C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

27 novembre 2020

Une fenêtre sur l’histoire de la place Couverte…

En 2017/2018 eut lieu la rénovation complète – et il en avait bien besoin ! – de l’un des plus vieux immeubles qui ceinturent la place Couverte. Au cours du décroûtage de la façade, en octobre 2017, les ouvriers mirent au jour une magnifique petite fenêtre en pierres taillées de style gothique, en excellent état.

Celle-ci avait certainement été comblée au plus tard au dix-huitième siècle lors d’un changement des baies du bâtiment, avec sans doute aussi une redistribution de l’espace intérieur des différents appartements.

C’est un nouveau propriétaire des lieux qui conduisit et participa lui-même aux lourds travaux de l’immeuble. Celui-ci est situé sur la gauche de l’entrée de la rue Notarié en partant de la place. Ce fut une réhabilitation sérieuse, faite dans les règles de l’art et respectueuse des contraintes patrimoniales du site ; une constatation malheureusement rare à Anduze pour être soulignée. Le particulier/entrepreneur décida, après en avoir prévenu la municipalité, de conserver visible cette jolie fenêtre sur sa façade entièrement restaurée…

Tant mieux pour Anduze car, en dehors du fait de son caractère architectural devenu atypique aujourd’hui au cœur du centre historique de la cité, elle témoigne de l’histoire très ancienne de son immeuble et plus largement de la place Couverte.
Etant particulièrement bien située, certains locataires ou propriétaires du logis dont elle dépendait, et qui se sont succédés pendant quelques siècles, ont dû être témoins à travers cette ouverture de bien des événements de l’histoire ancienne d’Anduze. A ce propos je ne peux m’empêcher de penser à l’un des épisodes les plus dramatiques des guerres de religion au seizième siècle et qui se passa sur la place Couverte en 1557, devant la fontaine (celle qui précéda la fontaine Pagode, non encore créée). C’est l’un des notaires d’Anduze de l’époque, Etienne de Cantalupa, qui consigna par écrit les circonstances du supplice de Claude Rozier :

« Nota, que le dimanche 22è du mois d’aoust, frère Claude Rozier, cordellier de la ville d’allès, ayant prêché la caresme passée dans la ville d’Anduze, et découvert les abus de la papaulté, l’official de Nismes fit enquérir contre lui ; mais il se retira à Genève et se maria. Et estant venu de sa part, fut prins et condamné par messires Malras, et d’Alson (d’Aussone) estans en ce pays, à faire amende honoraire, la langue couppée, et bruslé à petit feu au devant de la fontaine, le jour susdit, et moureust en vray martir, sostenant toujours la religion » (Registres d’Etienne de Cantalupa, année 1557, folio 62, verso).

La beauté de cette petite fenêtre et son rétablissement dans le décors de la place Couverte viennent confirmer de la plus belle des façons que des trésors cachés, petits et grands, restent toujours à retrouver et à mettre en valeur dans notre cité historique. Quand en plus le découvreur, à l'image de ce propriétaire dynamique, a la fibre patrimoniale, c'est la cerise sur le gâteau !…
 

Les deux photos ont été prises dans les jours suivant la découverte de la fenêtre.

13 novembre 2020

Pierre d’Anduze : un destin religieux atypique… 2

A Saint-Gilles, frère Pierre d’Anduze va devenir au fil des années l’un des proches collaborateurs de maître Géraud, fondateur de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Nous le retrouvons témoin de divers actes passés entre l’ordre et les autorités ecclésiastiques traditionnelles. C’est sans aucun doute à cette époque que Pierre développa ses talents de conciliateur et de négociateur qui lui permirent de se faire remarquer par les hautes instances religieuses.

A la mort de Géraud, en 1120, le poste suprême resta occupé quelques temps de façon transitoire par des frères successifs jusqu’à la nomination de Raimond du Puy vers 1123. Celui-ci est surtout connu pour avoir fait évoluer les statuts de l’ordre et permettre ainsi aux Hospitaliers de défendre aussi par les armes les pèlerins et les lieux saints.

En 1121 c’est Hugues, abbé de Saint-Gilles, qui décède après avoir lancé quelques années plus tôt les bases de la nouvelle et immense église abbatiale, destinée à recevoir les pèlerins de plus en plus nombreux. Sa construction, souvent interrompue pour des raisons politiques ou financières, va durer des années pour finalement n’être jamais complètement terminée.
Son sacerdoce fut aussi marqué par le grave conflit qu’il vécut avec le comte de Toulouse Alphonse Jourdain, celui-ci voulant récupérer certains domaines, droits et taxes qui furent donnés par son père Raimond IV à l’abbaye avant son départ sans retour pour la première croisade. N’ayant de compte à rendre qu’au pape, Il se battra aussi pour que le monastère garde son indépendance – et donc une certaine puissance – et ne passe pas sous la domination de l’abbaye de Cluny et de son puissant abbé qui en faisait la demande insistante.

C’est certainement la conjonction de tous ces événements qui favorisèrent la nomination par le pape Callixte II de Pierre d’Anduze à la haute et prestigieuse fonction d’abbé de Saint-Gilles.
En 1132 le pape Innocent II arbitra le différent entre l’abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, et celui de Saint-Gilles, Pierre d’Anduze, en autorisant simplement un droit de regard du premier sur l’abbaye, le second gardant toute son autorité sur le gouvernement de celle-ci. Il fut souvent demandé à Pierre de participer aux règlements de contentieux entre abbés ou seigneurs. L’ancien Hospitalier qu’il était entretint aussi de bonnes relations avec l’ordre des Templiers quand celui-ci vint s’installer à Saint-Gilles.

1150 verra l’accession de notre abbé à la fonction d’archevêque de Narbonne. Ermengarde, vicomtesse de cette ville, contribua certainement à cette élection : ayant épousé Bernard III d’Anduze en 1145 – des secondes noces pour tous les deux –, Pierre faisait partie de la famille ! Cette femme de caractère, dont les circonstances ont fait d’elle l’héritière d’une seigneurie qui ne lui était pas destinée à l’origine, n’eut jamais d’enfant mais a toujours défendu ses terres avec ardeur, n’hésitant pas à conduire elle-même ses chevaliers à la bataille.

Une belle fin de « carrière » pour Pierre, ce cadet de la Maison d’Anduze. Il ne profita pas très longtemps de son siège épiscopal : il décéda six ans plus tard…

N.B. – Comme beaucoup de personnages du Moyen-âge, par manque de documents la vie de Pierre d’Anduze est parsemée de zones d’ombre au milieu de faits avérés, notamment pour l’identité de ses parents où les historiens sont souvent en désaccord entre eux ; même ceux de l’ « Histoire de Languedoc » ne sont pas très clairs… Dans les deux billets lui étant consacrés j’ai donc fait un « choix de parents » (Voir la partie 1) en fonction de la chronologie des dates et des événements qui me paraissait la plus logique, mais cela ne reste qu'une hypothèse.