C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

12 janvier 2020

La maison d’Anduze et les sénéchaux de Beaucaire… 4

Ce quatrième billet consacré à l’action des sénéchaux de Beaucaire dans les Cévennes nous amène à la seigneurie d’Alès, avec les Pelet. Un nom qui confirme une origine wisigothe, comme celle des seigneurs d’Anduze. Deux familles puissantes et intimement liées, même si de profonds désaccords les ont souvent opposés sur les routes du pouvoir…

« Pierre d’Athies et les Pelet. – Une fois coseigneur d’Alais (Rappelons que saint Louis a dépossédé Pierre Bermond, ex seigneur d’Anduze et Sauve, de la coseigneurie d'Alais) le roi eut vite fait d’y étendre sa juridiction, grâce aux exactions de ses officiers.
« Toujours fidèles à la cause royale, les Pelet, pariers du roi (pariers : associés, puisque coseigneur avec lui d’Alais), pouvaient cependant espérer quelque ménagement. Mais ils étaient seigneurs trop considérables pour n’avoir rien à craindre.
« (…) La juridiction de Bernard Pelet s’étendait sur toute la région alaisienne, à Boucoiran, Rousson, Peyremale, Sainte-Marie du Val, Saint-Privat, Saint-Saturnin, Aigrefeuille.
« Le sénéchal de Beaucaire Pierre d’Athies entreprit contre le seigneur d’Alais une lutte de tous les instants.
« Il avait la partie belle : Bernard Pelet, fils de Raimond, était mort, laissant avec sa mère Sibile (Une fille de Bernard d’Anduze qui avait épousé Raimond Pelet dans le cadre d’un rapprochement des deux familles) et sa veuve Tiburge un tout jeune fils, Bernard.
 
« Pierre d’Athies, profitant de la situation, s’efforça tout ensemble de s’enrichir aux dépens de la famille alaisienne et de ruiner son influence ; en frappant d’exactions indues et répétées les bourgeois des Pelet, il atteignait ce double but, il montrait le néant et l’impuissance du coseigneur du roi et faisait envier ainsi à ceux qui se trouvaient sous sa juridiction le sort moins misérable des bourgeois du roi ; il adopta à l’égard des vassaux une tactique analogue et s’efforça de détruire de ce côté la puissance seigneuriale.
 
« Il commença par frapper les bourgeois des Pelet en tant que collectivité, exigeant de chaque agglomération une somme qu’il fixait d’après les revenus et la population de chacune d’elles ; pour Alais, il porta cette exaction au chiffre de 500 livres de viennois ; comme les habitants réclamaient, offrant de s’en remettre à la décision du roi, il emprisonna les protestataires les plus bruyants et chassa leurs familles de leurs maisons ; il obtint par ces procédés 300 livres.
« L’opération ayant réussi, il l’appliqua aux habitants de Boucoiran, de Rousson, de Peyremale, de Saint-Paul, de Sainte-Marie, de Saint-Privat, de Cassagnoles, de la paroisse de Saint-Saturnin et du territoire du château d’Aigrefeuille, prenant à chaque localité de 15 à 25 livres de viennois.
« Puis, pour compléter cette somme, il s’en prit aux individus les plus riches du pays. Pierre Mirat, qui était intervenu en 1227 comme caution de Bernard Pelet, subit mille injustices. le châtelain d’Alais, Maynier, lui ayant demandé au nom du sénéchal 25 livres viennois, il répondit par un refus ; son logis fut aussitôt envahi, sa femme, qui relevait de couches, en fut chassée, ses meubles furent saisis ; les gens du châtelain se rendirent ensuite dans son ouvroir et lui volèrent – il était drapier – pour plus de 150 livres tournois de drap. Pour recouvrer ces marchandises, Pierre Mirat dut payer les 25 livres qu’il avait refusées. Toutes ses réclamations furent vaines, le châtelain n’avait fait que suivre les instructions du sénéchal.
 
« Pierre Peillier, autre bourgeois de Bernard Pelet, eut plus encore à souffrir des violences de Maynier ; il se vit dépouiller de ses vêtements, de ses meubles, de ses armes, de son argent ; le châtelain le fit mourir en prison, puis, débarrassé de ce gêneur, opéra une seconde descente à son domicile et enleva tout ce qui s’y trouvait.
« Pierre d’Athies ne fut guerre plus respectueux de la juridiction des Pelet qu’il ne l’avait été des droits de leurs sujets ; il y avait là une source de revenus, dont il ne pouvait manquer de vouloir s’emparer. Ainsi un meurtre avait été commis sur le territoire de Cassagnoles dont la juridiction et la police appartenait à Bernard Pelet ; l’assassin comme la victime étaient hommes de ce seigneur ; celui-ci, loin de refuser justice, prétendait la rendre suivant la coutume. Le roi n’avait donc rien à voir en cette affaire. Pierre d’Athies n’en contraignit pas moins le meurtrier à lui payer 80 livres.
« En présence de ces oppressions et de ces usurpations, la dame d’Alais alla demander justice à la cour du roi, qui lui délivra des lettres enjoignant au sénéchal de faire enquête sur les droits et les possessions des seigneurs alaisiens. Tiburge apporta les dites lettres à Pierre d’Athies au château de Sommières, mais il n’en tint nul compte ; la dame d’Alais en fut pour ses frais…, ils s’élevaient à la somme de 200 livres de viennois.
« Alors commença pour Tiburge l’ère des persécutions. Courageusement, elle s’opposa au sénéchal, qui voulait obtenir d’elle une jeune fille noble de sa suite ; elle déroba à ses poursuites la femme du seigneur de Rousson, vassal des Pelet, qu’il rêvait d’enlever ; comme il avait prudemment éloigné le mari de son château et qu’il y envoyait des sergents chargés du rapt, Tiburge s’empressa de conduire en sureté à Alais la dame de Rousson. (…) »

A suivre

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