C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

16 novembre 2019

Les malheurs du « receveur à cheval » d’Anduze…

Drôle d’histoire que celle de ce vingt six mars mille huit cent quinze à Anduze… Nous avions vu jusqu’à présent, parmi les différentes plaintes déposées auprès du juge de paix, défiler les principaux corps de métier ordinaires de ce début du dix neuvième siècle : potier, chapelier, fabricant de bas, roulier, etc ; mais il nous manquait l’administration où quelques fois l’entente cordiale entre collègues, à l’instar des professions citées plus haut, n’était pas gagnée d’avance. Vous me direz qu’encore aujourd’hui… mais cela saigne sans doute un peu moins qu’à l’époque !

Toujours le texte recopié tel quel :

« Cejourd’hui dimanche vingt six mars de l’an mil huit cent quinze, à deux heures de relevé, devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police auxiliaire de la ville et canton d’anduze et dans notre cabinet au dit anduze, assisté de Jacques Gache notre greffier (c’est la première fois que dans une plainte la famille du greffier va être aux premières loges).
« Est comparu monsieur Poulat, receveur a cheval des impositions indirectes, habitant de cette ville d’anduze, qui nous a dit, qu’il y a quelques instants qu’étant avec son collègue monsieur Mathieu commis a cheval, employé aux mêmes droits, à travailler au second étage de la maison Gache (ou demeure le dit monsieur Poulat) pour les opérations relatives à leurs fonctions, le dit mr. Mathieu, d’après les observations qui lui ont été faites, peut-être avec un peu trop de vivacité par le plaignant sur son travail, a pris une règle qui était sur la table et lui en a donné de la pointe trois coups de toute sa force sur la tête ; le premier lui a percé le chapeau, presque neuf et très fort, le second a enfoncé la forme, et le troisième lui a déchiré la peau et sa chair jusqu’à l’os, de la longueur d’un pouce entre l’œil gauche et le nez ; le plaignant, qui ne s’attendait pas à une pareille entreprise de la part du dit mr. Mathieu, a resté pendant un moment stupéfait, mais étant revenu à lui, s’est levé et lui a dit, que vous ai je fait pour m’assassiner chez moi ? le dit mr. Mathieu qui sentait sans doute déjà la sottise qu’il venait de faire, craignant que le plaignant vint sur lui pour tirer vengeance de cet outrage, a pris une chaise et s’est mis en mesure, pour parer les coups, mais les cris que le dit Poulat avait fait en disant vous venés m’assassiner chez moi, s’étaient faits entendre, et la demoiselle Elise Gache qui se trouvait au premier étage est montée de suite pour voir ce que c’était, et a entendu que le plaignant demandait au dit mr. Mathieu ce qu’il lui avait fait pour agir de cette sorte, et a vu que ce dernier qui était armé d’une chaise, l’a quittée dans l’instant même et la mise derrière lui sans que sur les interpellations du dit monsieur Poulat il répondit le moindre mot ; elle s’est avancée et mise au milieu d’eux pour empêcher qu’il arrivat des plus grands malheurs ; dans cet intervale la femme Gache née Lapierre était descendue pour appeller du secours, disant qu’elle avait entendu mr Paulat qui criait et se plaignait qu’on l’assassinait chez lui. 
Le sieur Louis Gascuel fabriquant de chapeaux est monté avec son épouse et plusieurs autres personnes, et ayant vu le dit mr. Poulat, tout en sang, à demandé ce que c’était ; c’est a t’il dit mr. Poulat que mr. Mathieu m’a assassiné chez moi sans lui avoir donné aucun sujet, je vous prie tous qui étes là de ne point le laisser sortir sans qu’il dise les motifs qui l’ont porté a de pareils excès ; mais le dit mr. Mathieu a resté immobile, tout pâle et défait, sans se plaindre que le plaignant fut le provocateur ; qu’il les priait de vouloir bien le laisser sortir. Enfin le lui ayant permis il s’est enfui en sautant les degrés de quatre en quatre, et à la seconde marche il allait si vite qu’il est venu se buter a une table qui avait été entreposée au ? ; ignorant s’il s’est fait mal, est sorti de la dite maison ; il a été chez la dame Bernard Cazalis, son auberge ordinaire, sans rien dire de ce qu’il venait de se passer, s’est lavé les mains, s’est fait donner une serviete pour les essuyer et s’en est allé la tête baissée sans dire un mot : tous lesquels faits le dit mr. Poulat affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux, Elize Gache, Magdelaine Lapierre femme Gache, Louis Gascuel fabricant de chapeaux, Adélaïde Gache, femme de Louis Gascuel, Novis aîné garçon chapelier, et Elisabeth Gascuel tous habitans du dit anduze, et du tout requiert actes et a signé. »

2 novembre 2019

Emprunt familial, rue de la Monnaie…

Nous retrouvons nos juge de paix et greffier préférés du Premier Empire avec cette plainte et un lieu d’Anduze qui a beaucoup changé depuis ! En effet, si aujourd’hui il nous reste un petit tronçon de la rue de la Monnaie qui commence  place de la République pour rejoindre rapidement la place du 8 mai 1945, à l’origine la voie étroite descendait jusqu’à la rue Sainte-Marie. C’est le déblaiement des ruines des vieux immeubles la bordant qui avait formé au vingtième siècle l’espace inesthétique que nous connaissions. Récemment des travaux de rénovation et d’aménagement ont enfin permis d’améliorer sensiblement les lieux et d’offrir à la vue une place agréable, ceci pour le bénéfice de tout un quartier.

Mais revenons à cette plainte recopiée telle quelle et dont je vous propose la lecture. Jacques Gache, le greffier, nous avait habitué à un meilleur français ! Les fautes viennent accentuer le caractère pitoyable de cette petite histoire familiale…
Par contre, exactement à cette date, une grande histoire familiale fait un sans faute avec la victoire d’Amstetten en Autriche, due à l’exceptionnelle cavalerie du maréchal Murat, beau-frère indispensable mais si encombrant de l’Empereur…

« Cejourd’hui quatorze brumaire de l’an quatorze (5 novembre 1805) à quatre heures de relevé devant nous Jean Coulomb aîné Juge de paix de la ville et canton d’anduze, et dans notre cabinet assisté de Jacques Gache notre greffier.
« Est comparu sieur Jean Cabanes cordonnier habitant de cette ville d’anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Cabanes qui nous a dit que le jour d’hier, environ les sept heures du soir, il vit entrer dans sa chambre qu’il occupe sur le derrière de la maison de monsieur David Chabrand, rue de la monnaie, les nommés Raynal menuisier et son épouse, du dit anduze lesquels d’un air colère, entrèrent chez lui et lui dirent qu’il maltraitoit leur fille (observant que le plaignant est leur gendre) et dans le temps qu’ils disputait leurs raisons avec la dite Raynal sa belle mère, le dit Raynal qui tenait la main à son épouse, firent si bien leur jeu qu’ils enlevèrent à linsu ou par force de la chambre du dit Cabanes, le matelat de son lit, ainsi que la couverte de laine, l’oreiller ou traversier
(traversin), et trois draps de lit, le dit Cabanes s’en apercevant voulut empêcher qu’on lui dévalisa sa chambre, mais la dite Raynal lui donna plusieurs coups de poings et soufflets (gifles), sur les joues et la tête, et emportèrent la couverte, le traversier, le matelat, trois draps de lits, et la couverture d’indienne (tissus de coton), qui étoit sur le lit ; au bruit que cela fit plusieurs personnes vinrent et le dit Cabanes prit plusieurs personnes à témoin de ce qu’on lui avait pris ; tous lesquels faits il affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux Louis Bourguet, aubergiste, et son épouse, monsieur Chabrand, propriétaire de la maison, tous d’anduze et du tout requiert. Requis de signer (ici il doit s’agir du plaignant) a déclaré ne savoir le faire. »