C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

4 mars 2022

Une jolie gravure d’Anduze…

 

Pour son numéro 97 de la semaine du dix-sept au vingt-quatre décembre 1865, Le Journal illustré choisit de mettre en valeur la Porte des Cévennes avec ce joli dessin gravé. Créé en 1864, l’hebdomadaire en noir et blanc de huit pages était un supplément du fameux Petit Journal, quotidien parisien lui-même conçu un an plus tôt et qui deviendra l’un des plus importants journaux de France. A cette époque c’est l’âge d’or de la gravure sur bois et de nombreux grands artistes, comme Gustave Doré, vont collaborer en illustrant cette presse devenue populaire et surtout accessible à tous.
C’est aussi un âge d’or pour Anduze dont les différents pôles d’activités sont encore nombreux et dynamiques, notamment ceux liés à la soie. Ajoutez à cela un environnement exceptionnel et vous aurez le sujet idéal pour un article en deuxième page, signé Jacques Bonus…

« Sur l’une des pentes des Cévennes, si célèbres dans l’histoire par les luttes héroïques des Camisards après la révocation de l’édit de Nantes, s’élève la petite ville d’Anduze, chef-lieu de canton du département du Gard, arrondissement d’Alais.
« Anduze est peuplée de 5,203 habitants. Sa position pittoresque lui donne un aspect des plus agréable. Le Gard ou Gardon, qui coule à ses pieds, a pour digue, de ce côté, une très jolie terrasse formant quai et promenade tout à la fois.
« Si Anduze, comme chef-lieu de canton, ne possède qu’un tribunal de paix, son importance commerciale l’a élevée au rang de beaucoup de chefs-lieux d’arrondissement en France. Anduze a en effet un tribunal de commerce, un conseil de prud’hommes, un consistoire, une brigade de gendarmerie à cheval, etc.
« On y cultive le mûrier et on y élève le ver à soie ; on y file la soie et on en fait d’excellente bonneterie ; on y fabrique en outre du molleton, des chapeaux, de la colle forte, de la poterie, de la chaudronnerie, de la vannerie et du papier.
« Les grains, les bestiaux, les soies grèges, les draperies, sont à Anduze l’objet d’un commerce important.
« Le joli pont que représente notre gravure conduit d’Anduze à l’avenue d’Alais.
« Des hauteurs qui dominent la ville, on a sur les Cévennes et sur le Gardon une vue magnifique.
« Armes : d’azur, au château d’argent donjonné de trois pièces et maçonné de sable. »

9 février 2022

Le vieux pont d’Anduze…

Parmi les monuments d’Anduze on parle assez peu de notre vieux pont. Pourtant sa situation stratégique à la fois militaire et commerciale en ont fait depuis de nombreux siècles l’un des témoins architecturaux privilégiés de notre histoire locale, sinon l’une des constructions les plus surveillées de la cité !

A ma connaissance sa plus ancienne représentation apparaît sur l’une des gravures du célèbre géographe Christophe Tassin au début du dix-septième siècle, mais nous ne savons pas quand un premier pont digne de ce nom fut édifié sur le gardon d’Anduze. Il est très probable que le Moyen-âge devait déjà avoir le sien, fortifié, commandant la porte Est de la ville et la route d’Alès. Une construction qui, au fil du temps et des crues brutales du Gardon, a dû maintes fois être réparée mais sans doute aussi refaite entièrement. 

La dernière grande catastrophe répertoriée fut l’écroulement d’une partie de l’ouvrage en 1768, suite à une gardonnade particulièrement violente. La traversée de la rivière étant indispensable, un pont plus léger, destiné a être provisoire, fut installé. Ce n’est que quelques années plus tard et à la faveur de la construction du quai que nous connaissons aujourd’hui que les réparations du pont avec notamment la réalisation de deux arches manquantes furent entreprises. Sa reconstruction entière avait été un moment envisagée puis finalement jugée trop coûteuse par le maître d’ouvrage, les Etats de Languedoc (Assemblée provinciale de l’Ancien Régime). 

Si dans les années 1860 de petits trottoirs sont ajoutés au tablier, celui-ci ne trouvera ses dimensions définitives qu’en 1980 avec de gros travaux d’élargissement pour répondre aux exigences de la circulation. Pour cela il fallut que l’arche centrale, la plus haute, bénéficie par sécurité de quelques tirants. L’injection de béton au cœur des piles pour renforcer leur solidité sans dénaturer l’ancienne structure extérieure fut aussi réalisée. L’important était bien de conserver le profil élégant d’un ouvrage du dix huitième siècle… avec les contraintes et normes d’un pont routier contemporain !

Aujourd’hui pourtant, le haut de ces piles est en très mauvais état : avec le temps et les grosses crues successives les belles pierres taillées ont fini par se déchausser et beaucoup d’entre elles ont disparu. Il faudra bien un jour qu’on les remette en place pour rétablir l’intégrité de notre magnifique monument…

17 février 2021

Les échoppes médiévales d’Anduze…

A Anduze nous avons encore quelques vestiges extérieurs d’échoppes médiévales. Des traces visibles laissées, malgré les remaniements, par des propriétaires intelligents soucieux de préserver et de montrer l’histoire très ancienne de leur immeuble. Des témoignages de pierres émouvants qui viennent confirmer le dynamisme économique de la vieille cité au Moyen-âge.
 
Ces échoppes étaient nombreuses à l’intérieur des remparts de la ville ; petites boutiques qui n’étaient pas destinées comme celles d’aujourd’hui à recevoir du public. Les commerçants exposaient leurs marchandises dehors, l’espace intérieur servant de réserve. Par contre pour les artisans la pièce était souvent transformée en atelier, ce qui permettait aux passants de voir la fabrication des produits en direct. Les jours de marché ou de foire il devait être très difficile de se frayer un chemin dans les ruelles étroites…
 
Le plus souvent les vantaux de bois qui protégeaient le local avaient une autre fonction : une partie se relevait vers le haut pour servir de auvent contre le mauvais temps mais aussi le soleil, et l’autre se rabattait vers le bas sur les bancs de pierre pour y étaler la marchandise dessus. L’expression qu’on utilise encore aujourd’hui : « trier sur le volet » viendrait de cette époque !
 
La façade d’échoppe la mieux conservée et sans doute la plus connue se trouve dans le passage couvert de la rue Grefeuille.
Mais pour moi la plus typique, et peut-être la plus ancienne, élève son arcade en dehors des circuits touristiques, rue des Albergaries (des auberges). Malgré la création d’un mur et d’une fenêtre, les belles pierres taillées laissées apparentes dessinent encore les contours de l’ancien local avec la petite entrée située au milieu, séparant les deux grands blocs des bancs.

Ici l’origine médiévale de l’immeuble est confortée par la trace indiscutable, au premier étage, d’une fenêtre gothique murée. Au vu de ce que l’on peut encore apercevoir des moulures en haut de cette ancienne ouverture, celle-ci parait d’une facture antérieure à la petite fenêtre également gothique découverte récemment place Couverte…

Photos : vestiges d'une échoppe et d'une fenêtre gothique au-dessus, rue des Albergaries.

4 février 2021

Le célèbre mascaron de la place Couverte…

 

A Anduze les rares mascarons existant encore ornent quelques unes de nos vieilles fontaines mais aussi, pour le plus célèbre d’entre eux, le sommet d’un porche en granit rouge situé place Couverte.

Célèbre pour plusieurs raisons dont la première est son caractère unique dans notre cité : aucune autre porte ne bénéficie de ce genre de décors particulier ! Pourtant, à partir du seizième siècle jusqu’au dix neuvième, pour marquer sa différence dans les grandes familles bourgeoises et aristocratiques, il était de bon ton de personnaliser l’entrée de sa demeure. Quand on avait pas la chance de posséder un blason ou que l’on voulait simplement se singulariser, on pouvait, entre autres éléments de décoration, faire le choix d’un masque de pierre classique représentant par exemple une divinité antique ; ou alors, comme notre fameux mascaron, choisir une tête au visage grimaçant, souvent hideux, censé chasser le « mauvais œil » pour qu’il n’entre pas dans la maison…
Mais peut-être n’ai-je pas pris le bon exemple avec celui-ci puisque la deuxième raison de sa notoriété est qu’il est associé à une savoureuse anecdote expliquant l’origine de sa création.

Nous sommes à la fin du dix huitième siècle et le propriétaire de l’hôtel particulier qui abrite le magnifique porche qui nous occupe place Couverte s’appelle Rieu de Montvaillant ; une famille royaliste réputée à Anduze, dont certains membres d’ailleurs participèrent activement et de différentes façons à notre histoire locale pendant longtemps. Monsieur de Montvaillant, ayant appris l’installation d’un fervent républicain en face de chez lui, de l’autre côté de la place, fit installer, par provocation, le mascaron tirant la langue ; son « voisin d’en face », en colère et ne pouvant rien intenter contre cette humiliation, fit murer ses fenêtres donnant sur la place.
Le plus troublant c’est qu’aujourd’hui encore la façade est aveugle !…

21 janvier 2021

Quand les cirques paradaient à Anduze…

 

C’est le tirage inédit d’un négatif de verre que je vous propose aujourd’hui ; celui d’un jour faste pour les Anduziens dans les années 1900, puisque la cité accueillait un cirque ambulant.

A cette époque, même si les chapelleries commençaient doucement à enregistrer une baisse d'activité, les filatures tournaient encore à plein régime et ne présageaient en rien de la future crise économique qui surviendra quelques années plus tard… Donc ce jour là l’esprit était à la fête et les ombres portées sur l’image nous apprennent qu’un soleil radieux et matinal a contribué à faire sortir de nombreux enfants et adultes pour accompagner le convoi pittoresque. Elles nous indiquent aussi indirectement que ce sont plutôt des chameaux que des dromadaires qui accompagnaient les éléphants du défilé !…

En plus d’un siècle ce quartier sud n’a pas vraiment changé et les Anduziens et autres habitués des lieux ont reconnu l’entrée étroite et sombre de la rue Bouquerie. A droite, au premier plan, on devine le portail d’accès à la chapelle Méthodiste ; les « postes et télégraphes » restèrent de nombreuses années dans les murs du bâtiment à droite de l’entrée de la rue citée, avant d’être transférés pour un temps avenue Rollin.

Eugène Gervais, notre « opérateur », devait être installé avec sa chambre et son trépied sur une voiture ou sur le toit d’une roulotte. A la naissance du vingtième siècle et en province un photographe et son matériel encombrant étaient encore une source de curiosité : les regards des personnes du premier plan dans sa direction le confirment ; d’autant plus quand il a dû demander l’immobilité générale pendant quelques secondes, le temps de fixer sur la gélatine cet événement mémorable ! 

On peut supposer que ce notaire passionné de photographie fit différentes prises de vue sur le thème du cirque durant son activité, mais aucune d’entre elles ne fut publiée en carte postale ; un fait étonnant quand on sait que sous sa signature E.G. furent produites sans aucun doute les plus belles cartes « précurseurs » d’Anduze…

9 janvier 2021

Le séjour imprévu de Louis Armstrong à Anduze !…

Deux ans avant sa disparition, Claude Nougaro, invité d'honneur des Fous chantants d'Alès en août 2002, vint dormir à Anduze. Peut-être savait-il qu'un illustre prédécesseur, à qui il rendait hommage depuis 1967 à travers l'une de ses meilleures chansons, "Armstrong", avait fait un séjour imprévu en son temps à la Porte des Cévennes.

Nous sommes dans les années 1953-1954 et à cette époque Louis Armstrong, dans le cadre de ses grandes tournées européennes, faisait escale de temps en temps au Colisée, lieu mythique de Nîmes où tous les grands noms du jazz se sont succédés (Sidney Bechet, Duke Ellington, Bill Coleman…). Au cours de l’un de ses concerts il se fendit la lèvre, assez sérieusement pour l'obliger à prendre quelques jours de repos : il les passa à Anduze, logeant à l'hôtel du Luxembourg et accompagné de son acupuncteur personnel.

Certains soirs, ses amis musiciens venaient lui rendre visite et cela se terminait inévitablement par un bœuf, sous le regard médusé et admiratif d'un auditoire improbable, dont l’Anduzien Louis Renaud, jeune homme à l’époque, qui me raconta au détour d’une conversation ce magnifique témoignage !
Il faut dire que tous ces artistes étaient un peu chez eux à l’hôtel, car chez Jean Heurtel. Tout en tenant l’établissement avec son épouse et sa belle-sœur, celui-ci était aussi un batteur amateur talentueux et passionné de jazz ; un habitué du Colisée et autre Hot Club de Nîmes entretenant des liens amicaux avec tout ce petit monde musical…

Lors d’une belle manifestation consacrée au jazz en août 2010 au parc des Cordeliers, j'ai eu l'occasion de raconter cette anecdote authentique à Patrick Artero. Je crois que ce grand trompettiste, l'un des plus doué de sa génération et qui allie, en dehors du talent, gentillesse et simplicité, avait pris plaisir à l'entendre… 

29 décembre 2020

Ouvrez ouvrez les cages d’Anduze !…

L’avantage d’une petite ville au grand passé comme Anduze est qu’on la découvre tous les jours ou presque un peu plus ! Si les visites organisées par l’office de tourisme et autres historiens amateurs peuvent régaler, à juste titre, un public avide d’histoire et d’anecdotes locales, il n’est pas de plaisir plus grand que de découvrir par soi-même des lieux inédits au hasard d’une balade  – non minutée ! – ou d’une porte cochère restée ouverte…
Malgré une perte énorme de son patrimoine au cours des siècles – et cela toujours pour de bonnes raisons !… – la vieille cité a su garder en son cœur quelques jolies traces des périodes économiques fastueuses de son histoire. Des traces souvent cachées et inaccessibles parce que du domaine privé, comme les deux cages d’escalier parmi les plus magnifiques d’Anduze dont je vais vous parler aujourd’hui.
 
La première se trouve au numéro six de la place Couverte ; il s’agit d’un large escalier en pierre, à balustres, du dix-septième siècle et superbement entretenu par la propriétaire des lieux. A l’origine il était à l’air libre, longeant une petite cour intérieure ou « puits de fraîcheur ». Comme beaucoup de ces « puits » et à tort ou à raison, celui-ci a été rendu étanche par la pose d’une verrière sur le toit. Même au temps de Louis XIII un escalier de cette facture devait coûter cher et la présence aussi d’une très grande cave en pierres taillées pourrait confirmer qu’à l’époque cet immeuble devait appartenir à un riche commerçant de la place.
 
La deuxième est encore plus particulière puisqu’elle appartient à une « maison noble » qui se situe au croisement des rues Saulneries et des Albergaries, un des plus vieux quartiers de la ville. Si dans les années 1990 j’ai pu entrer facilement pour visiter cette maison de maître, c’est qu’elle était encore tenue par un vieil antiquaire qui y exposait ses trouvailles. On entrait dans les lieux par une porte de service, côté rue Saulneries ; la belle entrée principale, côté rue des Albergaries, était fermée par une épaisse porte en bois moulurée assez abîmée vers le bas (comme beaucoup de portes anciennes) et dotée d’une énorme serrure avec sa grosse clé, le tout d’époque Louis XIV. A l’intérieur, face à cette entrée, une large cage d’escalier avec cette fois une rampe en fer forgé du plus bel effet s’élevait vers les étages supérieurs.
Le long des murs blancs étaient accrochées des armes blanches de toutes natures mais pas la plus importante aux yeux de notre antiquaire qui affirmait avoir découvert et possédé l’épée de Jean Cavalier… avant qu’on ne la lui vole ! Une affaire qui n’a jamais vraiment été élucidée à ma connaissance.
Après le décès du maître des lieux, il y a pas mal d’années maintenant, de gros travaux dont certains urgents, comme la toiture, suivirent pour la préservation de l’immeuble. Depuis, celui-ci est complètement fermé et c’est bien dommage…
 
Bien sûr il existe d’autres belles entrées et cages d’escalier à Anduze, certaines d’ailleurs avec encore leurs élégants décors peints. A part quelques exceptions elles ont été relativement épargnées des remaniements effectués par leurs différents propriétaires au cours des siècles, ceux-ci privilégiant plutôt les fenêtres et façades des bâtiments.
Alors il ne faut pas hésiter à pousser les portes, quand on a la chance qu’elles ne soient pas verrouillées !…
 
Photo du haut : cage d’escalier de la place Couverte.
Photo du bas : ancien flyer de l'antiquaire - pour l’adresse il s’agit bien de la rue Saulneries et non Sonnerie ! Il est étonnant qu'il ait laissé passer une telle erreur…