C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

10 décembre 2017

Cambriolage à l’enclos du couvent des religieuses du Verbe Incarné…

Le deux août 1806 c’est le nommé Pierre Bastide, fabricant de bas, qui vient déposer plainte auprès du juge de paix Coulomb aîné pour un cambriolage à « l’enclos du ci devant Couvent des Religieuses »…
Il ne fait aucun doute ici qu’il s’agit de l’évocation du couvent du Verbe Incarné, ordre monastique féminin de droit pontifical venu s’installer à Anduze à la toute fin du dix septième siècle. Une implantation encouragée à l’époque par l’intendant du Languedoc Bâville : de nombreuses jeunes filles protestantes ou soupçonnées de l’être y furent enfermées de force, aux frais obligatoires de leurs parents, pour les convertir à travers l’éducation prodiguée par les sœurs.

A la Révolution, avec l’interdiction de tous les ordres religieux, les différents biens du couvent, devenus nationaux, furent vendus par lot aux citoyens capables d’acheter. Nous savons que l’immobilier était assez important et situé dans les quartiers de la rue Grefeuille et de la rue du Couvent, petite ruelle étroite qui débouche à l’entrée du passage couvert, lui-même donnant accès à l’une des vieilles portes de la cité. L’enclos du grand jardin appartenant à l’institution religieuse devait se trouver au niveau de la maternelle actuelle et de la rue Enclos-Blaise, construites ultérieurement.

Voici la déclaration, telle que :
« (…) Est comparu sieur Pierre Bastide fabriqt de bas habitant de cette ville d’Anduze. Lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits ci-après détaillés a quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Bastide qui a dit, que dans le courant de la nuit dernière, des malintentionnés ont enfoncé la porte d’entrée de son jardin situé a l’enclos du ci devant Couvent des Religieuses. Sont entrés dans le dit jardin, ont encore enfoncé une autre porte d’un petit mas, ou il tient les agrès de sa filature, lui ont commis des dégâts considérables tant dans le dit jardin que dans le petit mas, et comme il ne connait point les auteurs de ce délit, il vient nous en porter la plainte, afin que s’il peut en tems et lieu les découvrir, les poursuivre conformément à la loi, nous invitant à nous transporter sur les lieux pour en constater les dégâts, et du tout nous demander acte et à signé. »
« (…) Du dit jour heure de dix du matin, nous juge de paix susdit en vertu de notre ordonnance ci dessus, nous sommes transporté accompagné du sieur Pierre Bastide et de notre greffier sur le jardin du dit Bastide, ou étant arrivé nous avons reconnu qu’on avait forcé avec des outils, la porte d’entrée du dit jardin et presque arraché la serrure, plus on a crevé quatre bassins en cuivre, et ont brisé un en parti, les dits bassins servant pour la filature, plus une flotte chique
(soie de petit cocon mou enroulée sur un écheveau) qui était sur le tour, qu’on a coupée, plus, on a enfoncé la porte et arraché la serrure d’un petit mas, et enfin ils ont emporté deux sachettes en toille et un juste de cadis (un morceau de tissu en laine), appartenant à une des fileuses, tous lesquels desgats et vol, estimons se porter en tout a la somme de trente trois francs cinquante centimes, et n’y ayant plus rien estimé, nous avons clôturé notre verbal, et nous sommes signé avec le sieur Bastide et notre greffier. »

24 novembre 2017

Anduze et l’agression de son maréchal… d’Empire !

Lithographie d'après Géricault "Le maréchal-ferrant"
Dans la suite de notre petite collection d’anciennes plaintes retrouvées avec plaisir sous les toits de la mairie, en voici une déposée en mai 1806 où nous faisons la connaissance de Louis Maurin qui exerça la profession de maréchal-ferrant ou de « maréchal à forge » à Anduze. Un métier stratégique qui fut étroitement associé à deux autres activités complémentaires et incontournables citées dans ce témoignage : celles de bourrelier et de charron. Un secteur logistique lié aux équidés d’une importance capitale car indispensable économiquement à tous les différents corps de métiers de l’époque.
 
Il est à noter que dans ce texte les anciennes casernes sont évoquées de façon fugace avec « la grande porte qui conduit à la cour » : la construction du grand temple sur les lieux ne sera d’actualité que deux ans plus tard avec l’achat par la commune de l’ensemble des vieux bâtiments !…
 
Voici la déclaration, telle que : «(…) Est comparu sieur Louis Maurin maréchal à forge habitant de cette ville d’Anduze lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés à quoi nous avons procédé d’après la déclaration du dit maurin qui a dit que le jour d’hier, environ les huit heures du soir, il allait faire ses besoins aux commodités du quartier des casernes, lorsqu’il fut entré dans la grande porte qui conduit à la cour, il rencontra le sieur Marc Ducros bourelier habitant de cette ville qui, du moment qui l’apperçut, lui cria te voilà coquin, voleur, quand est ce que tu me rendras mon fer. Le plaignant lui répondit quand tu m’auras payé ce que tu me dois alors je te payerai ton fer ; le plaignant poursuivait son chemin, et Marc Ducros lui jeta une grosse pierre qui le toucha au côté gauche et lui fit beaucoup de mal. Il ne se contenta de la première, il lui en jeta une seconde qui ne fit que l’effleurer à la cuisse et fut dans la cuisine de la maison de la nommée Mauret ; sous lesquels faits le plaignant affirme vrais et sincères et désigne pour témoins d’iceux le nommé Mauret et son épouse, et Vauc ainé charron et du tout requiert acte, se déclare partie civile et a signé (…) »

10 novembre 2017

Marie Charlotte, malade, a quitté sa tour et Anduze…

C’est pour raison de santé que le vendredi matin trois novembre dernier, Marie Charlotte, locataire du clocher de l’église, fut emmenée avec tous les égards dus à son grand âge.

Il aura fallu un récent changement d’entreprise de maintenance décidé par la municipalité, responsable du bon fonctionnement des différentes cloches de la ville, pour s’apercevoir que celle de l’église n’avait plus toute sa tête depuis longtemps !… Dès la première visite du nouveau technicien à son chevet, celui-ci nous exprima son inquiétude sur l’état de dégradation avancée de notre vieille dame.

Sur son conseil un audit fut diligenté par la mairie. Il vint confirmer les premières constatations alarmantes, avec entre autres la présence de traces d’humidité sous la jupe et la suspicion d’un cerveau atteint dans son intégrité. Si nous ne pouvons reprocher à Marie Charlotte ce laisser aller avec ces signes normaux de vieillesse, résultats d’une longue vie active depuis cent soixante dix ans cette année, il est très regrettable que son cas ne fut pas signalé plus tôt pour pouvoir bénéficier des soins nécessaires.

Aujourd’hui, avec sa constitution d’airain et la présence de spécialistes à ses côtés, notre malade a toutes les chances de guérir malgré le retard des traitements et les importantes opérations qui l’attendent. En restant optimiste sur la suite des événements, il va falloir de toutes façons être patient avant de la retrouver accrochée à son vieux clocher protecteur qui, lui-même, a besoin de quelques travaux urgents de rénovation intérieure ! … Une vieille tour pleine de mystères quant à son origine et sa destination première, mais ceci est encore une autre histoire !…

13 octobre 2017

Anduze et sa « place dite des fainéans »…

Avec ce document original, de la période napoléonienne rayonnante, nous abordons ce qui semble être du racisme économique. Déposée par l’un des représentants de l’une des plus anciennes familles d’Anduze, les Régis,  notamment « faiseurs de bas », cette plainte évoque un lieu de la cité qui a beaucoup changé depuis, pour ne pas dire disparu avec son nom : la place des Fainéants. Celle-ci était située dans le quartier actuel de la place Albert Cabrières (maire d’Anduze de 1947 à 1959), sans en connaître exactement les contours du fait de la transformation radicale de l’endroit.
 
A l’époque l’espace, devenu progressivement le lieu de rendez-vous des chômeurs, avait fini par être baptisé ainsi au regard du désœuvrement affiché des nombreuses personnes attendant l’hypothétique proposition d’un emploi ; ce qui explique peut-être en grande partie l’état d’esprit particulier de certains intervenants décrit dans le procès-verbal, l’origine étrangère de la victime étant clairement soulignée dans ce témoignage officiel…
Recopié tel que, en voici le texte :

« Cejourd’hui douzième janvier mille huit cent huit a dix heures du matin devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire de la ville et canton d’anduse et dans notre cabinet assisté de Jacques Gache notre greffier.
« Est comparu sieur Jacques Régis négociant habitant de cette ville d’anduse lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Régis qui a dit que le dimanche dix du courant sur les six heures du soir le nommé andré yeuzet polonais de naissance son valet duquel il prend le fait et cause fut arrêté sur la place dite des fainéans par les frères Bony agriculteurs, et autres l’insultèrent et le menassèrent de la manière la plus forte, et comme la femme et la fille de Bastide Carnoulès entendirent les menasses et virent le danger que courrait le dit André, elles le firent retirer chez le dit sieur Régis son maître, ce qu’il fit mais en s’en allant les dits Bony frères lui dirent tu fais bien de t’en aller car tu seras fort heureux de te coucher sans être bâtonné ; lorsqu’il fut l’heure de se retirer le dit André prit son chemin pour aller se coucher à la fabrique du dit Régis qui est de l’autre côté du pont ; à peine fut il rentré que le nommé Beaux fils, es ouvrier du dit Régis vint frapper la porte en demandant du feu pour allumer sa pipe, accompagné de plusieurs autres qu’il ne connut pas, et ayant ouvert le dit Beaux lui demanda s’il était seul, à quoi le dit André lui répondit que non, que les frères Louis et Auguste Régis étaient couchés, quoique cela fut faux, mais ayant connu leurs mauvaises intentions à son égard, il se servit de cet stratagême pour leur en imposer ;  effectivement le dit Beaux sur le champ se retira et fut trouver les autres individus qui étaient arrêtés à peu de distance de la maison.
« En conséquence il est venu porter sa plainte pour la conservation de ses droits, et s’il peut parvenir à découvrir des témoins poursuivre les individus cy dessus dénommés, tous lesquels faits le dit Régis affirme vrais et sincères mais ne peut désigner de témoins quand à présent, et du tout requiert acte et a signé. »

15 septembre 2017

Interpellation rue Bouquerie, Anduze…

En ce mois de septembre 1842 c’est un nommé Antoine Broussou qui dirige la police d’Anduze et son canton. Nous faisons connaissance avec lui à travers le rapport qu’il a établi à propos d’une sombre affaire de maltraitance conjugale. Si pour la première fois en 1791 une déclaration des droits de la femme et de la citoyenne a été publiée, « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits », cela n’a pas porté chance à son auteure Olympe de Gouges, qui fut guillotinée deux ans plus tard !
Dans la première moitié de ce dix neuvième siècle nous sommes donc encore très loin de l’émancipation des femmes et beaucoup d’entre-elles, la peur viscérale de se retrouver seules et sans ressources à l’époque d’une misère omniprésente, étaient prêtes à accepter toutes les violences et humiliations des hommes sans broncher. D’autant plus quand leur sort était lié à celui de leurs enfants.

L’action de ce témoignage se situe rue Bouquerie (des bouchers exerçaient ici jadis), dans le centre d’Anduze. Cette longue ruelle étroite est bordée d’immeubles dont une majorité date des quinzième et dix septième siècles. Reliant la place Couverte à la rue Enclos Blaise c’est l’une des plus anciennes rues de la cité. Plutôt calme aujourd’hui, au moment des faits elle devait être grouillante de vie, à l’image d’un quartier très populaire…

« L’an mil huit cent quarante deux et le seize septembre, à huit heures du soir, nous Antoine Broussou commissaire de police de la ville et canton d’Anduze. Etant rentré dans notre domicile nous avons entendu qu’on faisait du tapage dans la rue de la Bouquerie, nous y sommes transporté, avons trouvé une grande réunion de personnes parmi lesquelles s’est trouvé le sieur Dupuis garde champêtre communal qui était occupé à contenir le nommé Sardinoux (pierre) marchand de fromage habitant et domicilié au dit Anduze, lequel s’était livré à donner des coups très forts à son épouse, sans motif légitime. Ce qui arrive assez fréquemment de la part du dit Sardinoux, d’après la déclaration qui nous a été faîte par plusieurs personnes respectables du quartier. L’ayant interpellé de nous dire les motifs qui l’ont porté à frapper sa femme si rudement, il nous a répondu qu’il l’avait frappée et qu’il la frapperait bien davantage. Voyant les mauvaises réponses que le dit Sardinoux fit à nos questions, avons de suite requis deux hommes pour aider à le conduire en prison. Mais sa femme et ses enfants s’étant présentés à nous pleurant à chaudes larmes, nous priant de relâcher leur père qui, s’il était mis en prison lorsqu’il en sortirait les tuerait tous. Sur la demande de ces derniers avons relâché le dit Sardinoux, nous réservant toutefois de dresser procès-verbal contre lui, pour avoir occasionné beaucoup de bruit et du tumulte troublant l’ordre et la tranquillité publique, et pour avoir de plus injurié le sieur Dupuis garde champêtre, agissant dans l’exercice de ses fonctions (…). »

2 septembre 2017

Le coq boiteux de Tornac…

Exceptionnellement pour ce document du 28 janvier 1806 et établi par notre juge de paix habituel Jean Coulomb aîné, j’ai dû rajouter au texte que j’ai recopié quelques ponctuations, histoire de reprendre son souffle de temps en temps au cours de sa lecture ! C’est vrai que, s’agissant encore une fois d’une plainte, le greffier chargé de recueillir la déposition n’était pas là pour construire une œuvre littéraire !
Comme toujours dans ces petits témoignages, devenus souvent croquignolesques avec le recul du temps, nous en apprenons beaucoup sur la vie et les mœurs locales de l’époque. Par exemple le mot « garnisseur » qui, sans autre précision ici, pouvait concerner une spécialité de deux secteurs d’activité totalement différents de notre territoire : celui de la chapellerie avec le garnissage des chapeaux et celui de la céramique avec la mise en place des garnitures et autres ornements sur les diverses poteries. Un autre mot me semble intéressant car, datant du Moyen-âge, il a totalement disparu aujourd’hui de notre vocabulaire populaire : « trenque » qui désignait de façon commune les divers outils pour trancher et notamment la bêche…
 

« (…) Sont comparus les nommés François Deleuze, garnisseur, et Jean Pierre Beaux aussi garnisseur habitants de cette ville d’Anduze. Lesquels nous ont requis de rédiger la plainte qu’ils viennent nous rendre des faits cy après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations des dits Deleuze et Beaux qui nous ont dit que venant de St Hyppolite et étant passés par Durfort, lorsqu’ils ont été au ci devant château de Tornac (étant alors environ les trois heures de l’après midi) ils se sont arrêtés pour boire un demi litre de vin chez le nommé Denis, agriculteur. Et après l’avoir bu ils sont sortis pour venir à Anduze, lorsqu’ils ont rencontré le nommé Pandaure, garde champêtre de la commune de Tornac, qu’ils connaissent, qui les a invités à se retourner pour boire un autre demi litre de vin.  Ils n’ont pas voulu lui refuser et ont accepté son invitation, et comme le dit Pandaure était armé de son fusil, le dit Deleuze, qui voyait devant lui deux coqs, a dit j’ai envi avec ton fusil d’en tuer un. Mais il faut savoir si le propriétaire des dits coqs y sera content, alors le dit Deleuze s’est rendu chez le nommé Nissaret, cordonnier, a qui ils appartenaient et lui a dit voulez vous me vendre un des coqs qui sont à la sortie de la basse cour. Alors le dit Nissaret lui a répondu oui je vous en vendrai un, celui qui est boiteux, quant à l’autre je ne veux point le vendre, quand vous m’en donnerez quatre francs, mais pour le boiteux je vous le vendrai à un franc cinquante centimes. A quoi le plaignant a consenti, et lui a dit si je le tue je vous le paye et je l’emporte. Et de suite ayant pris le fusil du sus dit garde champêtre lui a tiré, mais il l’a manqué. Le dit Nissaret a réclamé le paiement de son coq, le plaignant lui a répondu tachez d’attraper le coq et je vais vous le payer de suite. Alors le dit Nissaret qui tenait un manche de trenque à la main a frappé d’un coup sur le téton gauche qui a manqué le renverser par terre. Et a levé le dit manche pour l’en frapper sur la tête, lorsque le dit Jean Pierre Beaux s’est avancé précipitamment pour empêcher que Nissaret ne l’assomma. Alors ce dernier s’est retourné vers lui et lui a dit tu es aussi coquin que l’autre, lui a donné un soufflet sur la joue gauche, le pris au collet, l’a secoué fortement et en lui faisant lâcher prise il lui a déchiré un gilet de velours. Et après cette scène les plaignants, sans avoir riposté aux coups et aux insultes du dit Nissaret, lui ont dit attraper le coq et nous allons vous le payer. Effectivement lorsqu’ils l’ont eu le lui ont payé au prix convenu. Sont venus porter plainte et affirment tous les faits ci-dessus vrais et sincères, désignent pour témoins le dit Pandaure garde champêtre, Cazalès d’Atuech, Basalge, conducteur des troupeaux dans la montagne (…) »

18 juillet 2017

Au péristyle du temple…


Pour ce billet, annonçant la pause estivale, je vous propose cette photographie que l’on dirait directement sortie du catalogue d’exposition d’un peintre contemporain ! Remarquez, c’est presque cela, puisque le tableau en question a trouvé sa place depuis près de deux cents ans dans la galerie du péristyle du temple d’Anduze.
Cette œuvre magnifique en calcaire gris-bleu du Kimméridgien, extraite de la carrière de la Madeleine à Tornac, fut conçue il y a environ cent cinquante millions d’années…

La création est installée au sol et foulée aux pieds tous les jours, comme une punition des hommes sanctionnant une échelle du temps qui défie leur entendement. Il est vrai que, ajoutant à son mystère, seul un œil exercé est capable de la déceler. Une image discrète, presque secrète, au seuil de ce lieu cultuel où les rares personnes connaissant son existence, croyantes ou non, ont peut-être trouvé avec celle-ci une autre dimension à leur vie spirituelle. Allez savoir…


Bel été à tous !

23 juin 2017

L’autel votif d’Anduzia…

Il y a plusieurs décennies de cela, lors de la construction d’un escalier public s’élevant à partir de la rue Haute vers la rue des Treilles, dans les hauteurs d’Anduze, une grande pierre antique taillée et sculptée fut découverte. Elle gisait enterrée et couchée dans les quelques mètres carrés de terrain longeant une maison contemporaine dont le propriétaire, pour permettre le passage des marches, avait accepté les travaux.
Très lourde et encombrante, à l’époque elle fut simplement relevée et calée au coin de son jardin où elle resta pendant toutes ces années. C’est en 2016 que la famille, projetant l’éventuelle vente de la propriété, souhaita faire don à la municipalité du petit monument avec comme seule contrepartie la garantie de sa protection officielle et définitive, ainsi que de son exposition au sein de la ville. Il ne fut pas très difficile d’accepter cette proposition : nous savons tous l’origine antique de notre cité mais paradoxalement ses vestiges sont devenus inexistants ou très rares de nos jours, détruits au cours des siècles dans les remaniements successifs mais aussi, malheureusement, pillés à outrance…
En octobre dernier, les agents sont venus avec un engin de levage la récupérer pour la stocker quelques temps aux ateliers municipaux. Aujourd’hui elle a trouvé sa place définitive au rez-de-chaussée de la tour de l’Horloge dont les travaux sont terminés et où elle trône dans l’alcôve de l’ancienne entrée du monument.

Désireux d’en savoir un peu plus sur ce bel objet en pierre j’ai contacté notre amie Elisabeth Hébérard, présidente du GARA (Groupe Alésien de Recherche Archéologique) pour avoir son avis. A priori elle fut ravie de sa visite, d’abord par sa réaction enthousiaste à la vue du petit monument mais aussi quelques temps après par son retour dans la tour accompagnée de l’un des plus grands spécialistes de l’Antiquité méditerranéenne, Hadrien Bru. Celui-ci, Maître de conférences et épigraphiste à l’Institut des Sciences et Techniques de L’Antiquité de Besançon, se montra enchanté par cette découverte. Ou plutôt une redécouverte… car après des recherches documentaires, il se trouve que cet objet a été déjà signalé en 1963 dans la revue « AE Année épigraphique » n°116 (certainement l’année de sa découverte dans le jardin). Il est aussi mentionné dans la Carte Archéologique de la Gaule.
 

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit ici d’un autel votif de type gallo-romain datant du premier ou du second siècle de notre ère. Celui-ci est de belle taille puisqu’il fait environ 122 cm de hauteur pour une largeur de 77 cm et une profondeur de 56 cm. L’arrière a été abimé (les cassures de la pierre, très usées, montrent l’ancienneté de la dégradation) mais, en bas, on devine toujours la présence d’une couronne de laurier. Le dessus est aussi caractéristique avec la trace d’un couronnement avec son coussin ; une rosace d’ornementation est encore bien visible à gauche. Enfin la façade, en très bon état, permet la lecture de quelques mots en latin d’une très belle gravure.

Cet autel n’ayant finalement jamais été étudié de façon approfondie, Hadrien Bru s’est proposé d’en faire une étude complète en vue de refaire une publication actualisée, intrigué déjà par le nom de QINTUS CAECILIUS CORNUTUS, importante famille dont il y aurait la trace en Orient ! Nous attendons donc avec impatience le résultat de ses recherches, susceptible d’apporter un éclairage inédit sur une époque de l’histoire d’Anduze particulièrement ténébreuse…

9 juin 2017

La sensibilité du commissaire Chibert…

Ce procès-verbal dressé à Anduze en 1852, un jeudi jour du marché, nous permet de retrouver le commissaire de police Chibert, déjà évoqué ici, qui peut combattre, depuis peu et avec une première arme législative, un fléau sans frontière et aussi vieux que le « côté obscur » de l’être humain : la maltraitance animale.

(toujours transcrit sans correction)
 
« L’an mil huit cent cinquante deux le vingt trois juillet.
Nous Charles Ambroise Chibert, commissaire de police d’Anduze, hier sur les trois heures de l’après-midi, j’ai remarqué un individu sur le plan de Brie à Anduze, qui maltraitait une mule d’une manière atroce, en la frappant sur la tête à grands coups de manche de fouet. Voyant maltraiter cet animal avec tant de cruauté, je lui criai malheureux voulez-vous bien cesser et au lieu de le faire, il redoubla.
C’est alors que je m’approchai, et lui reprochant sa brutalité il me dit pour s’excuser, qu’il n’avait rien vendu, qu’il était mécontent, et que sa mule lui avait fait du mal à la main, que c’était ce qui l’avait porté à la frapper.
Je lui demandai son nom et sa demeure, il me répondit qu’ils étaient sur la plaque de la charrette ; je l’examinais, il y avait Charles Vigne de Montfrin (Gard), il me dit que c’était bien le nom et qu’il était marchand d’oignons.
Vu la loi des 15 mars, 19 juin et 2 juillet 1850, je lui déclarai procès-verbal, pour être remis à Mr le juge de paix du canton d’Anduze pour sur la conclusion du ministère public être statué.
Anduze les jours, mois, et an que dessus
Le commissaire de Police, Chibert. »


C’est le général Jacques Delmas de Grammont, élu député en 1849, qui, sensibilisé au sort des chevaux de guerre et plus largement des animaux maltraités dans les rues, fit voter le seul article d’une loi sans précédent selon lequel : « serait punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ». Promulguée le 2 juillet 1850 sous les railleries, les caricaturistes de l’époque s’en donnant à cœur joie, la « loi Grammont » permit – même s’il fallut encore attendre plus d’un siècle pour admettre officiellement la sensibilité animale ! – d’initier de façon concrète le long parcours menant à la protection des animaux telle que nous la connaissons. Une protection sur le papier qui reste encore très loin d’être appliquée de façon optimum.
Triste réalité d’aujourd’hui, confirmée par tous les différents scandales récents liés à la souffrance animale…

24 mai 2017

Château de Tornac : entre archéologie et restauration…

Le 30 mars dernier eut lieu à la mairie de Tornac une réunion entre le SIVU (Syndicat Intercommunal à Vocation Unique d’Anduze et Tornac, propriétaires du site), la DRAC et l’architecte du patrimoine chargé par le syndicat du projet de restauration et de mise en sécurité des caves du logis Renaissance du château. Une réunion qui fut précédée par la visite des lieux, les nouveaux responsables à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Montpellier, entrés en fonction en janvier 2017, ne connaissant pas le château.
 
Ce projet est la suite logique des campagnes de fouilles archéologiques qui eurent lieu au cours des années 2013 à 2016. Pour illustrer mon propos je vous propose entre autres une très belle photo de la cour du château, prise d’un drone (en cliquant dessus vous pouvez l'agrandir). Cette vue d’ensemble permet, je pense, de mieux se rendre compte des différents travaux effectués. Donc ceux-ci portèrent d’abord sur la cour castrale avec, en résumé, la découverte du niveau du sol d’origine soigneusement pavé (flèches oranges) et le dégagement d’un petit escalier en très bon état conduisant aux caves (flèche verte) ; les deux flèches rouges indiquent un pas de porte de ce qui semble avoir été un petit vestibule qui desservait l’entrée des caves et une grande pièce sur la gauche, celle-ci communicant sans doute avec l’ensemble des bâtiments et ses étages ; d’un système d’écoulement des eaux au pied de la tour Sandeyran (flèches jaunes), ainsi qu’un ancien accès de puisage de la citerne souterraine, situé près de l’entrée principale de la cour (flèche bleu) ; les flèches violettes montrent des murets construits par l’archéologue pour empêcher la terre d’envahir les zones de fouille. Ensuite le sondage de la fameuse citerne, jouxtant les caves, en grande partie comblée ; mais je vais transcrire ici un extrait de la synthèse – écrite par Sophie Aspord-Mercier, archéologue – de ces dernières fouilles très intéressantes :

« (…) La fouille minutieuse du comblement de la citerne a révélé diverses pierre de taille dont une finement sculptée d’un décor de feuillage pouvant dater des XIIème, XIIIème siècles. Plusieurs pavés en calcaire issus de la cour astrale et des pièces du rez-de-chaussée du logis Renaissance, des fragments de dalles en terre cuite, de brique, de parefeuille, de tuile et de nombreux tessons de poterie ont également été retrouvés. Parmi ceux-ci fut découvert un fragment d’un pot à pâte cuite à très haute température ayant l’aspect du grès de couleur gris clair. L’émaillage fin et régulier tend à entrevoir un aspect industriel pouvant dater de la fin du XIXème siècle, voire du début du XXème siècle. De toute évidence, le comblement de la zone éventrée résulte d’un remaniement intentionnel entrepris bien après l’abandon du site. »

« Si la stratigraphie a été fortement remaniée dans la partie orientale de la citerne, le comblement opposé s’est avéré moins perturbé. Une majorité de tessons de poterie issue des productions locales et régionales datant principalement des années 1600-1750 déterminent de la vaisselle de la vie quotidienne telles que les pichets, les cruches, les assiettes creuses, les bols à oreille ou les orjols. Un tesson à pâte rouge foncé avec dégraissant et quelques fragments de céramique commune à pâte rose clair fine et recouverte d’engobe légèrement ocré sont représentatifs des XIIIème, XIVème siècle. Le comblement comprenait également une importante quantité de fragments de tuile à pâte rouge ou ocre, ainsi que des fragments de tuile vernissée à l’extrémité triangulaire recouverte d’une glaçure de couleur ocre-beige ou verte. Les ateliers de tuiliers briquetiers à Tornac ou Atuech, mentionnés entre les XVIIème et les premières décennies du XXème siècle, tendent à suggérer une production locale. »

« En conclusion, la construction de la citerne a été entreprise durant le chantier de transformation du site castral primitif en maison forte suite à l’acquisition du mas de Sandeyran par Pierre de la Jonquière en 1564. Soigneusement bâtie dans le rocher, la
maçonnerie conserve majoritairement ses enduits hydrauliques d’origine. Une seule campagne de reprise d’étanchéité de la totalité des parois sur une hauteur maximum de 1.00 m et quelques reprises ponctuelles de la chape de fond et du puisard ont été observées.
Délaissé suite à l’incendie de 1792, le château semble avoir servi de carrière de pierres et a fait l’objet de démontage régulier des encadrements de baies, des voûtes, des dallages et des toitures au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. Les matériaux brisés et inutilisables ont été volontairement jetés dans la citerne qui a été partiellement fouillée et détruite vers l’extrême fin du XIXème siècle ou durant les premières décennies du XXème siècle. Le chantier de restauration entrepris dans les années 1977 a également fortement perturbé le comblement de celle-ci. (…) »

 
Je ne vais pas aujourd’hui vous décrire le projet développé par notre architecte concernant les caves (La photo montre leur enfilade avec le puits de lumière indiquant la partie effondrée. Tout au fond se trouve la citerne). A ce jour nous attendons toujours la réponse de la DRAC, favorable ou non aux travaux envisagés. Un autre billet sera consacré au sujet le moment venu, d’autant plus qu’il y a de fortes chances pour qu’un certain nombre de modifications ait lieu en cas d’acceptation…

15 avril 2017

Sabre au clair !…

Ce vingt neuf septembre 1806, cela faisait quatre jours que Napoléon 1er avait quitté vers quatre heures du matin le château de Saint-Cloud pour rejoindre sa Grande Armée stationnée en Allemagne. Une nouvelle guerre s’annonçait au galop avec cette fois, parmi les pays de la coalition contre lui, la puissante Prusse. Son roi, s’adressant à son allié Russe début septembre, se déclara être prêt à attaquer « le perturbateur du repos de l’univers ».
Mais après moins de quarante jours de batailles, d’odeurs de sang et de poudre à canon, de sabres au clair et de poursuites, les Prussiens subirent la plus grande défaite militaire de leur histoire avec la destruction totale de leur armée. L’heure du grand « perturbateur » n’était pas encore venue…

Ce jour là donc, le juge de paix d’Anduze et son canton apprit qu’un certain Simon Fontibus avait décidé lui aussi de faire sa guerre, sabre au clair, mais… à sa femme ! Eh oui, que voulez-vous, à chacun son ambition et son destin… 

« Cejourd’hui vingt neuf septembre mille huit cent six a cinq heures de relevée devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire de la ville et canton d’anduse et dans notre cabinet au dit anduse assisté de Jacques Gache notre greffier.
« Est comparue Jeanne Almeras épouse du sieur Soujol tailleur d’habits, habitante de cette ville d’anduse, laquelle nous a requis de rédiger la plainte qu’elle vient nous rendre des faits ci après détaillés à quoi nous avons procédé d’après les déclarations de la dite Soujol qui a dit que samedi dernier le nommé Simon Fontibus, commis à l’octroi, habitant de cette dite ville vint dans sa maison environ les sept heures du soir sous prétexte d’acheter du tabac, pour voir si sa femme avec qui il est brouillé depuis quelque tems y était. On lui répondit qu’elle était couchée, sur cela il tint les propos les plus scandaleux les plus outrageans contre la dite femme. Et après avoir resté quelque tems il s’en fut, mais le jour d’hier, il vint encore pour acheter du tabac environ les huit heures du soir, fit encore du train au sujet de sa femme. Et cependant étant sorti, on crû que cela serait fini qu’il ne reviendrait, point du il revint demie heure après. Entra, et s’adressant au mari de la plaignante lui dit vous m’avez trahi. La plaignante et son mari le voyant comme furieux et armé d’un long sabre, s’effrayèrent et lui répondirent qu’il demanda à tout le monde s’ils l’avaient et même s’ils étaient capables de le faire. Alors le dit Fontibus sacrant menassant dit qu’il voulait avec son sabre couper les bras et les jambes à sa femme, que personne n’était dans le cas de l’en empêcher, qu’il se foutait de la justice, qu’il était maître et que si on lui fermait la porte il la briserait. Et après avoir dit une infinité d’injures il sortit à la rue et promena jusque a dix heures et demie au devant de la porte avec son sabre sous le bras. C’est pour cela que la plaignante est venue porter sa plainte, afin que si le dit Fontibus effectuait ses menaces il fut puni conformément aux loix. Sous lesquels faits elle affirme vrais et sincères et désigne pour témoins diceux les sieurs Alien père Seite dit Caporal et Michel Fraissinet cordonnier et du tout requiert acte. Requise de signer a dit ne pouvoir le faire a cause de sa vue. »

18 mars 2017

Dernière partie de cartes à Tornac…

Une fois n’est pas coutume, ce 7 décembre 1806, le juge de paix du canton d’Anduze enregistra deux plaintes coup sur coup provenant de ce charmant et calme village de Tornac où il fait si bon vivre pourtant
Deux dépositions intéressantes pour les noms de famille qui ne laisseront pas indifférents les amateurs tornagais d’histoire locale ; certains d’entre eux sont d’ailleurs liés à la poterie et on les retrouve cités dans le fameux livre de Laurent Tavès.

Dans le cas présent il s’agit d’une simple partie de cartes entre « amis » qui dégénère en un véritable pugilat ! Les écrits ne précisent pas si de l’argent était en jeu, mais l’indice du vin permet déjà d’expliquer sans doute en grande partie ce déchaînement de violence…
Voici la première plainte reçue par Jean Coulomb aîné à dix-huit heures ce jour-là (toujours recopiée telle) :

« Est comparu Jean pierre Saix fils agriculteur habitant à Bouzene commune de Tornac lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés, a quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Saix qui a dit, qu’il y a environ une heure et demie, il était chez le sieur françois Astruc au dit Bouzene, à boire une bouteille de vin, et s’amusait à jouer aux cartes, avec les nommés Louis Pompeira, du mas Blanc, et Louis Bourguet du mas Rey, commune du dit Tornac. Voyant que le plaignant gagnait la partie, le dit Pompeira a pris les cartes et lui a dit qu’il avait perdu, au contraire lui a répondu le comparaissant j’ai gagné, et si vous enlevés les cartes c’est pour me faire perdre. Alors les dits Bourguet et Pompeira lui ont tombé dessus, l’ont pris par les cheveux, lui ont donné des coups de poings et des coups de pieds et sans les personnes qui sont survenues, l’auraient sans doute laissé sur les carreaux. Observant le plaignant qu’au moment que les susnommés lui ont cherché querelle le dit Pompeira est venu fermer la porte et s’est emparé d’une chaise. Sous lesquels faits le dit Saix affirme vrais et sincères désigne pour témoins d’iceux, Louis Teissier potier de terre et Jean Guerin fabricant de bas tous de la commune de Tornac, et du tout requiert acte se déclarer partie civile et a signé »
 

Une demi-heure plus tard le juge et son greffier virent arriver le deuxième plaignant. Il s’agit cette fois de Louis Pompeira a qui l’auteur de « le vase d’Anduze et les vases d'ornement de jardin »  consacre un paragraphe sous l’orthographe Pompeirac dans son chapitre « Les oubliés de l’histoire »

« Est comparu Louis Pompeira potier de terre, habitant au mas Blanc commune de Tornac lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés a quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Pompeira qui a dit qu’il y a environ deux heures, ils étaient a boire une bouteille de vin chez le sieur françois Astruc à Bouzene et s’amusait à jouer avec les nommés Louis Bourguet et Jean pierre Saix au dit Bouzene au jeu des cinq cartes. Le comparaissant voyant que Bourguet avait fait les deux premiers plies et que le valet de cœur qu’il avait dans sa main lui en faisait une a pris les cartes en disant Bourguet a gagné le point, alors le dit Saix lui a dit qu’il avait gagné, qu’on voulait le tromper, s’est levé et d’une raison à l’autre, ce dernier a donné un coup de pied entre les cuisses du plaignant qui a manqué le renverser par terre, et lui a sauté aux cheveux, mais les personnes qui sont survenues ont empêché qu’ils le maltraitassent, et chacun s’est retiré. Sous lesquels faits le comparaissant affirme vrais et sincères désigne pour témoins d’iceux, les nommés Guillaume Boissier fils, Bastide neveu du dit françois Astruc, Louis Teissier potier de terre et Jean Guerin fabricant de bas, tous de la commune de Tornac, et du tout requiert acte se déclarer partie civile et a signé »


Si on avait le sang chaud à l’époque avec l’insulte et le coup de poing faciles, le plus étonnant reste que les principaux protagonistes n’hésitaient pas non plus à faire dresser procès-verbal avec témoins de leur mauvaise fois respective, quittes à encourir une sanction. Allez savoir, peut-être ici retrouve-t-on le véritable esprit reboussier !

18 février 2017

Chapellerie Galoffre, 1er décembre 1806 : bonjour l’ambiance !…

Cette année-là fut décidément faste pour les dépôts de plaintes en tous genres et le juge de paix nous a laissé, sans le savoir, de véritables instantanés de la vie locale d’alors qui nous permettent aujourd’hui de mieux appréhender l’atmosphère de l’époque. Mais ils nous fournissent aussi, comme les procès-verbaux, une mine de renseignements dans tous les domaines de la société et dont la fiabilité est indiscutable de par sa source officielle.

Nous entrons cette fois au cœur d’une chapellerie et non des moindres puisqu’il s’agit de celle de la famille Galoffre. Pour la plupart des historiens qui ont écrit sur l’histoire d’Anduze, ce nom célèbre de la vie économique et politique de la ville n’apparaît pratiquement que vers le milieu du dix-neuvième siècle comme le patronyme de l’entreprise la plus importante de sa corporation, si ce n’est de la cité. Ceci grâce à une adaptation intelligente de sa production vers l’aire industrielle qui s’ouvrait, avec de nouvelles techniques performantes optimisant un savoir-faire qui fit sa renommée et sa fortune.
Et c’est peut-être ici tout l’intérêt du document que je vous propose puisque, indirectement, il nous fait savoir que cette famille est déjà à la tête d’une importante chapellerie artisanale en 1806. De cette constatation, avec la présence d’un certain nombre de « garçons chapeliers » travaillant à son service, on peut facilement imaginer une notoriété bien établie depuis au moins le dix-huitième siècle… Bénéficiant de cette aura dynastique, professionnelle et familiale depuis des générations, on peut raisonnablement penser qu’au tournant de la révolution industrielle du dix-neuvième siècle la maison Galoffre eut la confiance des banques et les moyens financiers pour investir et répondre ainsi aux nouvelles donnes économiques. Par contre, la grande majorité des autres artisans chapeliers du secteur disparurent progressivement ou finirent employés de l’importante usine…

Mais voici cette plainte témoignant d’une violente querelle entre deux collègues de travail (copiée sans corrections mais avec la définition entre parenthèses d’un outil cité) :

« Ce jourd’hui deuxième décembre mille huit cent six à midi devant nous Jean Coulomb aîné juge de paix officier de police judiciaire de la ville et canton d’anduze et dans notre cabinet au dit anduze assisté de Jacques Gache notre greffier.

« Est comparu Joseph Beranger garçon chapellier travaillant chez le sieur Jean Galoffre, habitant de cette ville d’anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’il vient nous rendre des faits cy après détaillés a quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Beranger qui a dit que le jour d’hier environ de trois ou quatre heures du soir, étant à travailler à l’arcon
(Arçon, outil de chapelier ressemblant à un archet de violon avec lequel ils divisent et séparent le poil ou la laine dont les chapeaux doivent être fabriqués - voir la gravure ancienne), avec plusieurs autres, le nommé Batiste Bécardy, aussi garçon chapellier chez le sieur Galoffre, l’insulta l’injuria et le menassa de la manière la plus forte, lui disant qu’il était un coquin, un voleur, qu’il voulait le tuer d’un coup de pistolet ou d’un coup de couteau, le plaignant lui répondit qu’il était un polisson, de lui tenir de pareils propos, mais est venu porter sa plainte pour se faire rendre justice, affirme tous les faits ci dessus vrais et sincères, désigne pour témoins diceux, Laporte fils dit Tourmente, Jean Gal, Louis Bastide, Louis Raynand, et Chabert, tous chapelliers habitants de cette ville d’anduze, et du tout requiert acte et a signé… »

5 février 2017

Anduze et son tube de l’été 1852…


« Ce jourd’hui dix sept septembre mil huit cent cinquante deux, vers onze heures et demie du matin, nous Jouve, Etienne-Joseph, Maréchal des logis de gendarmerie à la résidence d’Anduze, revêtu de notre uniforme, fesant un service de surveillance dans l’intérieur de cette ville à l’occasion de la foire, nous trouvant sur le Plan-de-Brie, avons vu venir du côté de la tour de l’orloge, un jeune homme monté sur un cheval lancé au galop et a parcouru la voie publique dans cette allure.
Lui ayant fait de la main signe de s’arrêter, il a ralenti sa marche et l’ayant abordé, il a déclaré être le fils de M. Gilly, propriétaire à Anduze.
En conséquence et attendu que M. Gilly fils est en contravention à l’article 475 n°4 du code pénal A 27 de l’ordonnance du 16 juillet 1828, lui avons déclaré que nous allions dresser contre lui notre procès-verbal dont l’original sera remis à M. le commissaire de police chargé de la poursuite. Nous avons également fait part à M. Gilly père du contenu de notre procès-verbal comme responsable des actions de son fils. Copie du dit procès-verbal sera adressée à M. le commandant de cette compagnie.
Fait à Anduze les jour, mois et an que dessus. »


Ce rapport de gendarmerie, recopié tel quel, est explicite : en 1852 on verbalisait déjà les excès de vitesse en agglomération !…
Il faut dire qu’à cette époque la ville d'Anduze, au sommet de son ascension économique avec notamment ses nombreuses filatures, était particulièrement bien peuplée et d’autant plus lors de sa grande foire de septembre. C’est pour cette raison qu’elle bénéficiait d’une surveillance accrue avec, en dehors d’une brigade de gendarmerie, un commissaire de police rendu obligatoire pour les localités de plus de cinq milles habitants.
Celui de la porte des Cévennes cette année-là se nommait Charles-Ambroise Chibert. Pour faire plus ample connaissance avec lui et l’essentiel de ses activités, nous le suivrons de temps en temps à travers quelques-uns de ses nombreux procès-verbaux. Comme par exemple celui-ci (toujours recopié sans corrections) daté du 27 août 1852 :


« Hier à dix heures quarante cinq minutes du soir, étant en surveillance au faubourg du Pont, j’entendis des chants sur les quais qui bordent le gardon dans la ville ; non seulement que les chants sont défendus dans les rues depuis la chute du jour par un arrêté du maire d’Anduze en date du 29 février 1849, mais ces chants étaient obscènes, en voici quelques paroles : en m'asseyant je vis son c.., il était noir comm' du charbon, et rempli de m..p… Comme j’étais éloigné des chanteurs, je pris la cours et appelai le garde Driolle que je savais être sur le quai pour garder un chantier. Quand il m’eût rejoint nous doublâmes le pas et nous les ratrapâmes (chantant encore) en face de l’octroi de la porte du pas où je les sommai de me suivre à mon bureau, ce qu’ils firent sans résistance et là, j’en reconnus trois qui sont 1° Lucien Michel fils, 2° Gaston Arnassant fils, 3° Antoine Laporte fils, fabricant d’huile, le 4 ème me dit se nommer Chamboredon fils de l’huissier. Les quatre demeurent à Anduze, le 5 ème m’a déclaré se nommer Canonge Prosper, aubergiste à Alais rue Droite. Je leur ai déclaré procès-verbal.
Sur quoi nous commissaire de police sus dit avons renvoyé libres les dits individus susnommés, à la charge de se représenter lorsqu’ils en seront requis, et attendu qu’ils sont prévenus d’être contrevenus au sus dit arrêté, et d’être auteurs de bruit nocturne troublant la tranquillité publique, nous avons rédigé le présent procès-verbal, de simple police, pour être remis à Monsieur le juge de paix du canton d’Anduze pour, sur les conclusions du ministère public, être statué.
Anduze les jour, mois et an que dessus. »


Comme vous l’avez constaté, notre commissaire était assez embarrassé à propos des paroles de cette chanson paillarde qu’il avait entendues et il n’osa pas « s’étendre sur le sujet » dans son rapport. Aussi aujourd’hui je vous en livre vraiment quelques paroles que j’ai pu retrouver malgré les maigres indices qu'il a laissés, histoire de compléter enfin ce procès-verbal !…

« J’ai rencontré Marie-Suzon, brindezingue, la faridondon, j’ la fis asseoir sur le gazon, en m'asseyant je vis son con, il était noir comm' du charbon, et tout couvert de morpions, y en avait cinq cent millions, qui défilaient par escadrons, comm' les soldats d' Napoléon, et moi, comme un foutu cochon, j’ai baisé la Marie-Suzon… »
 

21 janvier 2017

Rififi chez Jean Gautier, potier de terre d’Anduze…

« Ce jourd’hui », avec le document que je vous propose, nous entrons de façon inédite dans l’univers des potiers d’Anduze à travers la famille Gautier qui est sans conteste la plus emblématique de l’histoire locale de cette corporation puisqu’à l’origine même de la dynastie des Boisset et de l’entreprise actuelle « Les Enfants de Boisset »…
Comme dans l’avant dernier billet il s’agit d’une plainte déposée sous l’autorité de notre juge de paix de l’époque, Jean Coulomb aîné. Cette fois la date – le 7 mai 1806 – est compréhensible immédiatement car écrite selon notre calendrier grégorien au détriment du républicain (brumaire, nivôse, pluviôse, etc…), définitivement abandonné par l’Empire quelques mois plus tôt.

En dehors de la description savoureuse des déboires du plaignant, avec quelques fois des mots d’argot et des expressions populaires oubliés depuis longtemps, ce petit manuscrit officiel de plus de deux cents ans s’avère être aussi d’un grand intérêt pour notre histoire potière. En effet le plaignant, David Castanet, fut le premier d’une lignée de potiers reconnus ayant exercé tout au long du XIX ème siècle. Dans son magnifique livre « Le vase d’Anduze » Laurent Tavès nous apprend ainsi que le jeune homme est venu s’installer rue Fusterie en 1804 pour ouvrir son atelier. Ce qu’il ne nous dit pas et que vient confirmer sans ambiguïté notre document c’est qu’en attendant d’acquérir son indépendance, David Castanet est encore en 1806 au service de son voisin Jean Gautier et que celui-ci a été certainement son formateur… Une époque de transition car c’est ce même Jean Gautier qui forma aussi quelques années plus tôt le fils du cousin de sa femme, un certain Louis-Etienne Boisset…

Voici le texte de ce procès-verbal atypique, avec quelques remarques personnelles rajoutées entre parenthèses :
Est comparu David Castanet, journailler (journalier : ouvrier, manuel du pays) habitant de cette ville d’Anduze, lequel nous a requis de rédiger la plainte qu’elle vient nous rendre des faits ci-après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations du dit Castanet, qui a dit qu’il y a environ une heure la femme du sieur Louis Suisse est venue chez le sieur Jean Gautier, potier de terre de cette ville pour acheter un baquet. Le dit Gautier après lui avoir vendu le dit baquet lui a dit votre mari me doit deux jarres ; non a t’elle répondu, nous les avons payées à Castanet votre garçon qui est là ; alors le plaignant lui a dit non ma chère vous vous trompez, ce n’est pas à moi que vous les avez payées, parce que j’en aurais fait compte à mon bourgeois (mot d’argot d’autrefois désignant le patron, l’employeur). Elle a beaucoup fait du train (expression ancienne populaire exprimant l’emportement d’une femme) et a dit au plaignant que s’il soutenait de n’avoir point reçu le paiement des dites deux jarres il serait bien capable d’autres choses. Ce qui l’a décidé de se transporter chez le dit Louis qui du moment qu’il l’a vu il lui a dit ce n’est pas à toi que j’ai payé les jarres et lui a fait ses excuses. Mais le nommé Gervais aîné, boulanger de cette ville, ayant appris sans doute par quelque faux rapport que la femme du dit Louis, qui est sa sœur, avait été maltraitée par le comparaissant est couru chez le sieur Gautier, a trouvé Castanet, le pris au collet, l’a secoué fortement en lui disant c’est toi qui a battu ma sœur, et l’aurait maltraité si les personnes qui se trouvaient présentes ne lui avait empêché. Alors on l’a fait sortir de la maison, et s’en allant il l’a menacé qu’il le lui paierait. Sous lesquels faits le dit Castanet affirme vrais et sincères et désigne pour témoins Frédéric Dhombre journailler, Angélique Gautier (cousine de Etienne Boisset et épouse de Jean Gautier), Jean Gautier père, potier de terre, et le nommé Guillot domestique chez Mr d’Estienne aîné.

7 janvier 2017

L’énigme du vieux canon d’Anduze…

Dans la salle du Conseil de la mairie on peut admirer depuis quelques semaines le vieux canon d’Anduze ! Entreposé depuis des lustres dans un coin des ateliers municipaux, nous avions décidé il y a plusieurs mois, sur le conseil judicieux de notre agent mécanicien Eric Roux, lui-même amateur éclairé d’armes anciennes, de le restaurer pour stopper une dégradation devenue inquiétante, notamment les grandes roues de son affût en bois. Ce beau vestige militaire, unique sur la commune et restant encore fragile malgré le travail efficace de rénovation, ne peut malheureusement pas rester dehors à demeure sans risquer une nouvelle et rapide détérioration.
 
A ce jour nous ne savons rien de l’histoire de cette pièce d’artillerie, certes rudimentaire, mais capable à son époque de faire un dégât considérable avec l’envoi de boulets ou de mitraille à courte portée. Quand et comment la municipalité l’a-t-elle récupérée ? Mystère. En nettoyant le canon, une date à peine lisible sur un des tourillons (excroissances cylindriques de chaque côté qui permettent de le poser sur l’affût) fut mise à jour : 1841. D’autres traces illisibles sont présentes au même endroit. Cette découverte a été une bonne surprise car elle m’a permis de faire la relation avec un document retrouvé récemment qui nous apprend qu’en 1846 Anduze abritait une compagnie du premier bataillon du quinzième régiment d’infanterie légère…
Ce régiment trouve son origine à la fin du dix-septième siècle mais eut plusieurs intitulés au cours de sa longue existence. Le quinzième prit naissance en 1803 pour devenir le quatre-vingt dixième régiment d’infanterie de ligne à partir de 1855 jusqu’en 1998 où il fut dissous.
Mais faisons un peu d’histoire pour retrouver la trace du numéro quinze alors qu'au moins une de ses compagnies occupa nos casernes anduziennes. Suite à la conquête de l’Algérie par la France en 1830, l’émir Abd el-Kader fédéra plusieurs tributs pour s’opposer aux Français. En 1839 il réussit à obtenir l’appui du sultan du Maroc pour déclarer la guerre à la France. Celle-ci finira par l’emporter à la célèbre bataille décisive d’Isly, à la frontière algéro-marocaine, le 14 août 1844. Notre régiment d’infanterie légère y participa. On le retrouve plus tard dans la province d’Oran en avril 1846. Affaibli par la défaite des Marocains et après quelques années de résistance, Abd el-Kader finit par se rendre en 1847. Il est donc fort probable que notre ville, équipée de casernes et sans doute avec d’autres localités dans le sud, ait servi de base arrière à une partie de l’armée française engagée sur le terrain nord-africain durant cette période. Est-ce que notre petit canon de campagne était au service de ce régiment ? Si oui, a-t-il fait le voyage africain ? Des questions dont nous n’avons pas les réponses aujourd’hui, mais qui sait, peut-être demain…