C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

14 décembre 2019

La maison d’Anduze et les sénéchaux de Beaucaire… 2

Suite du premier volet présentant les rapports de force entre seigneurs d’une même famille confrontée aux intérêts personnels de chacun. Des rivalités dont surent se servir les Montfort, ainsi que le père de saint Louis, Louis VIII. Un vieil adage résume parfaitement l'action royale : « diviser pour mieux régner » !…

« Le père de Pierre Bermond ne lui avait cependant pas donné plus que son oncle l’exemple de l’attachement à la cause toulousaine ; en 1212, il s’était efforcé d’obtenir du pape Innocent III la succession de son beau-père (Pierre-Bermond VI avait épousé Constance, fille de Raimond VI, comte de Toulouse) ; Pierre Bermond VII, au contraire, se ralliait dès 1218 au parti de Raimond VI, qui lui donnait le château de Valzergues, quatre mille marcs d’argent fin, la suzeraineté de la terre des Pelet et les comtés de Milhau et du Gévaudan, ses droits sur la terre de Bernard VII d’Anduze et le château de Joyeuse ; le seigneur de Sauve promettait en revanche à son grand-père de le soutenir toujours loyalement et de lui prêter secours contre tout homme, excepté le roi de France, et même contre le roi si celui-ci refusait de lui faire droit. 
« Pour se venger de cette alliance, Amauri de Montfort confisqua les domaines de Pierre Bermond et en disposa en faveur de Bernard VIII d’Anduze, qui lui était resté fidèle et qui lui en fit hommage le 15 avril 1220. Ainsi était dépossédé par les conquérants le seul allié que Raimond VI eût pu trouver dans la famille de Sauve.
« Mais le triomphe de Bernard d’Anduze devait être de courte durée ; il mourut trois ans plus tard, et son neveu en profita pour se faire rendre justice ; au mois de septembre 1223, l’évêque de Nîmes restitua au seigneur de Sauve la ville d’Alais, le Mas-Dieu et divers châteaux ; Pierre Bermond cédait en échange aux enfants de Bernard VIII d’Anduze et à sa veuve Vierne six deniers de Melgueil sur le péage d’Alais, les châteaux de Calberte et de Bellegarde, les droits qu’il possédait sur le péage de Portes ; les héritiers d’Anduze lui faisaient hommage de tous ces biens.
« Satisfait de cette restitution et las sans doute de batailler, ne pouvant d’ailleurs prolonger seul la résistance, le seigneur de Sauve s’empressa de faire sa soumission à Louis VIII, quand ce prince eut envahi à son tour le Languedoc.
« En 1226, au mois de mai, il reconnaissait tenir du roi de France : Sauve, Anduze, ses possessions à Alais et tous ses autres châteaux, excepté ceux qu’il tenait des seigneurs ecclésiastiques.
« Ainsi, au moment où s’établit l’autorité royale dans le pays cévenol, deux seigneurs y dominent : l’un, Bernard Pelet, co-seigneur d’Alais, ne s’est point opposé à la conquête ; l’autre, plus indépendant, Pierre Bermond, partage avec Bernard la seigneurie d’Alais, mais vit en mauvaise intelligence avec lui ; il n’a cessé de combattre en faveur des comtes de Toulouse et n’a cédé qu’au roi de France. Son autorité, très vaste, s’étend en outre sur Sauve, sur Anduze, qu’il tient de Louis VIII ; il est vassal des évêques de Lodève, de Nîmes, d’Uzès, d’Agde, de Viviers ; maître de la moitié de Sommières, de la terre d’Hierle, où il possède de riches mines d’argent et de cuivre, il apparaît comme un obstacle redoutable à l’extension de l’autorité du roi de France. (…) »
 

« (…) On le voit, les sénéchaux royaux de Beaucaire n’allaient pas trouver en face d’eux de bien redoutables adversaires. Les seigneuries les plus puissantes du pays (ici le pays est l’ensemble de la sénéchaussée de Beaucaire) appartenaient aux évêques, qui avaient livré au roi de France le midi hérétique. Quant aux anciens partisans du comte de Toulouse, seigneurs ou chevaliers ils avaient fait leur soumission. En mai 1226, Pierre Bermond, seigneur de Sauve, Héracle de Montlaur, en juin Bernard Pelet, Rostan de Sabran, les chevaliers des Arènes (il faut savoir qu’à l’époque les arènes de Nîmes, transformées quelques siècles plus tôt en un vaste château entouré de douves remplies d’eau par les Wisigoths, servaient de logis à un grand nombre de chevaliers souvent issus de la petite noblesse environnante et qui avaient choisi de quitter leur famille pour venir se regrouper à Nîmes…), ceux de Beaucaire, avaient déposé les armes devant Louis VIII.
« Après la reddition d’Avignon, tout le midi s’était rendu, le Languedoc occidental comme le Languedoc oriental, et jusqu’aux lointains seigneurs de la haute montagne.
« La résistance de la noblesse du pays n’avait été ni bien sérieuse, ni bien durable : ce n’avait été qu’un mouvement sans ensemble, sans cohésion, affaibli par les rivalités de famille, compromis par les luttes des nobles et des bourgeois. On avait vu des seigneurs profiter de la ruine de leurs parents ou même la préparer ; les habiles s’étaient efforcés de suivre, quand ils ne pouvaient la deviner, la fortune des armes, mais tous les avaient posées devant le roi de France.
« En 1229, quand fut signé le traité de Paris, les dernières luttes étaient apaisées, rien ne faisant plus obstacle à saint Louis et à ses officiers ; les seules seigneuries qui eussent tenté de leur résister se trouvaient morcelées à l’infini, rivales, et généralement impuissantes. (…) »

A suivre.

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