C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

11 décembre 2012

Rue Neuve : quelques éléments sur son origine…

En ce 17 février 1832, le maire d'Anduze Etienne Noguier ne s'attendait certainement pas, en délibérant ce jour là avec son Conseil, qu'il allait devoir faire face à une opposition particulièrement farouche, concernant le principal point de l'ordre du jour. En effet, lors de cette séance fut approuvé un projet déjà ancien, initié par son prédécesseur : l'ouverture d' " une rue du Faubourg de Nismes à la place Couverte "… Si dans un premier temps la délibération fut confirmée par un arrêté préfectoral, celle-ci sera finalement suspendue par le Conseil d'Etat demandant un complément d'informations, suite à sa réception d'un mémoire des opposants au projet.
 
C'est au cours de cette enquête publique qu'ont été publiés des petits fascicules de trente deux pages, adressés "Aux habitans d'Anduze", et dont j'ai la chance de tenir entre mes mains l'un des exemplaires devenus rarissimes. Fabriqués par les soins d'un imprimeur d'Alès en 1833, ils le furent sans aucun doute sous la houlette de la municipalité anduzienne, même si ces documents ne comportent ni blason, ni nom d'auteur. Leurs pages sont intéressantes à plus d'un titre. Par exemple elles nous apprennent sans ambiguïté que le "chemin neuf de Nîmes" (devenu depuis les années 1930 l'avenue du Pasteur Rollin) existait déjà à cette époque et ne fut pas ouvert en même temps que la rue Neuve :
" …N'est-il pas convenable, n'est-il pas indispensable de rendre libre l'accès du principal marché de la ville d'Anduze, et celui de la ville toute entière ; les moyens de transport étant changés, l'avenue de Nismes ayant été transférée de la partie inférieure à la partie supérieure du vallon du Plan-des-Môles (ici il est fait allusion à l'ancienne route de Nîmes qu'était la rue du Luxembourg, face à l'entrée de la rue Droite et la nouvelle route de Nîmes passant maintenant par l'avenue du Pasteur Rollin), n'est-il pas urgent d'ouvrir sur le point de la ville correspondant à la nouvelle route une voie qui satisfasse les nouveaux besoins du commerce, et unisse à la ville le faubourg qui s'est élevé sur les bords de la route nouvelle ?
"…Mais à la vue du voyageur qui arrive de Nismes, n'est-il pas choquant ce cul-de-sac, que forme à l'entrée de la ville la belle route qu'il vient de parcourir ? Il recherche en vain l'entrée ; il lui semble que la disposition des lieux l'invite à continuer sa route et à éviter Anduze."

 
Il faut savoir qu'à cette époque Anduze possédait une population plus élevée qu'aujourd'hui, essentiellement due au dynamisme de ses marchés et au développement de son industrie. De ce fait il devenait impératif d'améliorer les différents accès au centre ville et désenclaver ainsi les places publiques stratégiques commercialement comme la place Couverte :
"…C'est sans doute par dérision qu'on a appelé rue Droite la principale voie, celle par laquelle on arrive au principal marché du côté du midi. Cette rue est la terreur des rouliers : ils préfèrent passer par la rue étroite de la Bouquerie, quoique le trajet soit double, et quelle soit précédée d'une montée. Quand même on redresserait à grands frais la rue Droite, on ne réussirait jamais à niveler le sol, on n'éviterait pas l'obstacle que présente le pied de la halle à l'endroit où la pente est la plus rapide…"
Autre réflexion non négligeable qui vient étoffer l'argumentation :
"…Si l'intérêt de la conservation de ses marchés oblige la ville à percer la rue projetée, celui de la santé publique lui en fait un devoir. Le quartier populeux que la rue doit traverser est complètement privé d'air ; il est un réceptacle d'ordures, un foyer d'infection, une véritable sentine…"
 
La conclusion, page 32 de ce livret, évoque déjà, quelques décennies plus tôt, les travaux qui auront lieu aussi pour accéder confortablement à la place Saint Etienne (actuelle place de la République) en ouvrant le boulevard Jean Jaurès, et qui a déjà fait l'objet d'un précédent billet :
" Habitans de la place St Etienne et des quartier supérieurs de la ville ! ne jalousez point le projet de rue dont l'exécution doit ôter tout prétexte de déplacer à l'avenir les établissemens commerciaux qui sont à l'intérieur. C'est le premier acte d'exécution du projet général d'amélioration de la voirie, dont la rue du nord deviendra aussi la conséquence. Ne contestez pas à l'autre rue la priorité qui lui est acquise à si juste titre ; soutenez-la aussi de vos vôtes. Le quartier de la place aux grains ne peut gagner sans que le vôtre ne gagne aussi, et s'il perdait, le vôtre ne pourrait que perdre au centuple.
Vous tous habitans d'une même ville, ne vous partagez pas en des volontés diverses : l'esprit de domination cherche à diviser, car il ne peut se satisfaire qu'en divisant, mais l'intérêt public exige, commande l'union. Réunissez-vous tous autour de votre maire : il n'est en butte à tant d'attaques que pour avoir refusé de favoriser des vues d'intérêt privé. Votez pour le projet de rue de la place de la halle, le plus beau, le plus patriotique qu'on ait jamais conçu pour votre ville."

 
La Grande Rue, qui deviendra la rue Neuve, fut percée en 1836…

15 octobre 2012

Cordelier : un "mot clé" de l'histoire d'Anduze… suite

Les Vieilles Ecoles (photo Françoise Iglesias)
L' " enclos ", dont nous ignorons l'aspect d'avant ses premiers réaménagements de la fin du XIX ème siècle, fut vendu avec ses bâtiments comme bien national à la Révolution. Ce n'est qu'à partir de 1876 que la municipalité s'intéressa, durant le mandat de Henri Mazade, à cet ensemble pour diverses raisons :
"…Monsieur le maire intervenant, informe le Conseil qu'il sait de bonne part que le propriétaire de l'Enclos des Cordeliers se déciderait à le vendre par préférence à la commune si l'on pouvait se mettre d'accord sur le prix de cet immeuble dans lequel la commune trouverait place pour tout ce qui peut l'intéresser, savoir : Des locaux pour ses écoles ; Un emplacement spacieux pour ses marchés aux bestiaux — il s'agit ici certainement de l'actuelle place du Grand Foiral — ; Une promenade publique et une certaine quantité d'eau pouvant s'adjoindre facilement à celle de nos fontaines toujours insuffisantes en été, qui viendrait les faire déverser comme autrefois et porter ainsi la fraîcheur et la salubrité dans tous les quartiers de la ville…"
En fait, à l'époque, la plus importante des raisons était bien celle des locaux, la commune cherchant à regrouper ses différentes écoles en un seul lieu qui devait être absolument une propriété communale, selon la loi. L'ancien couvent des Cordeliers, vaste demeure du XVIII ème siècle encore en très bon état, correspondait parfaitement à ses projets ; d'autant plus, autre argument du premier magistrat, qu'il pouvait abriter aussi le logement des institutrices et instituteurs… Mais les tractations d'achat ne furent pas simples, un certain monsieur André, propriétaire des lieux, demandant plus du double de l'estimation (92480 francs) de l'expert géomètre mandaté par la mairie ! Un accord fut finalement trouvé pour la somme de 100 000 Francs et entre les demandes de subventions et celle d'emprunt à la Caisse des Ecoles, l'affaire fut validée lors d'une séance du Conseil municipal en mars 1879, pour être concrétisée en 1880.
Non entretenu sérieusement pendant des décennies, ce témoin patrimonial de la mémoire anduzienne appelé familièrement " les Vieilles Ecoles " a fini par être démoli assez récemment, en 1999. Espérons que ce qui reste de " l'enclos des Cordeliers ", tout en ayant gagné ses lettres de noblesse avec les années en devenant le magnifique " parc des Cordeliers " que nous connaissons, a vu l'hémorragie de sa superficie stoppée définitivement pour le plus grand bénéfice de la ville d'Anduze et ses habitants.

30 septembre 2012

Cordelier : un "mot clé" de l'histoire d'Anduze…

Un Frère mineur ou Franciscain ou Cordelier.
Notre beau parc des Cordeliers fait à juste titre la fierté des Anduziens et ceux-ci, par une fréquentation quotidienne soutenue, montrent leur grand attachement à ce lieu à la fois calme et ludique, propice à toutes sortes de rencontres et d'échanges… sinon à la méditation ! Transition un peu facile, certes, pour évoquer et se remettre en mémoire la signification du nom religieux de ce site merveilleux.
Saint François d'Assise fonda, dans le premier tiers du XIII ème siècle, l'ordre des Frères mineurs ou Franciscains. L'appellation populaire " cordeliers " viendra plus tard, lors de leur participation à la septième croisade organisée par Saint Louis entre 1248 et 1254. Ayant été particulièrement remarqués au cours d'une bataille, le roi aurait demandé leur nom et on lui aurait répondu que c'était des hommes liés  de cordes. Depuis on les nomme familièrement en France cordeliers.
Si il est avéré que les Franciscains possédaient un couvent à Alès au début du XIV ème siècle et d'ailleurs participèrent en 1309 à la commission chargée de l'interrogatoire des Templiers enfermés dans le château royal, pour Anduze leur arrivée sur notre territoire a dû se faire sensiblement à la même époque, la date des plus anciens titres du couvent des Cordeliers de notre cité étant de 1330 d'après le docteur Viguier dans sa notice sur la ville d'Anduze de 1823.
Le milieu du XVI ème siècle verra mettre au premier plan l'action du célèbre cordelier anduzien Nicolas Ramondy, puisque celui-ci, suite à un prêche de Carême à l'église Saint Etienne – qui n'était pas à l'emplacement actuel – particulièrement agressif envers le clergé, entra par la grande porte dans l'histoire de l'Eglise Réformée d'Anduze. Le pasteur Hugues, dans son important ouvrage de 1864 sur la Réforme, décrit en détail cet épisode à rebondissements de l'année 1547 qui marqua de son empreinte cette période où " les tendances vers les idées nouvelles se trahirent pour la première fois ".
L'histoire de la communauté de Saint François nous permet aussi d'apprendre qu'il n'est pas étonnant de retrouver un cordelier en première ligne pour dénoncer certains abus ou manquements de sa propre Eglise, le premier siècle d'existence de l'ordre nous en fournissant quelques précédents… Il faut dire qu'à l'origine, cette nouvelle confrérie était fondée sur la prédication accompagnée d'une totale pauvreté, les frères vivant d'humbles travaux manuels et de la générosité aléatoire de l'aumône. Des préceptes très durs qui, malgré le succès que rencontra cette communauté et son développement, forcèrent François, sous la pression de sa hiérarchie catholique, à modifier à plusieurs reprises la règle de l'ordre pour l'assouplir. Mais jusqu'à sa mort, en 1226, celui-ci restera fidèle à sa règle primitive, laissant même un testament où il professe la " pauvreté évangélique ". En dispensant les Frères mineurs  en 1230 de suivre cette dernière recommandation du fondateur, le pape Grégoire IX provoqua la sédition de moines tenant à conserver la pauvreté absolue prônée par François d'Assise. Ils seront appelés " les Spirituels " et pourchassés pendant de nombreuses années, notamment en Languedoc, les plus chanceux d'entre eux terminant leur vie en prison quand les autres finirent sur les bûchers de l'Inquisition… On pourrait presque penser que ce Nicolas Ramondy et quelques autres cordeliers furent des réminiscences de ces Spirituels, environ trois siècles plus tard !…
Mais revenons à Anduze et à son " enclos des Cordeliers "…
A suivre

16 septembre 2012

Paul Chapel : la signalisation par le feu en Cévennes…

Le château de Tornac et sa tour à signaux.
Depuis les temps les plus reculés les hommes n'ont cessé de rechercher les meilleurs moyens de communiquer entre eux le plus rapidement possible. Et si aujourd'hui, grâce aux relais satellite, une simple information peut être transmise quasi instantanément à l'autre bout du monde, les anciens n'en avaient déjà pas moins initié le principe, de façon plus rudimentaire bien sûr, mais avec succès. Les satellites étant, notamment au Moyen-âge, les châteaux, les tours et autres points hauts judicieusement choisis, véritable maillage de relais permettant ainsi une signalisation optimale dans toutes les directions, avec le feu et la fumée comme agents transmetteurs.
Pour nous parler de ce sujet passionnant dont quelques empreintes patrimoniales demeurent encore visibles au sein de notre environnement de plaines et de montagnes, nous avons eu l'honneur et le grand plaisir d'accueillir monsieur Paul Chapel dans le magnifique espace voûté de la salle Ugolin, aux anciennes casernes d'Anduze.
Cela fait une bonne vingtaine d'années que ce spécialiste s'intéresse aux chaînes de signalisation et leurs articulations qui quadrillaient notre région, l'homme de terrain qu'il est allant vérifier sur place ses théories développées sur cartes et plans. Quelques publications sont venues concrétiser ses recherches, devenant ainsi de véritables documents de référence dans ce domaine, malgré quelques controverses entres passionnés inhérentes à ce genre d'études où la spéculation vient de temps en temps combler le manque d'informations documentaires et d'archives…
Pour cette conférence inédite, Paul Chapel avait demandé à son ami Gilbert Calcatelle de venir le seconder, ce qui a doublé notre plaisir. Rien d'étonnant de voir ces deux hommes ensembles, car si nous apprécions Gilbert comme notre " Monsieur dolmen ", ceux qui connaissent un peu cet autre homme de terrain, très érudit, savent qu'il n'en est pas moins intéressé par toutes les périodes de notre histoire et de leurs particularités.
Ce fut une bien belle soirée pour les nombreux amateurs d'histoire et de patrimoine locaux qui s'étaient déplacés !

31 août 2012

La reine Blanche : de la légende à la réalité ?…

Quelle belle histoire que celle qui évoque la présence prolongée de Blanche de Castille, l'une de nos plus grandes reines de France et mère de Saint Louis, dans nos contrées avec en prime une tendre relation avec le puissant seigneur de la Maison d'Anduze-Sauve, alors à son apogée, Pierre Bermond VII.
C'est Léonce Destremx de Saint-Christol qui, sans aucun doute, exploita le mieux cette légende en écrivant un roman de plus de trois cents pages en 1888 : " Le château de la reyne Blanche ". Cet ancien député de l'Ardèche, né en 1820 à Saint-Christol-lez-Alès où il décéda aussi en 1901, situe l'action de son livre en 1226. Sans entrer dans les détails d'une période de notre Histoire très troublée, cette année là le roi de France Louis VIII décidera d'organiser une seconde croisade contre les Cathares, prétexte en fait pour envahir les terres du comte de Toulouse et conquérir le Languedoc… Descendu dans le Midi avec sa grande armée par la vallée du Rhône et Avignon lui fermant ses portes, le souverain fera le siège de la ville pendant plusieurs mois. C'est à partir de cette vérité historique incontestée que l'auteur va imaginer une suite "locale" en reprenant à son compte, en l'étoffant, ce qui ne peut être qu'une légende puisque invérifiable par l'inexistence de documents et autres archives sur le sujet : Pierre Bermond VII, venant pendant le siège d'Avignon rencontrer le roi pour lui rendre un hommage-lige, fait la connaissance de la reine Blanche. Celle-ci, séduite par ce beau jeune homme de vingt trois ans mais aussi par calcul politique, propose à Louis VIII de profiter de l'escorte du seigneur pour aller se reposer quelques temps à Sauve… Pour revenir un instant dans la réalité historique, il faut savoir quand même qu'en 1226 Blanche a trente huit ans et donnera naissance à Charles, son douzième et dernier enfant. De plus rien ne permet d'affirmer qu'elle accompagna le roi dans le Sud, surtout dans un contexte de guerre…
Mais le plus surprenant est de retrouver, quelques dizaines d'années plus tard, certains éléments de cette " fiction " de Destremx dans le chapitre dédié à Pierre Bermond VII de la célèbre monographie de Sauve publiée en 1952 par Jean Germain : " Sauve antique et curieuse cité ". Même s'il écrivit que "il ne subsiste aucun document connu de ce long séjour de Blanche dans le terroir de Sauve ", l'écrivain n'hésita pas un instant à transformer la légende en un véritable épisode de l'histoire de Sauve ! Pour se justifier il ajouta aussi dans son livre : " Car la tradition est trop forte pour ne pas être vraie, soigneusement transmise de génération en génération pendant cinq cents ans et qui subsiste toujours, de la présence de Blanche de Castille à Sauve et dans ses environs. " 
Fallait-il être un fervent Sauvain pour prendre le risque d'être enlevé de toute sa crédibilité d'historien ! Mais, heureusement, André Chamson lui apporta une jolie caution en préfaçant avec sagesse son ouvrage de la sorte : " (…) Pour moi, j'ai lu ce livre avec l'âme enchantée de l'adolescence. (…) Qui ne se laisserait prendre à la tentation de refaire l'Histoire autrement qu'elle n'a été, en rêvant sur le destin des Bermond ? ". C'est tellement vrai !
Et puis, qui sait, peut-être retrouverons-nous un jour la magnifique bague perdue par la reine au cours d'une chasse, du côté de Durfort… Mais si, vous savez, la fameuse légende…

28 juillet 2012

E.G. et les fileuses d'Anduze…



Les collectionneurs de cartes postales anciennes connaissent bien les initiales de ce photographe qui a, sans aucun doute, produit parmi les plus beaux clichés d'Anduze en ce début du vingtième siècle. A ce jour c'est malheureusement les seuls éléments dont nous disposons concernant l'identité de ce "preneur d'images", apparemment très apprécié des éditeurs en cartographie de l'époque. En particulier la librairie papeterie G. Puget à Anduze pour laquelle il effectua une série remarquable dans les années 1900. Du parc des Cordeliers en passant par le centre ville avec ses cafés et ses diligences, sans oublier la tour de l'Horloge ou le vieux pont au pied duquel les lavandières s'activaient au bord du Gardon, E.G. fixa sur la gélatine de ses plaques de verre quelques pages de l'histoire ordinaire d'Anduze…
Parmi celles-ci l'industrie séricicole trouve naturellement sa place avec l'importante activité des filatures. Lors de sa visite de l'une d'elles, notre photographe, comme tout bon spécialiste, fit plusieurs prises de vue. Il faut dire que les conditions de son travail dans cet environnement ne devaient pas être optimum : en dehors du fait qu'il fallait obtenir des nombreuses ouvrières de ne pas bouger au moment voulu, il régnait dans ces ateliers une atmosphère saturée de vapeur due à l'immersion des cocons dans des bassines remplies d'eau bouillante, dégageant d'ailleurs ainsi par la même occasion une odeur pour le moins pestilentielle. Deux photos viennent illustrer mes propos. La première, en haut, est exceptionnelle puisque inédite : c'est un tirage que j'ai pu obtenir d'après une plaque de verre originale d' E.G. que l'on peut considérer sans conteste comme faisant partie de l'ensemble des clichés pris ce jour là. La deuxième, comme on le voit, est la vue définitive choisie pour cette carte postale qui est aujourd'hui rare et recherchée par les amateurs.
Certes, l'image de ce photographe a une valeur documentaire essentielle pour notre histoire industrielle locale, mais n'oublions pas que c'est aussi, quand on détaille les visages de ces femmes jeunes et moins jeunes qui fixent l'objectif et vous regardent à travers un bon siècle passé, le témoignage émouvant d'une activité aux exigences particulièrement pénibles qui favorisèrent une perte de santé pour nombre d'entre elles…

16 juillet 2012

Joseph Zobel : paroles pour un Petit Turbulent…

Joseph Zobel
Il y a une trentaine d'années existait sur Anduze un petit mensuel (devenant le plus souvent trimestriel !…) de vingt pages appelé "Le Petit Turbulent". Traitant essentiellement de la vie locale avec toutes ses composantes, ce journal apportait une information et un ressenti indépendants. Les articles et reportages, tout en conservant un ton libre, avaient le mérite d'essayer d'établir une proximité entre citoyens. Le clin d'œil à ce périodique disparu aujourd'hui n'est pas innocent puisque c'est en feuilletant l'un des numéros de 1983 que j'ai découvert que sa rédaction d'alors avait procédé à l'interview de Joseph Zobel à propos de la sortie, la même année, du film "Rue Cases-Nègres".
Je vais donc en guise de conclusion à l'hommage rendu à cet écrivain, et  dont le patronyme est définitivement lié à l'histoire contemporaine et culturelle d'Anduze, vous proposer un extrait de cette intervention qui a l'avantage de nous permettre d'un peu mieux appréhender le profil philosophique de cette personnalité hors du commun. Il est bon de préciser que ce témoignage a été transcrit par "l'envoyée spéciale du Petit Turbulent" :
"…dernièrement j'entendais dans une émission qui lui était consacrée, Cocteau dire : "le poète doit être capable de tout" et c'est vrai. Un poète n'est pas uniquement celui qui écrit des vers. J'ai toujours éprouvé le besoin de faire quelque chose de mes mains, c'est pourquoi je pratique l'art floral japonais (Ikebana), cela fait seize ans que je l'étudie. Ce n'est pas un art d'agrément ni de la "fleuristerie", c'est comme la plupart des arts orientaux, une voie dans laquelle on se place pour se réaliser, afin de parvenir à l'accomplissement, cela devient philosophique, presque une religion. J'ai étudié au Japon avec de grands maîtres, j'ai moi-même le titre de maître. J'ai appris aussi au Japon le Shiatsu parce que dans la culture japonaise, tout se tient.
Le Shiatsu est une thérapeutique qui est surtout la façon de se bien porter en équilibrant l'énergie vitale du corps par des pressions exercées sur certains points qui sillonnent le corps. Je me suis remis au dessin à l'encre de Chine ; je m'occupe de mon jardin, j'ai eu aussi une formation au jardin japonais. Et vous savez que mon fils Roland est un potier de renom que j'admire beaucoup non seulement à cause de son succès, non seulement par sa compétence, mais je l'admire aussi comme homme, par sa façon de vivre et avec lui j'ai appris la poterie. Mais tout cela je dois vous dire je ne le fais pas en touche-à-tout, ni suivant mes sautes d'humeur. Toutes mes activités se suivent selon les saisons. Tout se tient, j'écris comme je pratique l'ikebana avec le même état d'esprit, j'allais dire la même technique. Tout ceci au lieu d'être un sujet de dispersion, au contraire, favorise la concentration et l'équilibre…"

29 juin 2012

La Rue Cases-Nègres de Joseph Zobel…

Au moment où nous allons rendre hommage au grand écrivain antillais Joseph Zobel à travers une magnifique exposition conçue et organisée par l'association "Passions partagées" et sa dynamique représentante Patricia Thiéry, la municipalité d'Anduze, partenaire active de cet événement, a décidé entre autres de programmer la projection du film "Rue Cases-Nègres".
Réalisée en 1983 par Euzhan Palcy, l'œuvre obtiendra un succès public international, contribuant ainsi à renforcer la notoriété de Joseph Zobel, auteur du livre au même titre paru en 1950 et adapté par la réalisatrice. Cette jeune femme de talent (elle n'a que 27 ans à l'époque) poursuivra une brillante carrière, notamment aux Etats-Unis en travaillant avec des légendes d'Hollywood comme Marlon Brando et Donald Sutherland ("Une saison blanche et sèche").
"Rue Cases-Nègres" évoque la Martinique des années 1930 où l'empire colonial français est à son apogée. Et si l'esclavage a été aboli en 1848, il n'en demeure pas moins que les Blancs contrôlent toujours le territoire en laissant les Noirs continuer à travailler dans de dures conditions dans les plantations de canne à sucre pour un salaire de misère. A travers son roman l'écrivain s'inspire de ses propres souvenirs d'enfance et l'on peut facilement l'identifier au jeune José qui arrivera, grâce à l'éducation, à sortir de sa condition, aidé en cela par l'amour inconditionnel d'une grand-mère formidable…

Séance le lundi 9 juillet 2012 à 20h30, salle Escartefigue (1er étage des Casernes). Durée 1h43. Entrée gratuite.

22 mai 2012

Un Anduzien de cœur : Laurent Schmitt !

Laurent Schmitt (photo J.C. Vallaeys)
C'était la troisième année consécutive qu'était organisée par le Club Numismatique Cévenol et son président, Philippe Moline, accompagnés pour Anduze par Aimé Aigouy ainsi que du service culturel, une conférence dans le cadre de la Bourse Nationale Numismatique d'Anduze.
Avec cette troisième édition, nous pouvons affirmer aujourd'hui que c'est un véritable rendez-vous devenu incontournable qui s'est instauré. Rendez-vous avec notre Histoire frappée au coin de ses monnaies bien sûr, mais surtout rendez-vous avec un vrai passionné ! Vous savez ce genre d'homme qui, en dehors de leur grand savoir, vous donne avec le cœur pour le simple plaisir de partager un moment avec vous… Simplicité et convivialité, compétences et professionnalisme, vous avez reconnu notre ami Laurent Schmitt, venu de Paris nous livrer le fruit de ses recherches. Après nous avoir enchanté entre Moyen-âge et XVII ème siècle (accompagné pour cette dernière période par les commentaires éclairés de Daniel Travier) les deux premières années, cette fois-ci ce fut notre époque Gallo-romaine qui fut mise à l'honneur avec des éclaircissements concernant une trouvaille exceptionnelle faîte en 1839 à Anduze : un superbe médaillon en or à l'effigie d'Alexandre Sévère, empereur romain du III ème siècle après J.C. Je ne vais pas ici vous résumer cette conférence qui a tenu en haleine un public nombreux amoureux de son histoire locale : le prochain bulletin du Club Numismatique Cévenol s'en fera l'écho sous l'égide de Laurent ; mais par contre, pour ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur les circonstances de cette découverte au XIX ème siècle, celles-ci sont décrites dans les pages numérisées par Google d'un ouvrage de 1840 : Lettres sur Nismes et le Midi, de J. F. A. Perrot, à partir de la page 399.
Une précision : le médaillon d'Anduze, pourtant répertorié, est à ce jour introuvable… Un autre mystère, mais nous y sommes abonnés !

12 avril 2012

Les bibliothèques d'Albin et d'Alfred…

Albin de Montvaillant
Le 20 mars 1865, Albin de Montvaillant, maire nouvellement installé depuis la fin du mois de janvier de la même année, présenta aux anduziens son projet de création d'une bibliothèque populaire "destinée à fournir à tous, et particulièrement aux ouvriers laborieux, les moyens de développer leur intelligence et de recréer dignement leurs loisirs", à travers une lettre ouverte proposant une souscription à ses administrés. Je ne puis résister à la tentation de vous en présenter un autre extrait  : "…un jour viendra ou le cultivateur, assis le soir devant sa porte, pourra parler avec ses voisins de toutes les grandes conquêtes de l'esprit humain…". Ce n'est pas par hasard si notre première bibliothèque communale, défendue avec autant de lyrisme, vit ainsi le jour sous la houlette de ce jeune avocat anduzien de trente cinq ans.
En effet, comme son frère de quatre ans son aîné, qui n'était autre que le célèbre poète Alfred de Montvaillant, Albin possédait un vrai goût pour la littérature. Ces deux hommes, issus de l'une des familles les plus anciennes de la région, ont plus d'un point commun à leurs brillants parcours individuels. Ils firent déjà les mêmes études de droit pour devenir avocats, en dignes fils d'un père magistrat à la Cour royale de Nîmes. Si Albin ne fut jamais vraiment tenté de taquiner la muse, comme son frère le fit avec passion et le succès que l'on sait, il n'en était pas non plus indifférent. Le premier magistrat d'Anduze organisa en 1869 des "Jeux floraux", avec un concours de poésie ayant pour sujet un hommage à Florian. Il devait vraiment apprécier le fabuliste pour en avoir, dix ans plus tard, rédigé une biographie : "Florian, sa vie, ses œuvres, sa correspondance" (Dans ce livre il est à noter aussi une étude et un portrait intéressants de Robespierre…). Particulièrement fécond cette année là, il publia également une "Etude sur la littérature Hollandaise". Parmi sa production, on peut aussi signaler une attrayante biographie de "Jean Cavalier", éditée en 1884.
Etudes, diplômes, poésie, écriture, les deux frères se rejoindront également sur le plan politique, car si Albin fut maire d'Anduze, Alfred le poète le devint de Boisset et Gaujac en 1874 ! Il ne dirigera les affaires de cette commune que pendant deux ans, abandonnant ses fonctions pour d'autres obligations à Nîmes. Mais au cours de cette période il réussira quand même à faire aboutir un projet qui lui tenait à cœur : créer une bibliothèque !…

1 avril 2012

Paulet d'Anduze…

A ce jour, notre Porte des Cévennes bénéficie de quatre monographies. La dernière en date, "Histoire d'Anduze", est de 1952 et fut écrite par un de ses anciens premiers magistrats, André Chastand. En remontant dans le temps c'est au XIX ème siècle que furent publiées les trois autres avec l' "Histoire de l'Eglise Réformée d'Anduze" du pasteur Jean-Pierre Hugues en 1864, la "Notice sur la ville d'Anduze" écrite en 1823 sous la plume de A.L.G. Viguier, et enfin la publication en 1847 d'un manuscrit du XVIII ème siècle sur l' "Histoire de la ville d'Anduze" de …Paulet.
En dehors du fait d'être le premier auteur connu de notre histoire locale, Paulet, nommé ici sous son abréviation botanique officielle (c'est à dire sans son prénom), nous réserve quelques surprises quant à son parcours professionnel particulièrement brillant mais à priori oublié depuis longtemps à Anduze, sa ville natale.
Jean-Jacques Paulet est donc né à Anduze le 27 avril 1740. Après avoir fait des études de médecine à Montpellier, il est reçu docteur à 24 ans. Monté à Paris pour exercer, il se passionne pour la recherche, notamment pour un véritable fléau à cette époque, la petite vérole (attention à la confusion : si la vérole est synonyme de la syphilis, la petite vérole l'est de la variole). Il publiera un certain nombre d'ouvrages sur le sujet dont l' "Histoire de la petite vérole, avec les moyens d'en préserver les enfants et d'en arrêter la contagion en France". Avançant dans son livre le caractère contagieux de la maladie, il suscita une levée de boucliers qui faillit l'envoyer à la Bastille ! Il s'intéressa aussi aux maladies épizootiques et fut en outre un botaniste distingué. C'est d'ailleurs les deux grands volumes de son "Traité des Champignons", imprimés en 1793 par ordre du gouvernement, qui firent sa notoriété. Encore aujourd'hui, cet important ouvrage est considéré comme une référence dans le domaine de la mycologie, terme dont il fut le premier à en proposer l'emploi. Ce grand scientifique décéda le 4 août 1826 au palais de Fontainebleau dont il était devenu le médecin officiel.
Jean-Jacques Paulet est sans aucun doute l'un des plus exceptionnels enfants d'Anduze et j'espère qu'il trouvera un jour la place qui lui revient dans la mémoire collective communale à travers son nom enfin honoré…

19 mars 2012

La fontaine des consuls…


En attendant que notre célèbre fontaine Pagode retrouve enfin prochainement son intégrité première avec la pose de son nouveau et élégant épi de faîtage qui, il faut bien l'avouer, commençait vraiment à se faire attendre, je vous propose cette photographie inédite prise juste avant la rénovation de la toiture du monument.
Si les tuiles non vernissées que nous voyons, fruits d'une restauration relativement récente et sommaire ont été bien sûr remplacées, celles supportant les noms des consuls de la ville sont restées en place car authentiques, témoignant ainsi sans ambiguïté de l'époque de la construction de l'édifice. Dans les divers articles et autres publications relatifs à l'historique de la fontaine, j'ai toujours été étonné de voir annoncer comme date de réalisation l'année 1648 : sauf s'il existe une preuve documentaire répertoriée de cette affirmation, ne serait-il pas plus judicieux d'en rester à la constatation sans appel d'un monument daté de 1649 ?
Cette vue rapprochée nous confirme l'identité et l'orthographe des deux consuls qui, d'après la légende locale, seraient à l'origine de l'existence de cette fontaine au style oriental et unique en France : Lafarele et Latour ; mais elle nous livre aussi le nom, pratiquement invisible du sol, d'un autre membre de la Maison Consulaire d'Anduze resté dans l'ombre : Pascal. La présence de ce dernier est intéressante car elle montre que la ville d'Anduze, à travers ses consuls de l'époque (ils étaient quatre en tout), fut impliquée d'une façon ou d'une autre dans la réalisation de cette œuvre architecturale atypique, place Couverte. En temps qu'initiateurs du projet et sans doute financiers principaux, les deux premiers bénéficièrent d'une belle mise en valeur de leurs noms en grosses lettres ! Quant à …Favié (?), était-il le quatrième consul ? Peut-être le céramiste d'origine, fier de signer le bel ouvrage de cette commande originale ?!…

20 février 2012

Nos premiers seigneurs d'Anduze… vous avez dit Barbares ?

Si nous avons vu dans un précédent billet que la première trace écrite évoquant Anduze se trouvait gravée sur une petite pierre taillée d'époque romaine, il faut bien reconnaître que pour ce qui concerne la période succédant à la chute de cet empire jusqu'au IX ème siècle les témoignages et autres documents locaux sont plutôt rares. Il est vrai que le Haut Moyen-âge fut une période particulièrement brutale et agitée avec une succession d'invasions et de guerres, accompagnées de leurs cortèges de massacres et de destructions en tous genres.
Parmi ces envahisseurs "Barbares", terme employé par les Grecs et repris par les Romains pour désigner les peuples étrangers à leur civilisation, ce sont les Wisigoths qui réussirent à s'implanter de façon durable en Septimanie, malgré leur défaite contre Clovis et ses Francs, près d'un siècle après leur installation dans le grand sud de la Gaule. Ceci grâce à leur intelligence et un pouvoir d'adaptation à la vie locale existante, tout en conservant certaines traditions ancestrales propres à leurs origines. Ils finirent donc par faire souche, leurs seigneurs contribuant avec les Carolingiens au maillage féodal qui s'installa après la mort de Charlemagne et le morcellement de son immense empire.
A l'échelon local nous trouvons trace, à travers les textes, de ces seigneurs d'origine wisigothe qu'à partir du X ème siècle pour Anduze avec Bernard II et son surnom de miles pelitus (chevalier fourré) et au XI ème siècle pour Alès avec Raimond Pelet, nom que les seigneurs de cette ville gardèrent jusqu'au XV ème siècle.
Mais laissons parler l'historien Richard Bavoillot-Laussade : "Dans la société aristocratique gothique, depuis au moins le V ème siècle, le titre de princeps pelitus était réservé aux grands, princes ou rois qui portaient, en signe de leur race ou de leur dignité, soit une pelisse fourrée, soit un bonnet de fourrure. Les pileatos sont signalés par l'historien goth Jordanès au V ème siècle. A cette époque, le célèbre généralissime Ricimer est l'objet de moqueries de la part d'Anthémius. Pour cet aristocrate romain, il n'est qu'un "Barbare fourré". Or, Ricimer, né de père suève et de mère gothe, s'était attribué à lui-même tous les titres romains imaginable et avait également assumé les marques les plus hautes de la hiérarchie germanique. Il était un princeps pelitus.
Trajan avait déjà relevé une coutume assez proche chez les Daces qui se distinguaient entre "chevelus", c'est-à-dire nue-tête et pileatos, c'est-à-dire coiffés d'un pileus, bonnet de fourrure en forme de toque. Les reliefs de la colonne trajane à Rome montrent des Barbares coiffés d'un bonnet fourré."
Nul doute que nos premiers seigneurs étaient des "Barbares", guerriers et gardiens vigilants de ce poste frontière stratégique qu'était Anduze, situé aux confins de leur territoire, la Septimanie… Appelée aussi la Gothie !