C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

23 juin 2017

L’autel votif d’Anduzia…

Il y a plusieurs décennies de cela, lors de la construction d’un escalier public s’élevant à partir de la rue Haute vers la rue des Treilles, dans les hauteurs d’Anduze, une grande pierre antique taillée et sculptée fut découverte. Elle gisait enterrée et couchée dans les quelques mètres carrés de terrain longeant une maison contemporaine dont le propriétaire, pour permettre le passage des marches, avait accepté les travaux.
Très lourde et encombrante, à l’époque elle fut simplement relevée et calée au coin de son jardin où elle resta pendant toutes ces années. C’est en 2016 que la famille, projetant l’éventuelle vente de la propriété, souhaita faire don à la municipalité du petit monument avec comme seule contrepartie la garantie de sa protection officielle et définitive, ainsi que de son exposition au sein de la ville. Il ne fut pas très difficile d’accepter cette proposition : nous savons tous l’origine antique de notre cité mais paradoxalement ses vestiges sont devenus inexistants ou très rares de nos jours, détruits au cours des siècles dans les remaniements successifs mais aussi, malheureusement, pillés à outrance…
En octobre dernier, les agents sont venus avec un engin de levage la récupérer pour la stocker quelques temps aux ateliers municipaux. Aujourd’hui elle a trouvé sa place définitive au rez-de-chaussée de la tour de l’Horloge dont les travaux sont terminés et où elle trône dans l’alcôve de l’ancienne entrée du monument.

Désireux d’en savoir un peu plus sur ce bel objet en pierre j’ai contacté notre amie Elisabeth Hébérard, présidente du GARA (Groupe Alésien de Recherche Archéologique) pour avoir son avis. A priori elle fut ravie de sa visite, d’abord par sa réaction enthousiaste à la vue du petit monument mais aussi quelques temps après par son retour dans la tour accompagnée de l’un des plus grands spécialistes de l’Antiquité méditerranéenne, Hadrien Bru. Celui-ci, Maître de conférences et épigraphiste à l’Institut des Sciences et Techniques de L’Antiquité de Besançon, se montra enchanté par cette découverte. Ou plutôt une redécouverte… car après des recherches documentaires, il se trouve que cet objet a été déjà signalé en 1963 dans la revue « AE Année épigraphique » n°116 (certainement l’année de sa découverte dans le jardin). Il est aussi mentionné dans la Carte Archéologique de la Gaule.
 

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit ici d’un autel votif de type gallo-romain datant du premier ou du second siècle de notre ère. Celui-ci est de belle taille puisqu’il fait environ 122 cm de hauteur pour une largeur de 77 cm et une profondeur de 56 cm. L’arrière a été abimé (les cassures de la pierre, très usées, montrent l’ancienneté de la dégradation) mais, en bas, on devine toujours la présence d’une couronne de laurier. Le dessus est aussi caractéristique avec la trace d’un couronnement avec son coussin ; une rosace d’ornementation est encore bien visible à gauche. Enfin la façade, en très bon état, permet la lecture de quelques mots en latin d’une très belle gravure.

Cet autel n’ayant finalement jamais été étudié de façon approfondie, Hadrien Bru s’est proposé d’en faire une étude complète en vue de refaire une publication actualisée, intrigué déjà par le nom de QINTUS CAECILIUS CORNUTUS, importante famille dont il y aurait la trace en Orient ! Nous attendons donc avec impatience le résultat de ses recherches, susceptible d’apporter un éclairage inédit sur une époque de l’histoire d’Anduze particulièrement ténébreuse…

9 juin 2017

La sensibilité du commissaire Chibert…

Ce procès-verbal dressé à Anduze en 1852, un jeudi jour du marché, nous permet de retrouver le commissaire de police Chibert, déjà évoqué ici, qui peut combattre, depuis peu et avec une première arme législative, un fléau sans frontière et aussi vieux que le « côté obscur » de l’être humain : la maltraitance animale.

(toujours transcrit sans correction)
 
« L’an mil huit cent cinquante deux le vingt trois juillet.
Nous Charles Ambroise Chibert, commissaire de police d’Anduze, hier sur les trois heures de l’après-midi, j’ai remarqué un individu sur le plan de Brie à Anduze, qui maltraitait une mule d’une manière atroce, en la frappant sur la tête à grands coups de manche de fouet. Voyant maltraiter cet animal avec tant de cruauté, je lui criai malheureux voulez-vous bien cesser et au lieu de le faire, il redoubla.
C’est alors que je m’approchai, et lui reprochant sa brutalité il me dit pour s’excuser, qu’il n’avait rien vendu, qu’il était mécontent, et que sa mule lui avait fait du mal à la main, que c’était ce qui l’avait porté à la frapper.
Je lui demandai son nom et sa demeure, il me répondit qu’ils étaient sur la plaque de la charrette ; je l’examinais, il y avait Charles Vigne de Montfrin (Gard), il me dit que c’était bien le nom et qu’il était marchand d’oignons.
Vu la loi des 15 mars, 19 juin et 2 juillet 1850, je lui déclarai procès-verbal, pour être remis à Mr le juge de paix du canton d’Anduze pour sur la conclusion du ministère public être statué.
Anduze les jours, mois, et an que dessus
Le commissaire de Police, Chibert. »


C’est le général Jacques Delmas de Grammont, élu député en 1849, qui, sensibilisé au sort des chevaux de guerre et plus largement des animaux maltraités dans les rues, fit voter le seul article d’une loi sans précédent selon lequel : « serait punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ». Promulguée le 2 juillet 1850 sous les railleries, les caricaturistes de l’époque s’en donnant à cœur joie, la « loi Grammont » permit – même s’il fallut encore attendre plus d’un siècle pour admettre officiellement la sensibilité animale ! – d’initier de façon concrète le long parcours menant à la protection des animaux telle que nous la connaissons. Une protection sur le papier qui reste encore très loin d’être appliquée de façon optimum.
Triste réalité d’aujourd’hui, confirmée par tous les différents scandales récents liés à la souffrance animale…