C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

14 septembre 2015

Anduze et la Révolution par Alain Rouquette - 4

III – LE CAHIER DES DOLEANCES D’ANDUZE
Cahier authentique, s. d.

" Plaintes et doléances de la ville et communauté d’Anduze, en la sénéchaussée de Nîmes, conformément au règlement du Roi et ordonnance de M. le Sénéchal.
Avant d’exposer leurs doléances, les Communes de la ville d’Anduze s’empressent de manifester les sentiments de reconnaissance, d’amour et de respect dont elles sont pénétrées pour leur auguste souverain, ce Roi citoyen, qui vient de rétablir une communication intime entre le trône et la nation, et qui va rendre enfin au patriotisme français toute son énergie.

1. Sa Majesté sera très humblement remerciée de ce qu’elle a bien voulu convoquer les Etats généraux et y accorder au tiers état une représentation libre et proportionnée à son importance ;

2. Sa Majesté sera suppliée qu’à l’Assemblée nationale les opinions soient recueillies par tête et non par ordre, afin que dans cette assemblée il n’y ait qu’un cœur, une âme et une seule volonté ;

3. Que si les deux premiers ordres ou l’un d’eux s’opposent à cette forme d’opiner, Sa Majesté sera suppliée de décider cette question dans sa sagesse ;

4. Que Sa Majesté sera humblement suppliée de supprimer la constitution des Etats de Languedoc, d’accorder à cette province une constitution libre et élective, ainsi qu’elle a bien voulu l’accorder à celle du Dauphiné, et de permettre aux trois ordres de s’assembler en tel lieu et sous la vigilance des commissaires qu’il lui plaira de nommer, à l’effet de s’approprier ladite constitution ;

5. Que la constitution française soit établie sur des fondements inébranlables, de manière que les droits du monarque et du peuple soient si certains qu’il soit impossible de les enfreindre ;

6. Que Sa Majesté soit suppliée de déclarer que désormais la nation ne sera soumise qu’aux lois qu’elle aura librement consenties ;

7. Que dans toutes les assemblées qui intéressent les trois ordres, celui du tiers soit toujours librement représenté, du moins en nombre égal à celui de clergé et de la noblesse réunis, et que la nation soit périodiquement assemblée dans la personne de ses représentants, chaque année pendant les quatre premières années, et dans la suite tous les cinq ans ;

8. Que les lois générales portées par Sa Majesté dans l’assemblée des Etats Généraux, et consenties par la nation, soient adressées aux Etats provinciaux et aux administrations provinciales, pour y être inscrites et observées, et à tous les tribunaux supérieurs et inférieurs directement, pour servir de règle à leurs jugements et à leurs arrêts ;

9. Que les lois provisoires, locales et momentanées que Sa Majesté jugera à propos, dans sa sagesse, de publier dans l’intervalle d’une assemblée à l’autre, soient pareillement adressées aux Etats provinciaux et aux administrations provinciales, et aux tribunaux de judicature ;

10. Que tous les citoyens, sans aucune distinction, soient également soumis aux lois, de telle sorte que le fort ne puisse rien sur le faible, ni le riche sur le pauvre ;

11. Que la liberté et les propriétés de chaque individu du royaume soient également respectées et mises sous la sauvegarde des lois que la nation entière aura adoptées ;

12. Que les lettres de cachet et autres ordres arbitraires soient désormais abolis ;

13. Que les décrets des tribunaux judiciaires, souvent aussi arbitraires que les lettres de cachet, et toujours plus funestes, soient contenus dans de justes limites, et qu’un juge ne puisse décréter en seul ;

14. Que les (…) soient absolument abrogés, ainsi que les commissions extraordinaires qui, déshonorant ceux qui les acceptent, tournent en fléau le bien qui leur sert de prétexte ;

15. Que Sa Majesté soit suppliée d’accorder une protection spéciale à l’agriculture, comme la mère nourricière de l’Etat et du commerce, de décharger tous ses fruits de tout péage, leude et impôts quelconques dans l’intérieur du royaume. Diminuer l’impôt sur le sel. Par ce moyen les troupeaux se multiplieront. Ils produiront des engrais qui produiront des denrées. Les laines acquerront de la qualité, augmenteront en quantité et alimenteront les fabriques ;

16. Demander la suppression de la milice, qui enlève sans nécessité des utiles à l’agriculture, ou de ne restreindre la levée dans les villes, aux frais de la communauté et non du peuple, pour en purger les oisifs ;

17. Jeter un impôt considérable sur les carrosses, chevaux de luxe, ainsi que sur tous les domestiques des villes autre que les valets de peine, afin de laisser cette classe d’hommes à l’agriculture pour laquelle elle est née ;

18. De porter les portions congrues, savoir celles des curés à douze-cent livres, et celles des vicaires à huit-cents livres, franches de tout impôt. De supprimer tous les bénéfices simples, et de permettre aux communautés de se racheter de la dîme envers les bénéficiaires, en s’imposant elles-mêmes, ainsi qu’elles le trouveront à propos, le prix du dernier bail ;

19. De demander la réforme du code civil et criminel, le rapprochement de la justice souveraine des justiciables, ainsi que Sa Majesté l’a solennellement promis, et de faire juger les procès par ordre de date. Enfin de rendre la justice moins longue et beaucoup moins coûteuse ;

20. Supprimer les justices bannerettes en remboursant les seigneurs, et établir des juges royaux par arrondissements ;

21. Demander la suppression de tous les tribunaux d’exception et attribuer aux tribunaux ordinaires la connaissance de tous les procès, sauf à pourvoir au remboursement des officiers des tribunaux supprimés, ainsi qu’il appartiendra ;

22. Que le tiers ne soit point exclu des charges et grades militaires, afin d’exciter par là dans tous les cœurs l’amour de la gloire et de la patrie ;

23. Que la liberté de la presse soit accordée en la subordonnant aux principes des bonnes mœurs et de l’honnêteté ;

24. Que l’imprescriptibilité des censives et autres droits féodaux soit abrogée, et qu’il soit permis de s’en racheter, ainsi que des pensions foncières, selon l’estimation qui en sera faite par experts ;

25. Que toutes les maîtrises soient supprimées, afin que chaque citoyen puisse librement exercer ses talents, ainsi que tous les arts libéraux, dans toute l’étendue du royaume, sans être tenu à aucune agrégation ;

26. Que Sa Majesté sera suppliée de protéger les manufactures et le commerce, de les honorer, de les préserver de toutes les atteintes que l’esprit fiscal et réglementaire pourrait porter à leur liberté, de multiplier en leur faveur les juridictions consulaires, et d’en établir dans tous les lieux où il y aura quelque manufacture important ou quelque commerce en activité. Anduze, à raison du sien, et comme chef de viguerie composée de trente-neuf villes ou communautés, mérite un pareil établissement ;

27. Que les règlements qui enchaînent les manufactures soient pareillement abrogés, comme tendant à gêner l’essor de l’industrie ;

28. Que la liberté soit entièrement rendue au commerce et que les douanes soient transportées sur les frontières, selon le projet si longtemps médité par l’administration ;

29. Que les fonds du royaume soient également soumis à l’impôt, sans aucune exception ;

30. Qu’il plaise à Sa Majesté de statuer que les subsides ne seront désormais établis qu’avec le libre consentement des Etats généraux, et pour le terme d’une assemblée nationale à l’autre ; que leur perception sera suspendue de droit à l’expiration de ce terme jusqu’à ce que l’octroi en ait été légitimement renouvelé ;

31. Que la répartition des impôts soit réglée sur les différentes provinces du Royaume, qui en arrêteront le tarif proportionnel. Qu’elle soit faite sur les diocésains et districts par les Etats provinciaux, sur les paroisses par les assemblées diocésaines ou districts, et sur les contribuables par les assemblées municipales ;

32. Qu’il soit établi entre ces différentes assemblées une unité de formation, de composition et de subordination qui, facilitant l’assiette et la levée des subsides, maintienne l’équilibre entre les diverses classes de contribuables ;

33. Que la forme d’asseoir et de lever les subsides assure une répartition égale d’impôts sur tous les propriétaires, capitalistes et fonciers ;

34. Que Sa Majesté sera suppliée de réduire à un seul et même impôt les droits de contrôle, insinuation et centième denier, de manière que l’habitant de la campagne puisse connaître l’impôt qu’il doit payer en passant un acte, auquel il est soumis par une autre loi, et de puiser dans sa sagesse et dans sa bonté paternelle des moyens qui assurent une prompte restitution aux citoyens qui auraient été forcés de payer de plus forts droits, lorsque le droit à percevoir sur un acte était douteux ;

35. Qu’aux Etats généraux nulle matière ne soit mise en délibération si elle n’a été proposée dans la séance de la veille ;

36. Que la nomination des officiers municipaux et du conseil politique dans les communautés, ne puisse être faite que par leur conseil général ;

37. Que Sa Majesté soit suppliée de supprimer tous privilèges exclusifs, et d’accorder la propriété des mines, autres que celles d’or et d’argent, à ceux dans les fonds de qui elles ont été ou seront découvertes ;

38. Que la marque des cuirs et l’ordonnance qui oblige d’expédier certains actes en parchemin timbré, soient supprimées ;

39. Que l’édit des hypothèques soit supprimé, parce qu’il porte le plus grand coup au crédit, même des plus grands propriétaires ;

40. Suppression du privilège exclusif dont jouit la ville de Marseille de faire le retrait des Echelles du Levant ;

41. Suppression des corvées et des serfs mainmortables ;

42. Révocation de l’arrêt du Conseil du 3 novembre 1787, qui prive toutes les villes et communautés du Languedoc d’un droit acquis moyennant finance, et par là, d’une vraie propriété, accordée par l’arrêt du Conseil du 27 octobre 1774, art. 13 ;

43. Que la dette de l’Etat, quelque énorme qu’elle puisse être, ayant été contractée sous la foi publique, la nation française doit la regarder comme sacrée ; en conséquence déclarer que ladite dette sera acquittée par la Nation sans aucune diminution ni retenue ;

44. Qu’il soit accordé tous les impôts qui pourront être proposés pour le besoin de l’Etat, en observant d’en diminuer le nombre, afin d’épargner les frais énormes des perceptions.

Telles sont les doléances des Communes de la ville d’Anduze. Tels sont les vœux qu’elles désireraient de faire parvenir aux pieds du trône et dans le sein de l’Assemblée nationale. Puisse enfin s’accomplir l’heureux augure qu’elle vient nous offrir ! Que les intérêts différents se confondent dans un sentiment général de patriotisme ! Que ceux qui, par leur naissance ou par leur caractère, sont placés aux premiers rangs dans l’Etat, s’illustrent encore aux yeux de la patrie ! Et qu’ils aspirent, ainsi qu’ils l’ont déjà annoncé avec loyauté, à remplir dans toute son étendue le titre de citoyen ! Qu’il tombe, ce mur de séparation qui morcelait les membres d’un seul corps, et qui, par la division des parties, cisaillait l’intérêt général ! Que toutes les voix s’associent ! Que tous les cœurs se réunissent ! Et que le premier privilège des grands soit de partager le fardeau qui accable le peuple !
Ce serait resserrer leurs droits de ne voir en eux que de simples représentants de leur ordre, que les défenseurs de leurs intérêts particuliers. Le peuple les regarde comme ses arbitres suprêmes. Surtout, que le patriotisme, se confondant avec amour antique et inné pour nos Rois, en adore le meilleur et le plus grand dans la personne sacrée de Sa Majesté ! Et que tous les cœurs français, sans cesse tournés vers le trône, le regardent comme un autel élevé à la patrie."


Signatures : Raymond, consul. Raynaud, consul. Rieu de Montvaillant. O’Reilly. Antoine Pauc, faisant tant pour moi que pour M. Rabaut de Saint Etienne. Duplan, Louis Mazade. Fontane. Rieu. A. Salle. Henri Moutier. Jean Thérond. Chabrand. Albaret. Gascuel. Martin. Gaussorgues. Julian l’ainé. Roquier. Berger fils. A, CAhours. Arnaud. Teissier. Silhol. Gache. Faucher. Beaux. Galoffre. Bernard. Dufois. Alud. Génolhac. Soulier. Roche. Olivier. Génolhac. Pade. Fontanès, avocat en parlement. Bressole. Teissier, Soutoul. Ribot. Chabanié, ex-consul. Lézan.
Ainsi procédé devant nous : Benoît, second consul, lieutenant de maire. Fontane fils, secrétaire greffier.

A suivre.

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