C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

22 juin 2018

Héritage rue Notarié : le chandelier de la discorde…

Nous sommes toujours en 1817 mais cette fois-ci nous plongeons au cœur d’un conflit « sanglant » concernant un héritage familiale rue Notarié. En cette fin juillet ils n’ont même pas l’excuse d’un coup de chaud, la rue étant l’une des plus fraîches d’Anduze !…

« Est comparue Jeanne Boni, épouse de sieur Pierre Laporte propriétaire, habitante de cette ville d’anduze, qui nous a dit que la veuve Ferrier née Françoise Boni sa sœur habitante de cette dite ville les invita jeudi dernier par notre intermédiaire a vuider (forme ancienne de vider) les appartemens qu’ils occupaient ainsi que son dit mari dans la maison du défunt Antoine David Bony, père, commun, size en cette ville rue notarié, qu’ayant effectivement commencée a sortir de la dite maison une partie de leurs meubles et effets sans que les dites veuve Ferrier et femme Gascuel sa fille s’y fussent opposées, elle croyait cejourd’hui pouvoir continuer de faire emporter ses dits meubles et effets, que s’étant rendue a cet effet au premier étage de la dite maison, la dite femme Gascuel née Adèle Ferrier, s’y est présentée et lui a dit qu’une vanne rouge d’indienne à ramage (l’indienne est un morceau de toile coton imprimée, produit de luxe à l’époque destiné aux vêtements mais aussi à l’habillage des chaises et fauteuils) qui y était lui appartenait. La plaignante lui a répondu qu’elle se trompait, que la vanne qu’elle réclamait se trouvait dans une pièce au haut de la dite maison ; elle s’est emparée d’un chandelier de leton et voulait l’emporter, quand la plaignante lui a observé qu’il ne lui appartenait point ; si fait a répondu la femme Gascuel il m’appartient ainsi que tout ce qu’il y a dans la maison et vous ne l’aurés pas ; la femme Laporte s’étant avancée pour s’emparer de son chandelier la dite femme Gascuel lui a donné deux ou trois coups avec, sur la figure à côté de la tempe droite d’où le sang coulait, et en aurait fait davantage si le dit Gascuel son mari ne l’eut arrêté et faite retirer après lui avoir arraché le dit chandelier des mains. Observant la plaignante que jeudi dernier trente un juillet, la veuve Ferrier sa sœur vint dans l’écurie de la dite maison où elle reconnaissait ses effets pour les faire emporter, ferma la porte, prit un manche de pèle et voulait disait-elle lui faire sortir la fiente par la bouche, mais la fille de la plaignante qui se trouvait là ayant criée au secours il vint des personnes qui empéchèrent la dite veuve Ferrier d’exécuter son projet. Tous lesquels fait la dite femme Laporte affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux les nommés Pommier dit izabelette père et fils cultivateurs, la femme du nommé Roumajon travailleur de terre et le sieur Jean-Pierre Gervais boulanger, tous habitans du dit anduze et du tout requiert acte, se déclare partie civile et a signé ainsi que le dit Laporte son mari. »

10 juin 2018

L’auberge du Luxembourg à Anduze…

« Cejourd’hui », avec une plainte datée du trente mars 1817, nous faisons connaissance avec le tenancier de l’auberge du Luxembourg, un certain Jacques Chivalet. Aucune adresse n’est spécifiée mais on peut raisonnablement penser que l’établissement se trouvait à l’emplacement de l’hôtel du même nom et ouvert jusqu’à notre époque contemporaine. 
J’avais évoqué celui-ci dans un billet (1 - septembre 2010) consacré entre autres à Louis Armstrong, venu à Anduze en convalescence pendant une quinzaine de jours après s’être éclaté une lèvre lors d’un concert à l’Imperator de Nîmes.
L'hôtel possédait deux entrées distinctes, l’une rue du Luxembourg, l’autre sur le Plan de Brie au niveau du « bureau de voitures » (encore visible à côté de l’actuel café du Centre) où l’on achetait dans le passé ses billets pour les voyages en diligence.

Le regretté Pierre-Albert Clément s’était intéressé aux hostelleries, auberges et gargotes d’Anduze aux XVII et XVIII ème siècles avec notamment un article dans Le Lien des Chercheurs Cévenols (N°158 de 2009) où il émettait un avis assez controversé quant à l’appellation Luxembourg : « (…) Dans la liste de l’équivalent de 1693 ne figure pas un cinquième établissement qui est le seul à avoir conservé sa fonction d’accueil puisqu’en 2009 il est encore un hôtel-café-restaurant très fréquenté. il s’agit de l’hôtel du Luxembourg cité par une enquête de 1750. Son propriétaire s’appelle alors Antoine Brousse et il est qualifié d’hoste. L’immeuble est donné pour 16 cannes (64 m2) plus une cour de quelques dextres où Brousse cultive « des fleurs et des choux pour son usage ». Il est situé au carrefour de la place dite aujourd’hui Plan de Brie et du « Chemin Royal » arrivant de Nîmes. Comme pour le Lion d’Or, l’appellation relève du pur calembour, le Luxe en bourg, un slogan on ne peut plus porteur. » 

Parallèlement au transport des voyageurs il existait aussi celui des marchandises et l’auberge d'alors devait accueillir les conducteurs des différents attelages, les « rouliers », faisant étape dans la cité.

Encore une fois ces procès-verbaux, témoignages brutaux quelques fois, ont l’avantage avec le recul du temps de nous fournir un grand nombre d’informations précieuses car authentiques sur l'ancienne vie locale…

« Est comparu sieur Jacques Chivalet, tenant l’auberge du luxembourg de cette ville d’anduze y habitant, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Chivalet. Qui nous a dit, qu’il n’y a qu’un moment les sieurs Jacques Bourguet père et Philipe Bourguet fils, maçons, habitans de cette ditte ville, sont venus lui demander qu’il leur fit un voyage de pierres avec la charrette, ainsi qu’ils avaient convenu, à raison de quelques réparations que les dits Bourguet lui avaient fait à sa remise. Le plaignant leur a répondu, je ne puis faire ce voyage ni demain ni après demain. A quoi les dits Bourguet ont riposté, si vous ne pouvés pas le faire payés nous le. Chivalet a acquiescé et leur a demandé combien ils voulaient, deux francs ont répondu les dits Bourguet ; je vous les donnerai a dit Chivalet, venés chez moi les chercher ; ils sont entrés dans la dite remise. Si tot y être le dit philipe Bourguet lui a sauté dessus, lui disant que cela ne lui convenait pas, de refuser le payement de ce voyage ; ensuite le dit Bourguet père le pris aux cheveux, mais du tems qu’il se défendait Bourguet fils le pris par les parties, et l’aurait sans doute tué ou estropié sans les personnes qui sont venues au secours de Chivalet. Tous lesquels faits ce dernier affirme vrais et sincères désigne pour témoins diceux les sieurs Bernard, Rolland, rouliers, demeurant à florac (Lozère) Jean Uset aussi roulier, demeurant au mas-Zieu, commune de Saint Chely (Cantal) Fayet dit quenette portefaix, Elie Teissonnière, charon, et Jean Pougy, travailleur de terre, habitans de cette ditte commune ; de tout quoi il nous demande acte, se déclare partie civile et n’a su signer de ce requis. »