C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

21 septembre 2019

Anduze 1899 : le chemin de fer de la discorde… 2

Voici la suite et fin de cette étonnante délibération municipale qui permit quand même, après de longues tractations, de conserver au parc des Cordeliers l'essentiel de son intégrité.
Je joins à ce billet un document inédit et précieux (cliquer dessus pour l'agrandir) trouvé aux archives de la ville : le plan du premier projet de la compagnie PLM qui suscita la polémique qui nous occupe ; rien que le titre a dû d’emblée courroucer les Anduziens :  « Ligne de St Jean-du-Gard à Anduze », alors qu’il était plus logique et surtout plus « diplomatique » d'écrire ligne d’Anduze à St jean-du-Gard !
Quant au projet proposé et abandonné du Conseil que vous allez découvrir, il résonne étrangement aujourd’hui avec les graves problèmes du quai que nous connaissons…
 

 « Que ce ne serait pas l’agrément seul qui en souffrirait mais aussi l’hygiène intéressée à conserver, dans une ville resserrée comme la nôtre, la seule promenade publique qu’elle possède ;
« Considérant que ce tracé offre en outre un autre danger : c’est que la voie passant en tranchée ou en souterrain le long de la colline du Poulverel, ne coupe les eaux de sources qui alimentent la ville, ce qui serait désastreux pour celle-ci ;
« Considérant que la ville d’Anduze aurait au contraire tout intérêt à voir adopter un tracé qui ferait infléchir la ligne vers la droite à partir de Malhiver, de manière à la faire passer le long du Gardon pour venir rejoindre les chaussées du quai et de la route nationale ;
« Que, de la sorte, on éviterait les inconvénients signalés plus haut, et l’on aurait le triple avantage d’avoir un tracé plus court, incontestablement moins coûteux, enfin de mettre la ville à l’abri  des inondations du Gardon ;
« Considérant, en effet, que les terrains empruntés par la voie dans ce projet seraient, pour la plupart, d’une valeur bien inférieure à ceux qui sont traversés dans le projet de la compagnie.
« Qu’il n’est même pas excessif de supposer que certains propriétaires céderaient  volontiers gratuitement le passage, en retour de l’avantage qu’ils trouveraient à être protégés contre les inondations de la rivière ;
« Qu’au surplus la ligne pourrait emprunter, dans la traversée de la ville, les anciennes chaussées construites au 18e siècle par les Etats du Languedoc ; chaussées d’une solidité éprouvée, puisqu’elles ont résisté pendant bientôt 2 siècles à la violence des crues du Gardon ;
« Que sur ces chaussées la voie pourrait être établie à peu de frais ;
« Qu’ainsi sans augmentation de dépense de la part de l’Etat et de la compagnie – probablement même avec une dépense moindre – la ville pourrait être protégée contre les inondations de la rivière ;
« Qu’il serait d’autant plus équitable de donner à notre ville cette satisfaction, que la prolongation du chemin de fer est de nature à léser gravement ses intérêts déjà bien compromis par la dépopulation et par la crise que traversent depuis plusieurs années les industries locales
« Délibère, à l’unanimité,
« Il y a lieu de prier instamment M. le Ministre des Travaux Publics :
1°- De refuser son approbation au tracé proposé par la compagnie PLM comme à tout tracé qui pourrait porter préjudice à la promenade des Cordeliers et compromettre l’alimentation d’eau de la ville ;
2°- De mettre à l’étude tout autre solution qui éviterait les inconvénients signalés ci-dessus. Celles notamment d’un tracé par la rive gauche avec rapprochement de la gare, et d’un tracé sur chaussée le long du Gardon (rive droite) de manière à mettre la ville à l’abri des inondations.
3°- De faire faire en même temps une enquête approfondie sur ce dernier projet tant au point de vue des avantages qu’il offrirait à la ville, que des économies à réaliser.
4°- De faire rechercher si dans chacun de ces projets il ne serait pas possible, sans porter atteinte à la promenade des Cordeliers, de rapprocher la gare actuellement distante de plus de 1800 mètres.
« La présente délibération sera transmise à M. le Ministre des Travaux Publics, à M. le Préfet du Gard, à M.M. les Sénateurs et Députés du Gard avec prière de l’appuyer énergiquement auprès de qui de droit.
« Signatures.

7 septembre 2019

Anduze 1899 : le chemin de fer de la discorde… 1


L'ancienne gare qui fut détruite
La gare actuelle, ici à peine achevée
Lorsque j’ai effectué quelques recherches concernant l’ancien maire d’Anduze César Berthezène (voir billet 2/juin 2019), je suis tombé sur l’une des délibérations de son Conseil dont le sujet était la future implantation de la ligne de chemin de fer Anduze/Saint Jean du Gard…

Si aujourd’hui le train à vapeur des Cévennes est bien intégré dans son environnement anduzien, ce que l’on sait moins ce sont les discussions orageuses entre la municipalité, la compagnie PLM et le ministre des travaux publics de l’époque pour déterminer le tracé définitif de la nouvelle voie traversant la cité !
Pour bien comprendre la position du Conseil municipal d’alors il faut rappeler qu’avant le projet de prolongation jusqu’à Saint Jean du Gard, Anduze avait l’avantage certain d’être le terminus de la ligne, avec une gare située au Plan des Molles.

Cette délibération, assez longue mais jubilatoire, a le mérite de traduire parfaitement et en détails l’état d’esprit du Conseil et surtout de nous faire connaître une contre-proposition de sa part au tracé de la compagnie : si celle-ci avait été retenue, elle aurait simplement changé totalement la physionomie de la ville que nous connaissons aujourd’hui ! Mais, qui sait, peut-être aussi résolu les problèmes récurrents d’inondation avec un quai prolongé et renforcé en conséquence !…

En voici la première partie (Les textes en couleur et entre parenthèses sont des commentaires personnels) :

« L’an mil huit cent quatre vingt dix neuf le deux juillet à deux heures de l’après midi (les conseils avaient souvent lieu un dimanche, jour non encore chômé à l’époque…) le Conseil Municipal s’est réuni en séance publique à la Mairie sous la présidence de M. Coulomb Fernand, 1er adjoint.
« Etaient présents MM. Coulomb Fernand, 1er adjoint Président, Boisset Adolphe, Monier Paul, Laurent Jules, Rennes Emile, Deleuze Jules, Domergue Jean, Lafont Auguste, Lafont Louis, Puech Paul, Faïsse Auguste, Gout Louis, Chaudoreille Raymond, Blanc Auguste, Bastide Alfred, Rigal Félix, Fontane Henri, Guy Jules.
« Absents MM. Berthezène César, Maire, Dumas César, Salvidan César et Sinard César. ( A noter ce hasard amusant : tous les Césars du Conseil étaient absents ce jour là !)
« MM. Fontane Henri, secrétaire et Justin Boisset secrétaire auxiliaire prennent place au bureau.

« M. le Président dit qu’il a appris directement que la compagnie PLM avait adopté pour le chemin de fer d’Anduze à Saint Jean du Gard le tracé traversant notre belle promenade des Cordeliers et qu’elle allait le soumettre à l’approbation de monsieur le Ministre des Travaux Publics.
« Cette décision portant un grave préjudice à notre ville il invite le Conseil à délibérer sur les mesures à prendre pour sauvegarder les intérêts confiés à sa garde.
« Le Conseil,
« Considérant que le tracé proposé par la compagnie PLM offre de graves inconvénients pour la ville et qu’il entrainerait en outre des dépenses excessives :
« Qu’en effet, à partir de la gare actuelle, la ligne projetée après avoir effectué une courbe qui nécessiterait le changement de la route nationale n°107 (devenue aujourd’hui la D907), traverserait les prairies arrosages, les jardins potagers et d’agrément qui s’étendent au Sud-Est de la ville, en un mot la partie la plus riche du pays ;
« Que par suite, il est à présumer que des indemnités très considérables devront être payées aux divers propriétaires,
« Considérant que ce projet entrainerait également l’établissement d’un passage à niveau sur la route nationale n°107, passage établi sur une voie très fréquentée, aux abords d’une ville, et dans le voisinage d’une gare, c’est à dire dans les conditions les plus défavorables.
« Considérant que dans ce projet la voie traverserait notre beau parc des Cordeliers dans sa plus grande largeur (ce premier projet ne prévoyait pas de tunnel passant sous le parc : les plans conservés aux archives de la ville montrent que la ligne aurait traversé les pelouses actuelles et que la gare des voyageurs se serait trouvée à peu près au niveau du Monument aux Morts qui n’existait pas encore !);
« Que si les ingénieurs chargés de l’établissement des voies ferrées paraissent se soucier fort peu de conserver au pays qu’elles traversent leurs sites pittoresques, leurs beautés naturelles et les promenades créées au prix de lourds sacrifices, le Conseil se faisant l’interprète de la population toute entière ne saurait protester trop vivement contre un pareil acte de vandalisme, qui détruirait complètement notre magnifique jardin public ; (…) »


A suivre