C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

28 avril 2020

Le magnifique héritage de Jean-Antoine Relhan… 3

Un troisième et dernier volet consacré à ce livre de grande valeur dont on ignore les motivations profondes qui ont poussé son auteur à l’écrire ; si ce n’est déjà peut-être le désir de rétablir une vérité historique malmenée par la complexité des situations des différentes institutions qui se sont retrouvées longtemps enchevêtrées en un même lieu.
En tous cas les 3200 articles qui le composent, le premier établi en 1821 et le dernier le 9 juillet 1828, sont une mine d’informations pour les curieux d’histoire locale dont je fais partie. D’autant que la mairie ne détient plus les archives évoquées dans ce recueil, certaines ayant été transférées aux Archives Départementales  – moindre mal ! – mais aussi pour beaucoup d’entre elles détruites au cours des dernières grandes inondations de notre cité ; d’autres ont tout simplement « disparu »…

A travers certains articles de Relhan j’ai choisi de vous parler du premier cimetière devenu aujourd’hui la place de la République, jouxtant l’ancienne Maison Commune et l’église actuelle. Des lignes susceptibles d’intéresser nos guides conférenciers pour peut-être peaufiner leurs connaissances lors des visites de la ville qui passent par ce lieu incontournable avec sa jolie fontaine et les plus vieux platanes d'Anduze.
Je commence par un texte qui concerne l’environnement de l’église dont la construction vient de s’achever :

« Extrait du registre des délibérations de 1687 à 1715 »

« L’an mil six cent quatre vingt huit et du dimanche onzième jour du mois de janvier, le conseil général des habitants de la ville d’anduze, assemblés par devant M. Pascal juge dans l’hôtel de ville… »

« Par le dit Sieur Coste a esté proposé que le Roy ayant eu la bonté de faire bâtir une esglise dans cette ville pour y faire le service divin, avec plus de décence, plus de commodité pour les habitans nouvellement convertis à la foy catholique, »
« ils sont non seulement obligés de reconnoître la grace de sa majesté, mais qu’ils doivent encore aporter tous leurs soins pour en profiter et pour contribuer à la commodité du dit service : »
« Et parce que le lieu où la dite nouvelle esglise est située se trouve embarrassé de tous costés et presque inaccessible par les creux qu’on y a fait pour tirer les pierres qui restoient de l’ancienne esglise, »
« Et que d’ailleurs le terrain estant beaucoup penchant dans cet endroit, les eaux quy dessendent de la montagne devant les pluyes, peuvent dans la suitte faire de nouveaux creus, »
« Avec beaucoup d’incomoditté pour les habitants quy ne pourroient ny aborder à l’esglise, ni tenir leurs marchés dans la dite place destinée à cet usage depuis plus d’un siècle, »
« Il seroit nécessaire de pourvoir à ces inconvéniants et travailler au plus tôt à une réparation si imposante, quy est d’une grande utillité pour le public. »
« Et à ces fins faire au plus tôt porter tant les terres qu’on a sorty  de la dite nouvelle esglise qui se trouvent tout au devant d’icelle en un grand tas, que celles quy sont à costé sortyes des fondemens. »
« De l’autre part combler les creus et enfin aplanir tant que se pourra la place du devant de la dite esglise et pour cela faire les murs nécessaires. »
« Ce qu’entendu par les dits habitans a esté conclu et deslibéré d’une voix commune et unifforme qu’il est important de faire au plus tôt les dites réparations. »


Note de Relhan à la fin de l’extrait :
« N.B. La place du devant de l’église fut divisée en deux, la place haute et la place basse, réunies par un escalier. Voyez les délibérations pages 72 et 81 du même registre. »
 

Voici un autre extrait où il revient sur l’ancien cimetière : 
« Ce qu’on appelle encore aujourd’hui cimetière, au milieu de la ville, était réellement autrefois un lieu destiné pour les sépultures ecclésiastiques. On n’en fit une place pour les marchés qu’après 1560. Le terrain en était alors d’une seule pente ; il est aujourd’hui coupé par deux murs de soutènement.
« Le plus haut, du côté de la montagne, a été fait le premier, probablement lors du nouveau temple qui fut construit de 1600 à 1602. L’autre mur qui a formé deux places du surplus du terrain et l’escalier qui les réunit, n’ont été faits qu’après l’inauguration de l’église actuelle qui eut lieu le 6 mai 1688. »


Voilà pour ce grand livre, restauré, trésor du petit patrimoine anduzien et d’autant plus émouvant qu’il est manuscrit : un témoignage unique à protéger absolument, mais aussi à faire découvrir… 


 
Cette carte postale ancienne de la place de la République du tout début du vingtième siècle a un cadrage intéressant qui illustre assez bien les propos ci-dessus.

1 : premier mur de soutènement monté lors de la construction du deuxième temple protestant entre 1600 et 1602.
2 : église catholique inaugurée en 1688, construite sur l’emplacement du temple de 1600 détruit après la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685.
3 : fontaine de l’église, reconstruite en 1715 au centre de la place.
4 : démarrage du large escalier, aménagé dans le deuxième mur de soutènement, qui descend vers la partie basse de la place de la République.
5 : deuxième mur de soutènement monté, ainsi que l’escalier, juste après la construction de l’église pour réduire fortement la pente et aménager ainsi une vraie place devant l'édifice religieux.
6 : rampe rejoignant le boulevard Jean Jaurès. Celui-ci fut ouvert à la fin du dix neuvième siècle.
7 : immeuble de la Maison Consulaire où l’on aperçoit le blason de la ville entouré encore de ses deux fenêtres à meneaux disparues aujourd’hui.

22 avril 2020

Le magnifique héritage de Jean-Antoine Relhan… 2

L’avantage de ce livre – un véritable document vous l’avez compris – est qu’il nous fournit énormément d’informations qu’on ne peut mettre en doute sur notre histoire locale. L’auteur a puisé directement à la source, dans les différentes archives d’origine (en latin et en français) encore à sa disposition pour reconstituer la chronologie des différents événements qui animèrent ce haut lieu anduzien pendant des siècles.
Un travail qui, nous l’avons vu, a intéressé plusieurs auteurs d’une histoire d’Anduze et auxquels je rajoute, après vérifications, le pasteur Jean-Pierre Hugues et sa volumineuse histoire de l’Eglise réformée d’Anduze publiée en 1864. Celui-ci, pourtant réalisateur avec son livre d’une très importante recherche documentaire, cite deux ou trois fois Relhan en référence…
 
Je vais donc profiter de ces billets pour vous livrer quelques passages, inédits à ma connaissance dans les détails, qui seront susceptibles d’intéresser les amateurs de notre histoire locale, et je sais qu’ils sont nombreux. A la fin du billet 1 je faisais allusion au déménagement de la mairie vers les Casernes ; voici les quelques lignes que Relhan lui consacre à la fin de son recueil (tel que)…
 
« 21 novembre 1824. »
« Sous la présidence de M. le vicomte de Narbonne Lara, maire d’Anduze, successeur de feu M. Antoine Salle. Des fonds communs viennent d’être votés par le conseil, pour la restauration des Casernes, dont une aile surtout, celle du couchant, avoit été gravement endommagée par la chute du temple de 1811*. »
« 15 mai 1825 »
« Le conseil municipal approuve les plans, devis et détails estimatifs des ouvrages nécessaires pour la restauration susmentionnée, à commencer par l’aile du couchant, dite du Luxembourg, où les réparations deviennent de jour en jour plus urgentes. »
« Une bonne partie des pièces dont se compose la dite aile, sont affectées à divers établissements publics en première ligne desquels doit être une nouvelle maison commune, et plus spacieuse, et plus commode que l’ancienne. »
« Session de 1826 »
« Un crédit est ouvert sur le budget à compte des ouvrages qui s’exécutent à l’aile du Luxembourg : l’adjudication de ces ouvrages faite le 12 février, avoit été le 22, approuvée par mr. le Préfet. »
« 21 juin 1826 »
« Des fonds sont votés pour l’ameublement de l’hôtel de ville en construction, qui doit se composer d’une grande salle à gauche en entrant, et de trois pièces moins vastes à droite ; le tout au rez-de-chaussée de la dite aile. »
« 7 janvier 1827 »
« Première séance du conseil municipal dans la nouvelle maison commune : l’ancien local désormais inutile en nature, pour les besoins de la mairie, allait être loué. Lorsque des incidents inattendus sont venus donner aux affaires une tout autre direction. »


A suivre

* Vous vous souvenez que lors de la première construction du grand temple au Plan de Brie, celui-ci s’écroula non encore terminé dans la nuit du 19 au 20 septembre 1811. L’aile des Casernes côté rue du Luxembourg fut la plus touchée par l’effondrement.

Sur cette vieille carte postale datée de 1909 on devine devant l'entrée de la mairie le garde-champêtre avec son tambour : dommage que le photographe n'ait pas eu l'idée de le prendre en gros plan !…

14 avril 2020

Le magnifique héritage de Jean-Antoine Rehlan… 1

Avec ce grand billet je vais commencer à vous parler d’un important ouvrage entièrement manuscrit, daté de 1821, que les différentes municipalités anduziennes qui se sont succédées depuis sa réalisation ont pu miraculeusement conserver, même si, au vu de son état quand je l’ai découvert, cela n’a pas été à priori toujours dans les meilleures conditions…

Sans être le plus ancien il s’agit sans aucun doute pour moi du plus beau fleuron de la bibliothèque d’Anduze, aujourd’hui, et cela à plus d’un titre.
Commençons par la forme puisque ma première préoccupation quand je connus l’existence de ce grand exemplaire unique – format 38 X 25 cm – fut de redonner à son aspect extérieur une présentation digne de l’importance de son contenu. La couverture d’origine du livre était en carton et excessivement usée et abîmée, rendant sa restauration impossible. Par contre les six cent cinquante pages manuscrites intérieures ont gardé toute leur fraîcheur, sans aucun doute grâce à la qualité du papier-chiffon utilisé, avec une épaisseur suffisante pour supporter la plume d’oie recto-verso.
J’ai donc demandé à notre relieur d’art d’Anduze, le sympathique Jean-Luc Gonzalez, de s’occuper du malade ; ce qu’il a fait avec la compétence et l’amour du métier qu’on lui connaît pour un beau résultat tout en cuir et en sobriété.
 

Bien entendu ce qui fait l’essentiel du livre c’est le fond. Son titre, un peu long, a le mérite de nous mettre immédiatement au cœur du sujet : « Recueil de documens, concernant le bâtiment qui sert dans Anduze d’hôtel-de-ville et de presbytère ». L’auteur, qui n’avait signé qu’avec ses initiales J.A.R., m’est longtemps resté inconnu avant de découvrir son identité par hasard dans une relecture sommaire de la « Notice sur la ville d’Anduze et ses environs » du docteur Viguier, publiée en 1823. Celui-ci cite en renvois une partie de ses sources dont ce recueil, précisant qu’il se trouve à la mairie, laissé par son créateur, un certain Relhan.
Plus prêt de nous c’est André Chastand, ancien maire d’Anduze (1945 - 1947), qui évoque cet homme dans un chapitre de son « Histoire d’Anduze » de 1952 où il raconte les imbroglios à la fois urbanistiques, juridiques, consulaires, religieux concernant cette « maison contentieuse » et qui durèrent plusieurs siècles !… Il lui rend d’ailleurs hommage à la fin de son livre : « Jean-Antoine Relhan, maire en 1793, poète, écrivain et latiniste distingué ».

Ceux qui connaissent Anduze et son histoire savent que le bâtiment important dont il est question se trouve au niveau du côté bas de la place de la République, anciennement place de l’église, plus anciennement place Saint-Etienne, plus anciennement encore place du cimetière… Un quartier haut qui fut le premier centre historique de la cité, bien avant celui de la place Couverte.
Rehaussé et transformé en locaux commerciaux et appartements de façon pas très heureuse dans les années 1990, l’ensemble du bloc de la « Maison commune » est encore reconnaissable grâce à l’ancienne grande porte d’entrée en pierres taillées conservée. Sur une autre façade, 1590 est gravé au-dessous du blason de la ville, lui-même martelé à la Révolution mais dont on devine toujours les trois tours.

Quand Jean-Antoine Relhan commence l’énorme travail de recherche pour son ouvrage, nous sommes donc en 1821 et il a accès en mairie (encore place de la République) à toutes sortes d’archives ; dans ses écrits il consacre d’ailleurs une page intéressante sur ces « Archives de la commune » :
« Ces archives furent commencées en 1546 ; au moyen d’un grand coffre à 4 clés, placé dans la maison consulaire. Les actes latins qui s’y trouvaient et dont il ne reste aujourd’hui qu’un très petit nombre, furent traduits en français vers la fin du dix septième siècle.
« Le vieux coffre cessa de servir en 1695, que les papiers furent transportés chez le greffier de la ville, comme il est dit au paragraphe 1815 ci devant.
« Après avoir resté près d’un siècle chez le susdit greffier ou ses successeurs, les dites archives seront transférées de nouveau dans l’hôtel-de-ville, dès les premières années de la Révolution.
« Aux dernières réparations du dit hôtel-de-ville, dont il est parlé paragraphes 2725-2727 ci-devant, il a été fait un inventaire général des registres et papiers de la commune, tant anciens que modernes, et Mr. Coulomb-Roquiers, secrétaire en chef, les a arrangés d’une manière qui facilite singulièrement toutes les recherches.
« L’on y conserve en un même paquet, le registre particulier d’actes notariés découverts paragraphe 2720, et celui qui contient un extrait sommaire en français des actes latins dont il est parlé au commencement du présent article. »


Raconter l’ancien hôtel-de-ville d’Anduze et son pâté de maisons c’est être au cœur de notre histoire locale. D’autant que leurs vieux murs ont abrité durant des siècles presque toutes les institutions – à tour de rôle mais aussi ensemble pour certaines – qui participèrent à la vie publique, politique, sociale et religieuse du Moyen-âge au dix neuvième siècle.
Si le livre est daté de 1821 il n’en demeure pas moins que son auteur avait pris la liberté de le continuer bien au-delà, reprenant son manuscrit pour y ajouter quelques chapitres en fonction de l’actualité et du résultat de nouvelles recherches. C’est pour cela que nous y trouvons des informations concernant la construction du grand temple, mais aussi sur le déménagement de la mairie dans l’une des ailes des anciennes casernes…

A suivre