C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

31 juillet 2020

Georges-Frédéric Boudet, historien d’Anduze…

G.F. Boudet en 2004, à l'âge de 90 ans
Il est bon de rendre hommage aux personnalités anduziennes un peu oubliées aujourd’hui mais qui, en leur temps, marquèrent la vie locale de leur empreinte et pour certaines contribuèrent au rayonnement de la cité. Si beaucoup d’entre elles n’auront jamais une plaque baptisant une rue ou une place, qu’au moins leurs noms soient gravés dans nos mémoires pour éviter l’oubli définitif…

Georges-Frédéric Boudet fait partie de celles-ci. Il fut pendant de nombreuses années « l’historien d’Anduze », organisant jusqu’à un âge avancé et avec l’office de tourisme des visites guidées de la ville.
Pour avoir discuté avec lui à de nombreuses reprises, c’est le sommet de Saint-Julien qui l’intéressait particulièrement ; tant que ses jambes le supportèrent sans trop de douleur il alla fréquemment s’y promener, revenant quelques fois avec des croquis dont lui seul connaissait la signification…

On ne peut douter du profond attachement de la famille Boudet pour notre cité quand on sait que la tante de Georges, Françoise Auran-Boudet, auteure de chansons sous le pseudonyme Fabrancy et poétesse reconnue dans les années 1930, écrivit plusieurs poèmes sur le thème d’Anduze. Je vous propose « Le Val d’Anduze », récupéré dans un recueil édité en 1934. Elle dédicaça ce poème au docteur Jean Gaussorgues, conseiller général du Gard. Celui-ci fut d’ailleurs aussi maire de la Porte des Cévennes entre 1912 et 1932…

Un géant pourfendit d’un coup rude, d’estoc
L’infranchissable mur des lourds schistes du roc ;
Depuis lors, le Gardon, dans le val clair, égrène
Sa vive cantilène !

Deux routes, et deux ponts, l’un, massif de poitrail,
L’autre léger, lançant d’un bond son double rail
Encadrent le torrent ; un vieux castel sauvage
Ferme le paysage !
 
De rudes Cévenols, par leur labeur ardu,
Au flan abrupt du mont, jadis, ont suspendu
Les toits d’un bourg fameux, dont la forte charpente
Etreint encore la pente !

Fier d’un noble passé, ferme dans le péril,
Cachant sa vétusté sous un dais de béryl
Et riche de tout l’or que le couchant diffuse
Rêve et sourit : « Anduze ! »
 

Malgré les circonstances très particulières, passez un bel été, faites attention à vous… et aux autres ! 
Rendez-vous en septembre où nous reviendrons notamment aux sources antiques de notre cité !…

18 juillet 2020

Le secret bien gardé de la fontaine Pagode…

Pour continuer un peu plus sur le thème des petits secrets des grands monuments d’Anduze, la fontaine Pagode n’a rien à envier à la tour de l’Horloge ! Non pas, bien sûr, pour sa date de construction, 1649 apparaissant encore sur l’une de ses rares tuiles vernissées d’origine ; une sorte de petit miracle quand on sait les nombreuses réfections de sa toiture effectuées au cours des siècles.

Son élégante structure d’inspiration asiatique aux proportions harmonieuses, soulignée par l’éclat de ses tuiles colorées, a traversé le temps et les différentes épreuves de notre histoire sans dommages irréparables.
Les derniers travaux importants la concernant se sont déroulés entre 2009 et 2010 et j’ai eu le plaisir de pouvoir les suivre de près. Sans esprit pervers, ce fut pour moi une véritable joie de voir cette vieille dame déshabillée et mise à nu pour enfin connaître ses secrets architecturaux les plus intimes ! Un privilège rare et non renouvelable avant de nombreuses années, sauf catastrophe.
 
Sur la photographie inédite du haut que je vous présente, vous voyez un exemple des étapes de rénovation de la fontaine en cours de travaux : vous apercevez la petite charpente nue en bois d’origine, abimée en surface mais encore assez solide pour être conservée ; des languettes neuves de bois de sapin brut sont clouées dessus (elles iront jusqu’au sommet du chapeau), remplaçant les anciennes en mauvais état ; en bas de la photo ce sont ces mêmes languettes neuves qui recouvrent la charpente principale, peintes d’un enduit blanc d’étanchéité (le chapeau aussi sera peint). 
C’est sur cette surface que furent clouées les tuiles récupérées sur le monument mais aussi des nouvelles pour remplacer celles qui étaient défectueuses. La décision avait été prise de remplacer l’épi de faîtage dont les différentes parties superposées, toutes en céramique, présentaient de nombreux éclats difficilement réparables. Celui-ci, à priori d’origine, est précieusement conservé par la municipalité.

Il est de tradition chez certaines catégories d’artisans, notamment ceux qui participent du compagnonnage, de laisser une trace de son passage ; une signature pour l’ouvrage accompli qui ne sera visible que pour un confrère qui viendra à son tour au chevet de l’œuvre à réparer, à restaurer, à entretenir, quelques fois cinquante ou cent ans plus tard. C’est un rituel ancestral secret, un lien à travers le temps n’appartenant qu’à ces professionnels atypiques, et où l’information au grand public est parcimonieuse sinon exclue.

Un matin d’hiver, arrivant à l’improviste à la fontaine entourée de son échafaudage, j’ai surpris le technicien responsable du chantier en train de placer discrètement quelques objets dans une cache aménagée : une bouteille de vin, un exemplaire du journal du jour griffonné et avec plusieurs signatures, quelques pièces de monnaie. Si ma présence imprévue ne l’a pas plus gêné que cela, sans doute grâce à ma curiosité bienveillante, je reste quand même persuadé que cet homme sympathique n’aurait rien dit de son initiative personnelle au référant municipal du chantier que j’étais à l’époque !

C’est pourquoi aujourd’hui je ne vous ai livré qu’un demi secret ; l’autre moitié, l’endroit de la cache, si vous le permettez je la garderai pour moi : je suis tellement fier de connaître au moins un secret bien gardé de l’un de nos monuments historiques !…

3 juillet 2020

Les secrets bien gardés de la tour Ronde…

C’est peu de dire que les Anduziens aiment leur tour. Ils ont un profond attachement pour le monument, repère rassurant de leur environnement immédiat depuis des siècles.
D’autant plus qu’à partir du seizième (*) celui-ci est rendu quasiment « vivant » avec la présence d’une horloge qui rythme leur vie quotidienne ; le cœur battant d’une gardienne qui, même si elle a souvent été malmenée, a su conserver une belle allure.

Une vieille dame qui garde encore quelques secrets et donne du fil à retordre aux historiens et autres archéologues les plus chevronnés !
Comme par exemple son origine : depuis le docteur Paulet et son histoire de la ville d’Anduze – un manuscrit du dix-huitième siècle publié seulement pour la première fois en 1847 –, les différents chercheurs qui ont écrit sur notre cité font référence à son ouvrage pour la date de construction de la « tour ronde » : 1320. Le problème est qu’à ce jour personne n’a retrouvé la source documentaire de cette affirmation, si elle existe… D’ailleurs on ne peut retenir que l’hypothèse d’une confusion de dates lorsque l'auteur nous révèle le nom du maçon, Guillaume le Chandelier : il apparait effectivement dans un acte en latin concernant la tour, mais celui-ci date du 21 septembre 1373…

Il y a quelques années, lorsque le professeur Nicolas Fauchère, l’un de nos plus grands spécialistes en archéologie médiévale, vint à Anduze pour une étude sur nos anciennes fortifications, celui-ci m’écrivit sa conviction que la tour était bien antérieure à cette date :
 
« (…) En tout cas, une chose est sûre : la tour existait avant 1373, et, pour moi, la similitude avec les chantiers royaux de la sénéchaussée de Beaucaire, tels Sommières et Villeneuve-les-Avignon pour le bossage, la tour de Constance d’Aigues-Mortes pour la structure, est tellement frappante que je suis à peu près certain que le lancement du chantier correspond à la main-mise royale sous Saint-Louis, ou au renforcement du contrôle étatique sur les villes des Bernard-Bermond d’Anduze et Sauve sous Philippe le Bel. »

Un autre élément important, une autre énigme aussi, est que nous savons de façon irréfutable que la tour, une fois construite entièrement une première fois avec un sommet cerclé de mâchicoulis (1320 ?), fut rehaussée de deux bons mètres et toujours couronnée par ce dispositif défensif, courant au quatorzième siècle (1373 ? Pourquoi pas : c’est la Guerre de Cent Ans et l’insécurité règne partout avec notamment les Grandes Compagnies de Routiers qui sillonnent le pays et qu’il vaut mieux voir arriver de loin…).
Les traces architecturales de ces défenses sont visibles sur le mur de la tour, avec encore la présence de quelques corbeaux en pierre.

Mais le plus troublant est l’apparence du parement extérieur : la photographie jointe en noir et blanc du début du vingtième siècle montre bien toutes les différences du revêtement de la tour.  A gauche, côté ville, en petit appareil nous avons la partie d’origine du quatorzième siècle, avec la seule archère qui reste et les traces des mâchicoulis successifs ; à droite c’est une pierre taillée plus grande qui domine, avec les différentes canonnières des premier et deuxième étages ; plus bas et jusqu’au sol c’est une pierre taillée encore plus grande…
Nous savons que l’intérieur de la tour a été remanié de façon drastique entre seizième et dix-septième siècle : l’extérieur en a-t-il subit les conséquences ? Une partie de la tour s’est-elle effondrée ? Au quatorze ou quinzième siècle, la tour aurait-elle subit une sape ou une attaque aux boulets de canon dont notre histoire n’aurait pas gardé la trace ?… Il serait aussi certainement très intéressant qu’un jour on s’intéresse à ses fondations.

Des questions sans réponses aujourd’hui et encore beaucoup de travail pour les chercheurs pendant des années : tant mieux ! Car ces mystères participent largement de l’attrait que dégage la tour pour tous les amateurs de patrimoine, qu'ils soient Anduziens ou simplement de passage dans notre cité…

(*) La ville d’Anduze possédait déjà une horloge avant le seizième siècle, document d’archive à l’appui ; mais jamais
le lieu de son installation n'est précisé, pas plus à la tour Ronde qu'ailleurs, à ma connaissance bien sûr…