C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

16 octobre 2014

Anduze au Moyen-âge - I

Dans la nuit des temps…

Dès la plus haute antiquité le site d’Anduze s’est imposé aux hommes comme un lieu stratégique à occuper. De la « Grande faille des Cévennes » à l’ère tertiaire, il nous reste là une longue falaise rectiligne ; le Gardon en quelques millions d’années l’a tranchée en forme de cluse entre les hauteurs de Saint-Julien et de Peyremale, laissant apparaître les ondulations tourmentées des strates jurassiques.
Ce passage étroit le long de la rivière, parcouru depuis toujours par les troupeaux en transhumance, dut être la providence des chasseurs paléolithiques avant d’être le chemin obligé des marchands et à l’occasion des envahisseurs nordiques.
Ce n’est pas sans raison qu’on l’appelle la « Porte des Cévennes ».
Le vent aussi s’y engouffre quelquefois avec une telle force, qu’aux temps où les paysans venaient encore à pied au marché d’Anduze, on y avait installé pour qu’ils s’y cramponnent, une main courante en fer, ancrée dans les rochers bordant la route à l’endroit le plus étroit, le « Portail du Pas ». Au Sud c’est le pays sec des collines calcaires, des garrigues à chênes verts et puis de la vigne qui, elle, sait aller profondément chercher l’eau.

Au Nord de la falaise, on est presque de suite en terre acide qu’aiment les châtaigniers, les arbousiers, les grands pins et la bruyère, c’est déjà la montagne. De ce côté justement, il y a cinq ou six mille ans, quelques tribus vivaient alentour d’un peu de cultures déjà et d’élevage ; ce sont ces hommes qui ont érigé sur l’échine granitique de la « Grande Pallière » cette véritable nécropole de plusieurs dizaines de dolmens où, près du ciel, furent inhumés, sans doute, les chefs et leur famille au cours de mystérieuses cérémonies rituelles.
De ce côté toujours les terres d’argile rouge durent alimenter de bonne heure l’art des potiers, tandis que, nombreux dans les environs immédiats, les gîtes métallifères ont approvisionné le développement de « l’âge du cuivre », puis du bronze, puis du fer en attendant d’enrichir plus tard les seigneurs maîtres des mines de plomb-argentifère... sans oublier l’or du Gardon pour les nostalgiques de la pépite.

Vers le 4ème siècle av. J.C. les Volques Arécomiques arrivent, peuple Celte organisé qui n’eut probablement pas de peine à s’imposer entre la montagne et la mer à leurs prédécesseurs Ibériques. Aux dires du romain Pline et du grec Strabon du début de notre ère, les Volques ont fait d’Anduze l’une des vingt quatre cités dépendant de leur capitale Nîmes ; ce que semble confirmer l’inscription d’ANDUSIA en tête de onze d’entre elles sur la fameuse stèle déterrée à Nîmes en 1749 et dont les historiens n’ont pas fini de disserter sur les énigmes épigraphiques qu’elle porte.
Les Volques, menacés eux-mêmes par d’autres Celtes descendant de la montagne, éprouvèrent le besoin d’aller se mettre à l’abri sur un promontoire et ils ont donc fortifié en oppidum le sommet de St-Julien. On y voit encore les restes de dizaines d’habitats enchâssés dans les strates du versant ensoleillé et le sol est jonché de débris de tuiles rustiques en terre cuite.
Tandis que du haut de sa falaise, imprenable rempart, l’oppidum St-Julien surveillait le Nord, on en devine un autre dans les taillis de la crête de Paulhan, face au château de Tornac, verrouillant au Sud la petite plaine d’Anduze d’où s’échappe le Gardon.

Nos Volques devenus ensuite Gallo-romains, sans problème dit-on, descendirent des oppida. Absorbés par la civilisation latine de la « Province de Narbonnaise », ils n’ont pas été enrôlés par Vercingétorix et Anduze n’assista que de loin à la «Guerre des Gaules».
Dès lors, et durant la longue « Pax Romana », de beaux domaines se sont créés, propriétés de notables Nîmois ou de colons romains vétérans de la guerre d’Egypte. Leurs villas autour desquelles vont se grouper les habitations des nombreux serviteurs et artisans, seront à l’origine des villages aux noms terminés en « argues ». Ils sont surtout dans la plaine, mais on a près d’Anduze Générargues, et puis Massillargues voisin d’Atuech, vers le Gardon, qui a probablement une origine bien plus antique et celtique.
Nous nous souvenons de la controverse sur les séjours du célèbre Sidoine Apollinaire dans les environs vers 460 ; dommage qu’il n’ait jamais cité ANDUSIA, mais l’oppidum abandonné depuis longtemps n’était plus que le refuge des perdreaux et des lapins. La place forte Anduze n’avait plus aucune justification pour les Romains qui n’y ont pas laissé le moindre vestige autre que peut-être des adductions d’eau des sources.

Entre-temps l’Empire se lézarde, laissant passer les Vandales qui n’ont peut-être pas eu le temps de porter leurs saccages jusqu’en Cévennes. Puis les Wisigoths lancés à leur poursuite par l’Empereur avant qu’il finisse par les installer en Aquitaine en 418.
C’est en 471 que les conquêtes de leur roi Euric ont mis Anduze sous l’autorité Wisigothique et pour deux siècles et demi... au moins.
Pendant une quarantaine d’années, la vie dut s’y poursuivre comme avant, avec peut-être quelques têtes nouvelles dans les grands domaines mais ce n’est même pas certain car dans ce très vaste royaume de la Loire à Gibraltar, c’est par l’Espagne qu’ils sont attirés.
Ils vont y être rudement poussés après la victoire des Francs en 507 à Vouillé. Mais alors, la Septimanie et le Rouergue ayant résisté à l’invasion, Anduze devint presque ville frontière, la « Vallée Française » n’est pas loin, et la région dut recevoir un afflux de guerriers Wisigoths. Son rôle de place forte va prendre encore plus d’importance à partir de 535 quand Théodebert, petit fils de Clovis, aura mis la main sur le Rouergue, Lodève, le pays du Vigan et puis le Gévaudan, le Velay et l’Uzège.
La place tiendra encore le coup, comme Nîmes, lors de l’expédition Franque de 585.

Et puis pendant toute la durée du royaume de Tolède, loin de la capitale, les gouverneurs ou comtes en Septimanie deviennent des seigneurs très indépendants, ce qui justifiera les interventions des rois Reccarède en 588 et Wamba en 673.
Lorsque les cavaliers Arabes et Maures vont déferler en 719, cet esprit d’indépendance et l’habitude de leur autonomie va leur permettre de s’adapter aux circonstances, de composer peut-être avec le nouvel occupant qui, on le sait, les a laissés en place... moyennant tribut bien sûr. En tous cas, ils vont subsister et la victoire de Charles Martel à Poitiers en 732 n’ayant pas résolu le problème en Septimanie, ils seront tous là pour rechasser les Sarrasins jusqu’à Narbonne, derrière l’un des leurs, élu pour chef, le Comte Wisigoth Ansemond. Ils seront d’accord aussi pour se mettre sous la bannière de Pépin-le-Bref afin de libérer le pays jusqu’aux Pyrénées. Et encore ici ils sauront négocier le respect par le roi Franc de leur statut et de leurs propres lois romano-wisigothiques pour toute la Septimanie qui perdureront longtemps, comme leurs coutumes.
Ces seigneurs, jusqu’alors anonymes pour l’Histoire vont recevoir des commandements dans l’armée royale et on va connaître leurs noms ; à commencer par le Comte Théodoric qui, marié avec Aude, soeur de Pépin, aura une nombreuse descendance alliée avec presque toutes les grandes familles méridionales, surtout à partir du règne de Charlemagne.

Pierre Gaussent - A suivre

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