C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

23 février 2013

Le sang bleu du poète…

Décidément, Jean Claris de Florian n'a jamais eu de chance avec le bleu. Car, avant d'être la couleur de la bêtise aujourd'hui sur le monument anduzien à sa mémoire, elle fut aussi dans les dernières semaines de sa vie l'un des symboles républicains témoin de ses souffrances dans les geôles de la Révolution…
Nous sommes en 1794, période sanglante où Robespierre impose son régime de la Terreur. Accusé " d'intimité " avec la noblesse, Florian, déjà Académicien et auteur reconnu, est arrêté le 13 juillet et conduit à la maison d'arrêt de la Bourbe. Située dans la rue au nom prédestiné d'Enfer, à Paris, cette prison en était bien l'antichambre puisque première étape avant un transfert à la Conciergerie et son cortège de charrettes… vers la guillotine. Les premiers quinze jours de son incarcération furent sans doute les plus pénibles pour le poète, celui-ci s'attendant chaque matin à entendre l'appel de son nom. Mais finalement, victime de sa propre infamie, c'est Robespierre qui finira sous le couperet le 28 juillet.
Malgré une situation générale décrispée et l'aide précieuse de son meilleur ami Boissy d'Anglas, Florian ne sortit de prison que le 9 août suivant. Malheureusement pour lui les conditions difficiles de sa détention l'avaient considérablement affaibli et il fut emporté par la phtisie le 13 septembre à Sceaux où il s'était installé. Mais notre fabuliste gardois est toujours présent à travers ses œuvres. La preuve en est avec une majorité d'entre nous le citant encore aujourd'hui sans le savoir – peut-être même notre " sinistre " tagger – avec, par exemples : " Chacun son métier… Les vaches seront bien gardées ", " Pour vivre heureux, vivons caché ", ou encore le célèbre " Rira bien qui rira le dernier ".
Je ne sais pas si Jean Claris de Florian avait l'œil azur ; par contre, ce qui est certain c'est qu'il avait le sang bleu…

11 février 2013

Quand Titien s’invite à la salle du Conseil…

La Jeune Fille au miroir du Louvre
La Jeune Fille au miroir de la salle du Conseil
Parmi la trentaine de tableaux récupérés par la ville d’Anduze lors de l’héritage inattendu et toujours mystérieux du peintre Guillaume Dulac, il fut décidé de profiter de notre belle salle du Conseil pour exposer une sélection de trois œuvres, sinon représentatives de l’artiste, du moins dégageant assez de qualités picturales pour nous donner l’envie de partager ces magnifiques images. Parmi celles-ci se trouve une grande toile dont nous soupçonnions la condition de copie d’œuvre de la Renaissance sans pour autant pouvoir mettre un nom sur le créateur de l’original…
Il faut dire que le nombre d’œuvres et de peintres couvrant cette période est assez phénoménal et que les recherches, sans être spécialistes, auraient pu prendre un certain temps… Heureusement pour nous, c’est une charmante dame de Paris, consultante en vins mais aussi restauratrice de tableaux à ses heures, qui, de passage à la mairie dans le cadre d’une cérémonie de mariage, lâcha la première le mot clé et non moins magique : « Titien ! ». Bon ! nous avions fait quand même la moitié du chemin en reconnaissant le style de l'école vénitienne… Sans entrer dans les détails, c'est à partir de ce moment là et grâce à Internet, que ce fut un jeu d’enfant de confirmer sans contestation possible l’affirmation de notre parisienne férue d’histoire de l’art ! Tiziano Vecellio, dit Titien, né vers 1488 en Vénétie, peint cette toile appelée « La Jeune Fille au miroir » vers 1515 ; achetée en 1662 par Louis XIV, celle-ci se trouve maintenant au Louvre. En voici l'explication proposée par le musée :
" Dans ce chef-d'œuvre du classicisme chromatique de la jeunesse de Titien, l'harmonie de la composition et des couleurs exalte la beauté de la femme. Titien donne ici un prototype de l'idéal féminin caractéristique de la peinture vénitienne. Les deux miroirs, dont l'un est tendu par l'homme, permettent à la jeune femme de se voir à la fois de face et de dos : ce thème du reflet multiple, introduit à Venise par Giorgione, permet à l'artiste de montrer son habileté technique et sert à illustrer la supériorité de la Peinture dans sa rivalité avec la Sculpture."
Il démarrera ainsi une très longue carrière de portraitiste qui trouvera son apogée avec le célèbre portrait de Charles Quint en 1533.
La copie des œuvres des maîtres a toujours été un excellent exercice pour l’étudiant des Beaux-Arts et Guillaume Dulac, en son temps, n’a certainement pas dérogé à la règle en produisant ce travail de qualité destiné à « apprendre à voir »… D'ailleurs, ici l'artiste n'a pas essayé de faire une véritable copie de l'œuvre du maître mais bien d'en saisir avant tout le sujet et l'émotion retraduits avec la façon de peindre de cette fin du XIX ème siècle et début XX ème, en larges touches de couleur caractéristiques du Post-impressionisme et du style développé par Dulac.
En terminant j'ai une pensée pour Germain Rodrigo, décédé il y a quelques années à l’âge de 103 ans, et qui fut à Anduze un peintre copiste amateur de talent. Nul doute qu’il aurait apprécié cette histoire et l’œuvre qui l’accompagne…