être que dans le passé cet accès était public et permettait de relier la rue Droite au quartier situé derrière les immeubles, avant la création de la rue Neuve ? Dans le passage et à droite s’ouvre une jolie cage d’escalier agrémentée d’une rampe en fer forgé très bien conservée dont un monogramme et une date nous apprennent qu’elle a été posée en 1769 par le propriétaire d’alors, Antoine Vignolles de Lafarelle…

Quelle belle occasion d’évoquer encore cette vieille famille anduzienne qui a fait partie de l’histoire locale, avec ses consuls et autre maire, durant plusieurs siècles. D’origine noble on retrouve sa trace dès le début du quatorzième siècle avec la possession de divers fiefs dans la région. De ce fait elle a peut-être été la témoin privilégiée de la construction de la tour Ronde, devenue par la suite la tour de l’Horloge !
C’est avec Légier de Lafarelle et son installation avec sa femme au sein de la cité dans le premier quart du seizième siècle que démarre la branche anduzienne de cette Maison particulièrement prolifique à l’époque : lui-même aura huit enfants dont cinq garçons avec autant de branches créées ! C’est son fils aîné, Gaucen (je n’invente rien !), qui poursuivra la branche d’Anduze. Son dernier descendant mâle, François Félix de Lafarelle, longtemps désiré par ses parents et finalement né en 1800 d’une mère de quarante ans et d’un père de cinquante, est mort en 1872 à Nîmes sans avoir eu de fils, mais deux filles.

J’ai déjà écrit quelques lignes sur François Félix dans le cadre d’un billet (2 - octobre 2016) avec la reproduction d’un article sur les seigneurs d’Anduze dont il était l’auteur. Entre-temps la lecture d’un ouvrage lui étant consacré et qui m’avait échappé – écrit par l’un de ses descendants Edouard Dumas – vint conforter mon opinion quant au caractère exceptionnel du destin de cet homme. Il s’agit de « Des Cévennes… à Nîmes, François Félix de Lafarelle-Rebourguil », édité chez Lacour en 1990. En dehors du cas particulier de François Félix, ce livre traite essentiellement de la généalogie des différentes et nombreuses branches issues de la Maison Lafarelle d’origine jusqu’à notre époque contemporaine. Quelques fois apparaissent dans les tableaux généalogiques des informations étonnantes car inattendues, comme par exemple la présence de Renaud Donnedieu de Vabres, homme politique et ancien ministre de la Culture sous la présidence de Jacques Chirac. Décidément, tous les chemins mènent à Anduze !…

27 avril 2018

Retour sur l’agression du maréchal-ferrant, Anduze, mai 1806…

Dans le billet 2 de novembre 2017 nous avons fait la connaissance de Louis Maurin, maréchal-ferrant à Anduze en 1806, à travers une plainte qu’il portait contre Marc Ducros, bourrelier de son état mais surtout son violent agresseur… J’ai retrouvé récemment un document concernant cette « affaire » qui nous donne une autre version de l’histoire ! Il s’agit de la déposition du sieur Ducros, effectuée la veille de celle de Maurin et le jour même des faits :

« Cejourd’hui vingt cinq mai mil huit cent six à neuf heures du soir, devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix et officier de police judiciaire de la ville et canton d’anduze, et dans notre cabinet assisté de Jacques Gache notre greffier.
« est comparu sieur Marc Ducros, bourrelier habitant d’anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Ducros qui a dit qu’il y a environ une heure et alloit au quartier des casernes ou il a une écurie pour donner à manger à sa bourique, le sieur Louis Maurin, maréchal à forge qui lui en veut depuis longtems, qui le guettait est venu du moment qu’il entrait dans la grande porte des dites casernes ; et lui a donné un grand coup de coude pour le provoquer ; le plaignant lui dit la porte est bien assés large sans venir me coudoyer de cette force ; sur cela le dit Maurin lui donna un grand souflet sur la joue droite qui lui fit tomber son bonnet, et s’enferma de suite chez le nommé Mauret ; voyant que le plaignant s’en alloit à sa maison, il lui jetta une grosse pierre, que s’il l’avait atteint il l’aurait laissé sur les carreaux. Sous lesquels faits il affirme vrais et sincères désigne pour témoins d’iceux le sieur Mauret et son épouse, sieur Louis Laporte, Fesquet aubergiste, David Seite propriétaire foncier, Nogaret coutelier, la femme de Martin cordonnier et la nommée Gervais femme de Gras Portefaix, tous habitans du dit anduze ; et du tout requiert acte, se déclare partie civile et a signé Marc Ducros.»


Nous avons donc là deux plaintes distinctes pour une affaire ou bien sûr les rôles du « Bon » et de la « Brute » s’intervertissent selon la version de chacun… Le plus amusant dans cette anecdote locale d’un autre temps est qu’ils aient cité tous les deux des témoins communs ; je n’aurais pas voulu être à la place particulièrement inconfortable des Mauret lors de leur éventuelle comparution devant le juge de paix ! Remarquez, il manquait encore le rôle du "Truand" dans la distribution, alors…

31 mars 2018

Anduze 1817 : le perruquier et le docteur…

Livre de la Bibliothèque Nationale

« Mr. Hercule Gache perruquier doit à Mr. Viguier médecin, la somme de vingt-cinq francs (25 fr) – Savoir pour soins et visites relativement à la maladie de sa femme au mois de mars, – vingt francs (20 fr). Pour conseils donnés verbalement à sa femme chez elle le 12 avril – cinq francs (5 fr). Ce qui fait 25 fr pour la somme due. à Anduze le 10 juillet 1817. Pour acquit Viguier »

Cette reconnaissance de dette, établie plusieurs mois après les interventions du médecin, est émouvante à plusieurs titres.
D’abord elle montre les difficultés d’une profession, celle de perruquier, qui à cette époque est à bout de souffle, la Révolution étant passée par là pour ralentir la coutume essentiellement aristocratique de porter perruque. Même si l’on retrouve des traces de cette activité dans l’Antiquité, en France c’est Louis XIII qui initia durablement cette pratique suite à une grave maladie qui lui fit perdre une partie de ses cheveux. Les courtisans, pour lui plaire, emboîtèrent le pas et le postiche capillaire devint progressivement, au-delà d’une mode, un véritable emblème représentatif de la noblesse. Parmi tous les Louis qui lui succédèrent, c’est certainement sous le quatorzième qu'il fut utilisé à son paroxysme. L’artisan perruquier acquit un statut très important.

En deuxième lieu ce petit document témoigne de l’exercice professionnel de l’un des plus célèbres docteurs d’Anduze, Alexandre-Louis-Guillaume Viguier. Ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre cité ont reconnu l’auteur de la « Notice sur la ville d’Anduze et ses environs », publiée en 1823 et rééditée en 1987 par les éditions Lacour.
De façon plus amusante nous découvrons aussi, avec ce manuscrit inédit, l’étonnante signature du jeune praticien. Son étude graphologique pourrait sans doute s’avérer intéressante…

16 mars 2018

Anduze, avril 1792 : l’affaire de l’incendie du château de Veirac… (4)

Dans cette quatrième et dernière partie je n’ai recopié que l’introduction du dernier procès-verbal en notre possession, celle-ci présentant les très intéressants noms et métiers de l’ensemble des témoins anduziens convoqués le vingt huit avril 1792 par le juge de paix. Pour le reste du document il ne s’agit que de la confirmation des déclarations enregistrées sur le même modèle que celles que je vous avais transmises précédemment. D’ailleurs la grande similitude des témoignages pourrait faire croire qu’ils s’étaient tous donnés le mot avant de venir, en déclarant notamment et à l’unanimité n’avoir reconnu personne ce jour-là au château de Veirac…

« L’an mil sept cens quatre vingt douze et le quatrième de la liberté, le samedi vingt huit avril, heure de huit du matin par devant nous Louis Fontane, homme de loy juge de paix, officier de police de la ville d’anduze. Sont comparus sieur Michel Gache, chapelier, sieur Jean Seyte, garnisseur de drap, sieur Paul Fraissinet cordonnier, sieur Pierre Blanc meunier, sieur Jean Fabre tailleur d’habit, sieur Antoine Fabre boulanger, sieur Jean Faïsse menuisier, sieur Antoine Lapierre perruquier, sieur Beaumont bridier (ouvrier qui fabriquait des brides en cuir), sieur Mercier aîné bourgeois, sieur Cadet Jullian fondeur et sieur Gilles Commune marchand chez le sieur Martin. Tous habitans de cette ville. Témoins appellés en vertu de la cédule (acte par lequel un juge de paix permet d’abréger les délais dans les cas urgents) délivrée par nous le jour d’hier 27e courant a l’effet de déclarer les faits & circonstances qui sont à leur connaissance au sujet du délit dont est question en la dénonce a nous faitte par le procureur de la commune de cette ville. Lesquels témoins sus nommés, après avoir preté le serment en tel cas requis, ont fait leur déclaration ainsi qu’il suit… »

Un petit mot concernant le propriétaire de cet énigmatique château de Veirac, appelé « sieur hostalier » dans les différents procès-verbaux. En 1715 le baron Daniel Hostalier de Saint-Jean, receveur des tailles, acheta au baron de Pézène la tour du même nom avec son îlot de bâtiments – qui était appelée à l’origine tour de Veirac car faisant partie du fief portant ce nom et situé dans le nord de la ville. Il s’agit donc de la même famille, d’autant plus que Thierry Ribaldone écrit, dans son excellent article sur la tour urbaine de Pézène dans Cévennes Magazine n° 1442, que son épouse conservera les droits seigneuriaux jusqu’à la Révolution. Ce qui est moins clair c’est la situation exacte du « château » qui fut incendié, désigné à plusieurs reprises dans les témoignages comme « maison de campagne »…
Nous avons encore à Anduze un « chemin de Veyrac » (notez ici le Y) traversant un quartier nommé de même et qui se trouve au sud-est de la cité, dans un environnement campagnard : le baron Hostalier avait-il aussi récupéré cette terre en même temps que la tour de Pézène ? Faisait-elle partie du même fief de Veirac (notez ici le I) ?… Des recherches seraient encore à faire ici !

Pour revenir à cette affaire d’incendie, nous n’avons pas dans le lot de documents en notre possession celui de la conclusion de l’enquête. Il est fort probable qu’elle fut finalement sans suite, du fait d’un dossier particulièrement vide, conséquence d’un contexte révolutionnaire où le silence devait être la règle d’or en ces temps troublés ! Une Révolution qui n’avait pas encore livré tout son cortège d’horreurs avec la Terreur qui se profilait à l’horizon…

3 mars 2018

Quand l’hiver habille Clara…




           En ce dernier jour de février, particulier
           Sous les fins flocons de neige virevoltants,
           Mes pas me conduisirent, le cœur palpitant,
           Vers le beau et magique parc des Cordeliers.

           Clara m’attendait, patiente comme toujours,
           Surprenante dans sa tenue d’hiver blanche.
           Tellement rare en habit du dimanche,
           Je félicitais la belle pour ce grand jour.

           Avant tout la fille du seigneur d’Anduze
           La troubadouresse voulait, sans excuse,
           Rappeler son personnage d’élégante.

           Et vous, dame Nature extravagante,
           Merci pour la création haute couture
           Qui mit en valeur notre chère sculpture…

10 février 2018

Anduze, avril 1792 : l’affaire de l’incendie du château de Veirac… (3)

Nous terminons, avec ce troisième volet, l’état des lieux chaotique dressé par le juge de paix et commençons à découvrir les procès-verbaux des nombreux témoins dont le point commun restera le fait qu’ils ont tout vu des exactions des « attroupés », mais n'ont reconnu… personne ! Nous sommes bien en Cévennes… 

« De la nous sommes montés au premier étage de la ditte aile de batiment et a la chambre qui est au-dessus de la ditte cuisine, la ditte chambre éclairée par deux fenetres situées au midy et une fenetre du coté du Nord, le plancher supérieur de la ditte chambre a été brulé presque en entier, les petits bois & contre vent des dittes fenetres enlevés ainsy que nous l’avons vu & que les gens de l’art l’ont remarqué. De la nous sommes entrés dans un cabinet qui est a coté de la ditte chambre & qui est éclairé par une fenetre située au midy nous avons vu & les gens de l’art ont reconnu que la porte du dit cabinet ainsy que les contre vent & petites bois de la ditte fenetre avoient été enlevés. De la nous sommes montés au second étage de la ditte aile de batiment et a la chambre qui se trouve sous les toits, laquelle est éclairée par deux fenetres situées au midy & par une autre fenetre située au Nord, nous avons vu & les gens de l’art ont reconnu que la porte d’entrée de la ditte chambre a été enlevée ainsy que les contre vent des dittes trois fenetres, le couvert & boisage étant en bon état, sauf les tuiles qui sont brisées en partie. De la nous sommes dessendus & étant sortis de la ditte maison nous sommes entrés dans un petit batiment servant de loge a cochon adossé et tenant à la ditte maison du coté du levant. Nous avons vu et les gens de l’art ont reconnu que la porte du dit batiment a été enlevé et le dit batiment brulé, ny ayant que les quatre murs. De la nous avons été a un batiment adossé a la ditte maison du coté du couchant, le dit batiment servant de magnanerie et de grenier a foin éclairé par trois fenetres & situées au midy. Par une fenetre située au couchant et par deux autres fenetres et une troisième plus petite situées au Nord nous avons vu & les gens de l’art ont remarqué que les contre vent des dittes fenetres avoient été enlevés et une partie des tuiles du couvert de la ditte magnanerie brisée. Et attendu la présence du dit sieur Claude Villaret & Marie Bastide sa femme les avons sommés après qu’ils ont eu prêté le serment en tel cas requis de nous déclarer s’ils connaissoient les auteurs du délit cy dessus. Le dit Claude Villaret meunier demeurant en qualité de fermier a la maison de campagne de Veirac, appartenant au sieur hostalier, agé de soixante quatre ans, nous a dit n’être parent, allié, serviteur ny domestique du dit procureur de la commune et être seulement le fermier du dit sieur hostalier & nous a déclaré n’avoir reconnu personne a cause du prodigieux nombre des attroupés et avoir vu les dits attroupés jeter au feu toutes les portes et contre vent qu’ils arrachoient des fenetres. Qu’il parvint cependant a sauver quatre ou cinq contre vent et a signé sa déclaration. »
« Marie Bastide épouse du dit Claude Villaret & demeurant avec son dit mary, âgée de cinquante sept ans, déclare n’avoir reconnu personne a cause du grand nombre des attroupés, et avoir vu les dits attroupés arracher les portes & les contre vent des fenetres de la ditte maison et les jeter au feu ainsy que le bois et les sarmans qu’ils avoient ramassés et entassés au devant de la ditte maison pour leur usage. Requise de signer sa déclaration a dit etre illettrée et nous avons de ce que dessus dressé le présent proces verbal, lequel les dits notables & gens de l’art ont signé avec nous et notre secrétaire greffier. »

« Procès verbal de déclaration de témoins
« L’an mil sept cens quatre vingt douze & le mercredi onzième avril, par-devant nous juge de paix & officier de police de la ville d’anduze
« sont comparus sieur David Puget, Paul Fraissinet et Barthelemy Lapierre, témoins amenés par le procureur de la commune de la ville d’anduze a l’effet de déclarer les faits & circonstances qui sont a leur connoissance au sujet du délit dont est question en la dénonce faite par le sieur procureur de la commune de la quelle nous avons donné connoissance aux dits témoins sus nommés. Les quels après avoir prêté le serment en tel cas requis ont fait leur déclaration ainsy qu’il suit. »
« Sieur David Puget tailleur d’habits citoyen de cette ville agé de trente huit ans a dit n’être parent, allié, serviteur ny domestique du dit procureur de la commune ny du sieur hostallier, et déclare qu’il sait que la maison de campagne du sieur hostallier, situé au lieu de Veirac, a été dévastée & brulée, qu’il a vu même les flammes du feu sortir de la dite maison mais qu’il na point vu ny ne connoit point les auteurs du dit délit. Lequel fut commis le jeudi cinq du courant vers les cinq heures du soir et plus na dit savoir & a signé la présente déclaration. PUGET »
« Sieur Paul Fraissinet fils cordonnier citoyen de cette ville agé de vingt trois ans a dit n’etre parent, allié, serviteur ny domestique du sieur procureur de la commune ny du sieur hostallier et déclare que jeudy dernier cinquième du courant sur les cinq heures du soir, étant à Veirac il aida le sieur Villaret, fermier du sieur hostallier, a sortir les meubles que le dit Villaret avoit dans la maison de campagne du sieur hostallier située a Veirac. Il dit que la ditte maison étoit incendiée mais il ne vit & ne reconnut point les auteurs du dit délit & plus na dit savoir & a signé la dite déclaration. FRAISSINET FILS »
« Sieur Barthelemy Lapierre fils, perruquier citoyen de cette ville agé de dix neuf ans a dit n’être parent, allié, serviteur ny domestique du dit sieur procureur de la commune ny du sieur hostallier et déclare que le jeudi cinq du courant sur les cinq heures du soir, se trouvant au lieu de Veirac il aida le sieur Villaret, fermier du domaine du sieur hostallier situé au dit lieu de Veirac, a sortir les meubles que le dit Villaret avoit dans la maison. La quelle le déposant vit toute en feu et incendiée, mais il ne connut point & ne vit point les auteurs du délit et plus na dit savoir et a signé la ditte déclaration. LAPIERRE FILS »


A suivre

27 janvier 2018

Anduze, avril 1792 : l’affaire de l’incendie du château de Veirac… (2)

Avant d’aborder la suite du précédent billet, je voudrais apporter une rectification à celui-ci quant au texte que j’avais attribué à Yves Chassin du Guerny dans le fascicule à son nom concernant le château de Tornac. En effet, je viens de retrouver en parcourant le rarissime livre de Francis Bernard « Terre de Tornac », édité en 1947 à cent exemplaires numérotés, le même texte au mot près sur les incendies de châteaux en avril 1792… L’oubli de mentionner l’auteur du texte dans le fascicule et mon manque de vigilance ont conduit à cette erreur, aussi « rendons à César ce qui est à César »…

Cette deuxième partie nous permet de commencer à visiter l’endroit sinistré en compagnie du juge de paix et de divers témoins pour un procès-verbal d’état des lieux. Un château souvent qualifié dans le texte de « maison de campagne », ce qui corrobore bien l’idée qu’il s’agissait certainement d’un grand mas et ses dépendances. Une maison de maître que la qualité de ses propriétaires, dépendant de l’aristocratie et de la féodalité, a fait rebaptiser « château » par les simples citoyens de l’époque…

Les écrits ont été recopiés tels quels (fautes comprises) pour garder l’esprit du document. Par contre, la ponctuation étant totalement absente, je me suis permis d’en ajouter quelques-unes ici ou là pour rendre la lecture un peu plus digeste !
 
« L’an mil sept cens quatre vingt douze et le mercredi onzième avril a trois heures après midy, nous Louis Fontane juge de paix & officier de police de la ville d’anduze, en conséquence de notre ordonnance apposée au bas de la dénonce a nous faite cejourd’hui par le procureur de la commune de la ville d’anduze. Etant accompagné des sieurs Jean Regoure & Charles Silhol, tous deux notables de la ditte ville d’anduze, dont nous avons requis l’assistance a l’effet d’être en leur présence procédé aux opérations cy après dont nous leur avons fait connoitre l’objet, et de sieur Louis Ferrier maçon architecte et sieur Joseph Massot serrurier, citoyens de la ville d’anduze aussi requis de se trouver à la maison de campagne située au lieu de Veirac, appartenant au sieur hostalier citoyen de la ville de Montpellier, pour y visiter les dégats dévastations et incendies commises à la ditte maison de campagne & batiments y attenant dont il est fait mention en la dénonce du dit sieur procureur de la commune, les quels dits sieurs Ferrier & Massot ont preté en nos mains le serment de procéder en leur ame & conscience et de déclarer vérité. Nous nous sommes transportés a la ditte maison de campagne située comme est dit cy dessus au lieu de Veirac, ou étant nous avons trouvé le sieur Claude Villaret fermier du dit sieur hostalier, lequel sur notre réquisition nous a conduit à la ditte maison de campagne, et étant arrivés a la porte d’entrée nous avons requis les dits Ferrier & Massot d’en faire la visite avec nous a l’instant, a quoy procedant nous avons vu & les sieurs gens de l’art ont remarqué que le batant de la porte a droite en entrant dans la ditte maison a été brulé y en ayant encore une partie qui, quoique réduit en charbon, tient encore au gond supérieur ; et le batant a la gauche de la ditte porte d’entrée est hors de ses gonds et tient par une longue pièce de bois qu’on a placé dans la maison. La partie supérieure du dit batant est en bon état et la partie inferrieure a été brisée a coup de hache. Etant entrés dans la ditte maison nous avons vu l’aile droite en entran composée de trois pièces, l’une au rez de chaussée, l’autre au premier & la troisième au second. Celle du rez de chaussée éclairée par trois fenetres, deux du coté du midy & l’autre du coté du nord. Celle du premier éclairée par un même nombre de fenetre, deux du coté du midy & une du coté du levant, et celle du second égallement éclairée par deux fenêtres, l’une au levant & l’autre au midy, laquelle aile de batiment nous avons vu & les gens de l’art ont remarqué avoir été entièrement brulée jusque au couvert inclusivement, ainsy que toutes les portes contre vent & petit bois des dittes trois pièces a l’exception d’une petite partie du plancher formant la partie haute de la chambre du premier étage. Celle du rez de chaussée étant couverte d’un tas de ruine tuiles brisées et bois brulés ou a demi brulés, ny ayant dans cette partie que les quatre murs et vis a vis. La porte d’entrée de la ditte maison est un cavot s’enfonsan sous l’escalier, nous avons vu et les gens de l’art ont remarqué que la porte du dit cavot avoit été arraché ainsy que quelques étages en bois qui étoient dans le dit cavot. De la nous sommes entrés dans une pièce servant de cuisine au fermier située au rez de chaussée et sur la gauche en entrant. Dans la ditte maison nous avons vu & les gens de l’art ont reconnu que la porte a deux batants de la ditte cuisine avoit été arrachée & l’arboutant de fer qui tenoit un des dits batants coupé, que la cheminée en platre de la ditte cuisine a été abatue ainsy que le fourneau a recheau, que les portes des deux armoires qui sont dans la ditte cuisine ont été arrachées ainsy que les contre vents des deux fenetres situées au midy et éclairant la ditte cuisine… »

A suivre

13 janvier 2018

Anduze, avril 1792 : l’affaire de l’incendie du château de Veirac… (1)

Toujours dans la suite des documents retrouvés par hasard au dernier étage de la mairie et non répertoriés dans nos archives municipales (ce que je vais entreprendre au plus tôt !), je suis tombé sur une liasse de feuillets manuscrits d’époque révolutionnaire relatant l’enquête concernant l’incendie criminel du dit « château de Veirac » au mois d’avril 1792…

Un témoignage local exceptionnel en relation avec l’événement historique plus large des nombreux incendies de châteaux dans le Gard et ailleurs. Voici ce que disait à propos de cet épisode le grand archiviste de notre département, Yves Chassin du Guerny, dans son fascicule consacré au château de Tornac, qui fut lui-même embrasé le 4 avril :
« (…) En ce même printemps, quantité de châteaux furent brûlés dans le département sous l’impulsion de la colère provoquée dans les esprits exaltés par l’accident de Villeneuve-les-Avignon (25 mars 1792) où soixante-neuf volontaires furent noyés. On crut à un complot fomenté par les aristocrates et on se vengea en incendiant leurs châteaux. » (…) Il est vrai aussi que les auteurs de ces excès étaient généralement des « patriotes », des amis de la Constitution, « de bons cultivateurs d’une moralité saine dans la conduite ordinaire de la vie ». Sans doute il se glissa dans leurs rangs de mauvais sujets poussés par l’amour du pillage. (…) »

Je vais donc vous proposer en plusieurs billets ce rapport original. Aujourd’hui, dans ce premier document, nous faisons la connaissance de Charles Louis Albaret, procureur d’Anduze et de Louis Fontane, juge de paix et officier de police d’Anduze ; ainsi que de son greffier, un certain Coulomb, peut-être de la même famille que le juge de paix que nous connaissons bien et qui officia à l’époque napoléonienne (voir billets précédents). Je vous parlerai aussi plus tard du sieur Hostallier, propriétaire des lieux sinistrés et bien sûr lié au nom de Veirac dont les différentes orthographes ont créé un imbroglio, source de confusion chez certains historiens contemporains :

« A monsieur le juge de paix officier de police de la ville d’anduse »

« Charles Louis Albaret procureur de la commune de la ville d’anduse vous remontre que jeudi dernier, cinquième du présent mois d’avril, l’on apprit au point du jour que des troupes armées portoient l’incendie & la dévastation dans tous les châteaux & maisons qu’on disoit appartenir aux ennemis de la Constitution ; cette funeste erreur, ce terrible aveuglement s’est propagé jusque sur notre territoire, la maison de campagne du sieur hostalier citoyen de montpeiller située dans le quartier de vairac a été dévastée & incendiée, pourquoi le dit procureur de la commune déclare qu’il vous dénonce le fait ci-dessus enoncé, dont-il offre d’affirmer la vérité, & qui sera attestée par les témoins amenés avec lui, & vous requiert d’agir conformément à la loi. » Signé Albaret et Fontane.

« La présente dénonce signée du sieur Albaret procureur de la commune de cette ville d’anduze nous a été présentée cejourd’huy mercredi onzième avril a une heure de retenue par le dit procureur de la commune le quel a affirmé que le fait étoit tel qu’il avoit exposé dans la dite dénonce de laquelle lui avons donné acte et attendu la présence des témoins amenés par le dit procureur de la commune nous avons reçu la déclaration des dit témoins sur les faits contenus en sa ditte dénonce des quelles déclarations ils été tenu notte par notre greffier pour servir & valoir ce qu’il appartiendra »
« Au surplus disons que sur le champ nous nous transporterons sur les lieux du délit pour en présence de deux notables être fait visite par un mâcon & un serrurier de l’état des dits lieux et prendre tous les éclaircissements relatif au délit dont est question dans la présente dénonce à anduze dans notre maison & cabinet le mercredi onzième avril mil sept cent quatre vingt douze. » Signé Fontane, juge de paix et officier de police.
 
A suivre…